L’analyse de Sarah Le Gouez, secrétaire générale du Cercle de l’Épargne
1/ Chiffres clés de l’étude*
- Inquiétude et défiance à l’égard du système de retraite
73% des femmes estiment que le niveau de pensions servies est ou sera insuffisant pour vivre correctement à la retraite.
69% des femmes pensent que le système de retraite tombera en faillite d’ici quelques années.
- Réforme des retraites, de fortes attentes mais d’importantes réserves
80% des femmes sont favorables à une réforme systémique des retraites.
53% des femmes sont opposées à l’allongement de la durée de cotisation et au report progressif de l’âge légal de départ à la retraite.
- Une sensibilité pour l’épargne retraite malgré des moyens plus limités<
39% des femmes déclarent épargner en vue de la retraite contre 49% des hommes.
27% des femmes ont l'intention de souscrire un PER et 12% l'ont déjà fait (contre respectivement 24% et 9% des hommes).
2/ L'étude plus en détail
L’égalité entre les hommes et les femmes en matière de salaire demeure à réaliser même si l’écart tend à se réduire grâce notamment à l’intervention du législateur et à la progression du taux d’activité féminin. Les pensions de retraite étant une photographie des situations professionnelles passées donnent lieu, encore aujourd’hui, à d’importantes inégalités entre les deux sexes. Cet écart persistant explique en grande partie les perceptions différentes vis-à-vis du système de retraite qui sont constatées entre les hommes et les femmes.
À l’origine, des écarts de revenus entre hommes et femmes
Les inégalités de revenus entre hommes et femmes, sont à la fois liées à la nature des postes occupés et à la pratique plus répandue du temps partiel chez les femmes. Ainsi, en 2020 selon l’INSEE, 39,9% des femmes en emploi occupent des postes d’employés, contre 12,5% des hommes. Si en revanche, on compte davantage d’hommes parmi les ouvriers (29,9% contre 7,9%), ils sont également plus nombreux à exercer une activité en tant que cadres (respectivement 22,7% contre 17,9%). Enfin près de 3 femmes sur 10 travaillent à temps partiel (27,4% exactement), soit 3,3 fois plus que les hommes.
La nature et les conditions d’exercice des emplois ont de fait une incidence sur le niveau de salaire. Elles expliquent une grande partie des écarts de salaires constatés bien que ces derniers tendent à se réduire. En 2018, le salaire moyen d’une femme en équivalent temps plein était inférieur de 16,8% à celui d’un homme quand il l’était de 20% en 2009. La différence est encore plus marquée parmi les plus hautes rémunérations, notamment parce que les femmes sont sous–représentées dans le haut de la distribution des salaires. Toujours selon l’INSEE, elles ne représentent que 19,5% des 1% des salariés les mieux rémunérés, alors qu’elles occupent 41,6% de l’ensemble des postes salariés du privé.
Une inégalité réelle à la retraite
Fin 2019, les femmes résidant en France avaient, selon la DREES, une pension de droit direct (y compris l’éventuelle majoration de pension pour trois enfants ou plus) inférieure, en moyenne, de 40% à celle des hommes. Cet écart était de 50% en 2004. Cette réduction s’explique par l’augmentation du taux d’activité des femmes qui accèdent par ailleurs davantage à des postes qualifiés et par la meilleure prise en compte des arrêts de travail pour maternité. L’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) mise en place en 1972 leur a également permis d’acquérir, sous certaines conditions, des droits à pension au titre de l’éducation des enfants. Après prise en compte de la pension de réversion, dont les femmes sont les principales bénéficiaires l’écart de pension homme/femme passe à 28% en 2019.
Un haut niveau d’inquiétude
En septembre 2021, 73% des femmes estiment que le niveau de pensions servies est ou sera insuffisant pour vivre correctement quand 55% des hommes partagent ce point de vue. Parmi elles, 29% considèrent même qu’il était « tout à fait insuffisant » (contre 20% des hommes).
Défiance des femmes à l’égard du système actuel de retraite
Près de sept femmes sur dix (69%) pensent que le système de retraite tombera en faillite d’ici quelques années « s’il n’est pas profondément réformé ». Cette proportion est de 64% pour l’ensemble des Français et de 58% chez les hommes. Cet écart est à mettre en parallèle avec l’appréciation précédente du niveau des pensions par les femmes.
Les femmes plus hostiles que les hommes à l’idée de devoir travailler plus longtemps
Seulement 27% des femmes contre 31% des hommes accepteraient l’idée d’un report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans. Cette opposition est liée au fait qu’elles liquident déjà plus tardivement que les hommes leurs droits à pension. En 2019, selon la DARES les femmes ont liquidé leurs droits à la retraite en moyenne 7 mois après les hommes, à 62 ans et 6 mois, contre 61 ans et 11 mois. Elles craignent de subir un nouveau report.
Si elles sont plus inquiètes que les hommes en ce qui concerne l’avenir du système de retraite, elles sont plus nombreuses à rejeter toutes réformes pouvant les contraindre à travailler plus longtemps. Elles sont ainsi 53% à manifester leur opposition à la fois à l’allongement de la durée de cotisation d’une part et le report progressif de l’âge légal d’autre part (contre 49% des hommes).
Réforme des retraites : les femmes partagées entre désir d’égalité et prise en compte de certaines spécificités
Les femmes comme les hommes maintiennent leur préférence pour la mise en place d’un régime unique de retraite, fusionnant tous les systèmes existants. Cette solution citée par 44% de femmes, est encore plus populaire chez les hommes qui sont 50% à la soutenir. Malgré l’opposition croissante à la réforme à compter de l’ouverture du débat parlementaire, une majorité relative de sondés demeure, en septembre 2021, réceptive au slogan « un euro cotisé donne les mêmes droits pour tous ».
Au-delà de cette quête de transparence et d’égalité, une part non négligeable des sondés, plus particulièrement les femmes, espère conserver un certain nombre d’avantages ou spécificités liés à leur statut et/ou à leurs conditions de travail. 36% des femmes contre 26% des hommes aspirent ainsi à un régime universel à la carte.
Les femmes, davantage sujettes à des carrières entrecoupées en raison d’arrêts maternité, de congés parentaux ou encore de réduction de temps de travail sont de fait très attachées aux dispositifs compensatoires dont elles peuvent être destinataires, selon leur statut professionnel. À ce titre, elles sont plus nombreuses que les hommes à soutenir un système unique à condition que ce dernier prenne en compte les particularités ou spécificités statutaires.
Les femmes plus critiques que les hommes à l’égard du système actuel, sont moins favorables au statu quo. 20% des sondées sont pour le maintien du système actuel contre 24% des hommes interrogés.
Toutefois, si l’option du statu quo en matière de retraite demeure minoritaire, tant chez les hommes que chez les femmes, cette troisième solution proposée dans les éditions 2018 et 2021 de l’enquête Cercle de l’Épargne/Amphitéa, est la seule à croître dans l’intervalle. Elle gagne 7 points chez les femmes et 10 points chez les hommes.
Épargne retraite : une pratique moins répandue chez les femmes
61% des interviewées déclarent ainsi ne pas épargner du tout dans cette optique contre 51% des hommes. Parmi les épargnantes en vue de la retraite, seules 6% le font très régulièrement (contre 12% des hommes).
Cette moindre pratique de l’épargne en vue de la retraite tient principalement aux écarts de revenus précédemment évoqués. Faute de moyens suffisants, les femmes privilégient l’épargne de précaution pour répondre à des besoins de court terme.
Les femmes et le Plan d’Épargne Retraite, une histoire à construire ?
72% des femmes déclarent n’avoir jamais entendu parler du Plan d’Épargne Retraite contre 63% des hommes. Ce produit, né de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi PACTE) est un produit de niche davantage destiné aux CSP+ se situant en haut du panier en termes de rémunération. Outre leur capacité plus grande à placer une partie de leur revenu dans un produit tunnel, ces actifs sont également ceux qui bénéficieront des taux de remplacement les plus faibles une fois à la retraite.
Pour autant, 12% des femmes déclarent avoir déjà souscrit un PER contre 9% des hommes. Ainsi, une proportion non négligeable de femmes semble déjà convaincue par ce produit dont la commercialisation a débuté le 1er octobre 2019.
Elles sont par ailleurs plus nombreuses à manifester un intérêt pour le PER. 27% d’entre elles indiquent avoir l’intention d’en souscrire un. Respectivement 5% d’entre-elles déclarent qu’elles le feront « certainement » et 22% « probablement ». Les hommes sont un peu moins nombreux à l’envisager (24% au total dont néanmoins 8% déclarent vouloir « certainement » souscrire un PER).
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La réforme des retraites voulue par le Président de la République, initialement suspendue en raison de la pandémie, a été définitivement abandonnée fin 2021. Néanmoins, le sujet des retraites demeure d’actualité. Qu’il s’agisse d’Emmanuel Macron ou des autres candidats à la présidentielle, tous semblent vouloir réouvrir le dossier des retraites dans le cadre du futur quinquennat. Quelle place accordera la future réforme à la prise en compte de l’égalité homme/femme parmi les pensionnés ? Lors de la discussion de la réforme systémique des retraites, la possible remise en question de la réversion et des droits familiaux avait contribué à alimenter les oppositions au projet de loi. La convergence des niveaux de qualification et des parcours professionnels entre hommes et femmes interroge sur la nécessité de maintenir des dispositifs coûteux à l’avenir. Pour autant, la persistance des inégalités hommes/femmes en 2022 continue à poser question.
*Les chiffres de cette étude sont tirés de l’enquête « les Français, l’épargne, la retraite et la dépendance » conduite par le Centre d’études et de connaissances sur l’opinion publique (CECOP) à la demande du Cercle de l’Épargne et d’Amphitéa. L’enquête a été réalisée via internet les 1er et 2 septembre 2021 auprès d’un échantillon de 1 019 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, constitué selon la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée) après stratification par région et catégorie d’agglomération. Le terrain d’enquête a été confié à l’IFOP.