Le patrimoine financier des 63 milliardaires français émet autant de gaz à effet de serre que celui de 91% de la population française : c’est ce que révèlent Oxfam France et Greenpeace France dans une étude inédite. L’ampleur de ces inégalités climatiques pose la question du partage de l’effort dans la transition écologique à accomplir, surtout après un quinquennat marqué par le mouvement des Gilets jaunes.
Pour les deux associations, si le gouvernement choisissait de faire peser la fiscalité carbone sur les plus pollueurs en créant un Impôt sur la fortune (ISF) climatique, il gagnerait en crédibilité et la transition écologique en acceptabilité sociale.
Le patrimoine financier des milliardaires : une empreinte carbone colossale
Avec au moins 280 millions de tonnes équivalent CO2 en une année, le patrimoine financier de 63 milliardaires français émet autant que la Belgique, le Danemark, le Portugal et la Suède réunis.
En regardant dans le détail, seulement cinq milliardaires français émettent, au travers de leur patrimoine financier, autant que celui des deux tiers des Français. À elle seule, la famille Mulliez (Auchan) émet autant que 11% des ménages français, soit plus que tous les habitants d’une région comme la Nouvelle-Aquitaine.
Pourquoi s’intéresser au patrimoine financier des milliardaires ?
Jusqu’à présent, plusieurs études ont calculé les émissions associées au style de vie et de consommation des milliardaires. Or, lorsque l’on s’intéresse à l’empreinte carbone de leurs actifs financiers, on s’aperçoit que leur consommation (jets privés, yachts etc.) n’est que l’arbre qui cache la forêt. La réalité est qu'au-delà de leur mode de vie, c’est leur patrimoine financier, via leur participation dans des entreprises polluantes, qui est le poste le plus important de leur empreinte carbone totale. Dès lors, les disparités climatiques explosent, pour atteindre des niveaux vertigineux.
Selon Alexandre Poidatz, chargé de plaidoyer Finance et Climat chez Oxfam France : « Pour garantir une transition écologique socialement juste, le changement de logiciel est simple : le poids de la transition écologique doit être transféré des consommateurs les plus précaires, qui polluent le moins, aux producteurs les plus riches, qui polluent le plus et ont les moyens de transformer ces outils de production ».
La place qu’occupent les milliardaires dans les entreprises qu’ils financent leur offre un pouvoir prépondérant dans la prise de décisions et une capacité à opérer un virage écologique, qui fera émerger des solutions bas-carbones pour toute la population, y compris pour que les plus précaires puissent mieux consommer sans que ce soit le fruit d’une contrainte.
Pour Clément Sénéchal, chargé de campagne climat à Greenpeace France : « Les ultra-riches posent aujourd’hui une continuité de problèmes à la communauté : ils pilotent des entreprises généralement climaticides, bâtissant ainsi leur fortune sur des investissements qui sont nocifs au climat. Ils en tirent aussi un mode de vie généralement nuisible à la planète et ils bloquent indirectement toute transition par l’intermédiaire des lobbies industriels. Les 15 millions de tonnes de CO2 que l’État est sommé d’éliminer d’ici à la fin de l’année, suite au jugement rendu dans l’Affaire du Siècle, résident d’abord dans les poches des milliardaires. »
Dans le top cinq des empreintes carbones des milliardaires se retrouvent des secteurs particulièrement polluants qui doivent accélérer de toute urgence leur transition vers une économie bas-carbone :
- Famille Wendel, une banque d’investissement,
- Gérard Mulliez, dans la grande distribution (Auchan),
- Rodolphe Saadé, opérateur de transport maritime,
- Emmanuel Besnier, propriétaire de Lactalis (agro-alimentaire)
- Jacques Merceron-Vicat, cimentier
L’ISF climatique : du partage de l’effort à la justice sociale
L’ampleur de ces inégalités pose la question du partage de l’effort dans la transition écologique à accomplir, surtout dans un pays où la fiscalité carbone pèse proportionnellement plus sur les ménages les plus modestes que sur les ménages les plus aisés.
Afin de renverser la pression fiscale en engageant un partage de l’effort plus juste, Greenpeace France et Oxfam France préconisent ainsi l’instauration :
- D’un ISF climatique, qui rapporterait au moins 12,5 Mrds€ en 2022, grâce uniquement à son volet climat.
- Une taxe supplémentaire sur les dividendes pour les entreprises qui ne respectent pas l’Accord de Paris, qui rapportera au minimum 17 Mrds€ aux finances publiques.