Commentaire de Sebastiaan Reinders, responsable de l’équipe Investment Science et Jeremy Kent, gestionnaire de portefeuille senior pour les actions durables, tous deux chez NN IP, portant sur une étude des prévisions d'émissions carbone réalisées grâce à l'intelligence artificielle.
- Les entreprises devraient publier des progrès significatifs en matière d’émissions de carbone étant donné qu’elles adoptent des mesures visant à répondre aux attentes réglementaires et sociétales.
- Tous les secteurs devraient afficher des améliorations, mais il y aura des différences substantielles entre les meneurs et les retardataires, avec un secteur des assurances particulièrement performant.
- Les prévisions en matière d’émissions permettent aux gestionnaires de portefeuille d’avoir avec la direction des entreprises des discussions enrichissantes sur les plans mis en œuvre pour atteindre les objectifs de réduction des émissions.
Encouragées par les obligations réglementaires et les attentes sociétales, de plus en plus d’entreprises fixent des objectifs de réduction des émissions conformes à l’Accord de Paris. Disposer rapidement d’estimations des progrès réalisés pour atteindre ces objectifs est extrêmement important pour les investisseurs responsables. Pour remédier au fait que les données relatives aux émissions sont publiées avec un décalage, NN Investment Partners (NN IP) a développé un modèle utilisant l’intelligence artificielle (AI) pour prévoir les intensités carbone.
Les entreprises devraient publier des progrès significatifs en matière d’émissions de carbone en 2021, selon les dernières données du modèle de prévision carbone de NN IP. Ce modèle, qui récolte les données de plus de 4 000 entreprises mondiales, indique que l’intensité carbone agrégée devrait avoir diminué de 6,4% sur l’ensemble de l’année. Pour les entreprises qui publient des informations depuis l’Accord de Paris (à partir de 2016), l’intensité carbone moyenne devrait avoir baissé de 8,7% durant la même période. L’intensité carbone moyenne devrait ainsi être redescendue à son niveau le plus faible depuis l’Accord de Paris.
Selon Jeremy Kent : « cette amélioration semble refléter les mesures prises par de nombreuses entreprises pour réduire leur intensité carbone afin de respecter les obligations réglementaires et de répondre aux attentes sociétales. En outre, la réouverture de l’économie après le confinement causé par la pandémie, ainsi que l’évolution de l’inflation ont entraîné une forte hausse des revenus dans de multiples secteurs, alors que le niveau des émissions n’a augmenté que légèrement, ce qui a entraîné une amélioration des chiffres de l’intensité carbone. Actuellement, une amélioration de l’intensité carbone est attendue dans tous les secteurs, mais il y aura des différences substantielles entre les meneurs et les retardataires. »
Des différences sectorielles
Dans le secteur de l’énergie, la hausse des prix pétroliers a fait grimper les chiffres d’affaires, ce qui a entraîné des chiffres d’intensité carbone beaucoup plus faibles, même si le niveau réel des émissions n’a guère changé. Néanmoins, une intensité plus faible résultant d’une augmentation des profits pourrait avoir un impact néfaste sur l’environnement étant donné que la hausse des prix de l’énergie est susceptible d’entraîner un glissement vers une production d’énergie générant davantage d’émissions.
Du côté opposé de l’équation, le secteur des assurances affiche des émissions absolues beaucoup plus faibles, mais fait partie des meilleurs élèves en matière d’amélioration de l’intensité carbone, en procédant à des changements de nature à entraîner une baisse structurelle des émissions. Les émissions des compagnies d’assurances sont liées en grande partie aux déplacements, qui ont fortement diminué pendant la pandémie et qui n’ont augmenté que lentement depuis lors. Ces derniers pourraient désormais rester structurellement inférieurs aux niveaux prépandémiques, alors que dans le même temps, de nombreuses entreprises de ce secteur se sont engagées à réduire leurs émissions, avec une focalisation sur la compensation du carbone.
Pourquoi utiliser l’intelligence artificielle pour prévoir les émissions ?
Les chiffres des émissions nécessaires pour les investisseurs pour évaluer les progrès des entreprises par rapport à leurs objectifs sont communiqués avec un décalage. Le défi temporel pour les données des émissions de carbone est lié à deux éléments : la faible fréquence des observations et le laps de temps avant la communication aux investisseurs. Les émissions de carbone sont généralement rendues publiques une fois par an, lors de (ou après) la publication du rapport financier annuel. En outre, les fournisseurs de données compliquent parfois la tâche en ne mettant à jour leurs bases de données que périodiquement. Cela signifie qu’il n’est pas inhabituel que les informations les plus récentes disponibles pour les investisseurs concernent les émissions de deux ans plus tôt. Ceci est problématique dans un contexte où la réglementation a un impact sur les entreprises en temps réel et où les investisseurs doivent analyser les informations actuelles pour prendre des décisions en connaissance de cause.
En se concentrant sur les mesures réelles plutôt que sur les objectifs, le modèle de NN IP s’efforce de prévoir les intensités carbone de l’année en cours. Notre équipe Sustainable Equity a collaboré avec l’équipe Investment Science de la plateforme Innovation and Responsible Investment afin de développer un modèle faisant appel à l’intelligence artificielle pour prévoir les intensités carbone.
Le modèle se concentre sur la prévision de l’intensité carbone par unité de chiffre d’affaires car les émissions absolues peuvent fluctuer substantiellement à la suite de facteurs tels que des acquisitions ou des cessions et peuvent, par conséquent, fausser les comparaisons. En prenant le chiffre d’affaires comme dénominateur du modèle, les secteurs bénéficiant d’une rapide croissance de leurs profits peuvent faire partie des secteurs affichant les améliorations les plus substantielles de leur intensité carbone. Le modèle permet aux gestionnaires de portefeuille de zoomer sur des positions spécifiques du portefeuille et d’identifier les entreprises pour lesquelles une amélioration ou une détérioration record de l’intensité carbone est attendue.
Sebastiaan Reinders ajoute : « Schématiser les changements attendus de l’intensité carbone des positions du portefeuille est un exercice très utile, ceci nous permet d’établir le classement des meilleures et des plus mauvaises performances anticipées. Comparer ces changements attendus aux changements basés sur les chiffres publiés est une façon de repérer les entreprises qui semblent sur la voie de progrès réguliers en matière de réduction de leur intensité, ou celles qui se distinguent dans le sens positif ou négatif. Ce dernier point est particulièrement intéressant car il permet aux gestionnaires de portefeuille d’avoir avec la direction des entreprises des discussions enrichissantes sur les plans mis en œuvre pour atteindre les objectifs de réduction des émissions ou sur les obstacles et les facteurs favorables pour atteindre ces objectifs dans les délais prévus. »
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