Par Julien Hostache, DG et co-fondateur d’Enerfip, et Vincent Clerc, directeur distribution & partenariats d’Enerfip
Un outil de financement participatif indépendant des circuits traditionnels, c’est le principe du crowdfunding. En quelques années, le trublion de l’investissement est en passe d’acquérir un rôle majeur dans le financement de l’économie aux côtés des banques et des fonds d’investissement.
Au début des années 2010, les plateformes de crowdfunding suscitaient un intérêt amusé de la part des acteurs bancaires. Ce mode de financement alternatif a trouvé son public tant du côté des porteurs de projet que des investisseurs privés soucieux de donner du sens à leurs investissements. Du simple effet de mode, le financement participatif est sur le point de devenir un élément significatif du financement en France avec une collecte supérieure au milliard d’euros en 2020 contre 167 millions d’euros 5 ans plus tôt, selon une étude de Mazars.
Le crowdfunding, une source de financement complémentaire
Émanation de la digitalisation, le succès du crowdfunding repose sur une approche innovante du financement. Les levées de fonds sur les plateformes, qu’ils s’agissent de dons, de prêts ou de prises de participation dans des entreprises, s’appuient sur une communauté d’épargnants soucieux de donner du sens à leurs investissements en soutenant des projets de leurs territoires dans des secteurs d’activité qui leurs sont chers tel que la transition énergétique.
Les plateformes de crowdfunding accompagnent une évolution sociétale. Les investisseurs agissent également en citoyens en choisissant de soutenir les projets qui répondent à leur sensibilité et participent, souvent, à développer des activités durables et des emplois locaux.
A mi-chemin entre la finance solidaire et la recherche de rendements, le succès du financement collaboratif repose aussi sur des potentiels de performances élevées dans un contexte économique inédit. En effet, entre la politique monétaire accommodante des banques centrales et l’excès de liquidité couplée à des taux bas, les épargnants sont à la recherche de placements rémunérateurs. Les plateformes de crowdfunding leur offrent cette solution de diversification éthique et présentent des rentabilités sans équivalent.
Du coté des porteurs de projet, les plateformes leur offrent la possibilité de lever des capitaux en dehors des circuits traditionnels de financement que sont les banques et les sociétés d’investissement. Elles bousculent des habitudes et font évoluer ce secteur grâce à leur agilité et leur capacité à mobiliser les investisseurs privés autour de plusieurs projets avec une grande célérité.
En favorisant la désintermédiation entre les entrepreneurs et les investisseurs privés, les plateformes de crowdfunding font émerger une nouvelle forme d’investissement plus directe et en circuit court. Ce mode opératoire est rapide et correspond aux mutations du marché du financement que les acteurs traditionnels, par leur taille et leur process, ont du mal à prendre en compte. L’avenir du financement doit passer par une collaboration plus forte avec les banques pour co-construire une offre cohérente. Les établissements bancaires ont leurs rôles à jouer dans ce schéma de désintermédiation financière.
Dans ce sens, le développement d’émissions obligataires avec des garanties bancaires permet de réduire le risque des investisseurs privés tout en attirant les investisseurs institutionnels sur les plateformes.
Un marché européen pour porter le crowdfunding
Une coopération entre les plateformes et les établissements bancaires renforcerait la montée en puissance du crowdfunding. L’essor rapide du financement participatif a bénéficié d’un cadre réglementaire favorable en France. L’ouverture du marché européen, avec la mise en place du passeport au sein des pays membres de l’Union à partir de cette année, participera à l’émergence de champions transnationaux. Si la France semble bien placée pour partir à la conquête de nouveaux marchés, nul doute que le soutien des banques aux plateformes accélérera la croissance du secteur.
L’agilité des plateformes, leur capacité à innover et à s’adapter à une nouvelle réglementation constitue une formidable opportunité de synergies pour les établissements bancaires. On peut cependant estimer que l’association de ces deux acteurs du financement ne sera une réussite qu’à la condition que les plateformes conservent leur autonomie et leur esprit agile, en perpétuelle mutation. En travaillant de concert, les banques et les plateformes arriveront à proposer des solutions novatrices et non-conventionnelles répondants aux demandes des épargnants et des professionnels, dans le but de soutenir une économie vertueuse, soutenable et créatrice d’emploi.