Par Jonathan Lanez - Directeur Réglementation, Qualité & Marché de CertiNergy & Solutions
D'une durée de quatre ans au lieu des trois prévus initialement, la quatrième période des CEE s'achèvera au 31 décembre 2021. Très ambitieuse dans ses travaux préparatoires, la cinquième période déçoit sur les premiers éléments de sa mise en œuvre et de son calendrier. Analyse.
La révision de fiches d'opérations standardisées repoussée
Parmi les axes d'amélioration par rapport aux phases précédentes, le rapprochement des primes CEE et des économies d'énergie réelles constituait l'un des enjeux prioritaires de la nouvelle période. Selon l'ADEME, les économies d'énergie réelles représentent moins de 50% du total des économies d'énergie comptabilisées par le dispositif. Autrement dit, pour 100 MWhcumac comptabilisés, 47 MWhcumac correspondent à des économies d'énergie réelles et imputables au dispositif.
La révision des opérations standardisées les plus utilisées était une action identifiée pour répondre à cet enjeu. Or, cette révision a été repoussée et entrera en application à partir de mai 2022. Ce sera ainsi le cas des fiches liées à l'isolation (combles et toitures, murs, planchers) et au calorifugeage des réseaux hydrauliques de chauffage et ECS en bâtiments résidentiels. Mais, certaines fiches prévues à l'agenda ne seront pas concernées comme les systèmes de récupération de chaleur fatale sur des groupes de production de froid dans l'industrie.
En parallèle, les bonifications complémentaires, type « coups de pouce », utilisées pour atteindre les objectifs de quatrième période (P4), si elles doivent officiellement être limitées en P5, ont également été prolongées pour répondre aux pénuries de matériaux. En d'autres termes, en raison de ces différents retards cumulés, l'équilibre du marché des certificats d'économies d'énergies sera précarisé sur quasiment l'ensemble de 2022 et 2023.
Renforcement de la qualité : faciliter le contrôle des projets
C'était l'un des écueils des premières périodes des CEE : des effets d'aubaine qui ont conduit à quelques dérives et des projets, en particulier dans le résidentiel, mal réalisés et/ou peu efficaces énergétiquement. Dès la quatrième période, des contrôles, initialement volontaires ensuite obligatoires, ont été prévus pour lutter contre la fraude et les malfaçons.
Désormais obligatoires, l'objectif est de passer de 63 000 contrôles prévus en 2022 à 174 000 contrôles d'ici 2025 sur 45 fiches d'opérations représentant 95% des volumes de CEE délivrés. Une obligation qui a pour objectif de responsabiliser les demandeurs en même temps que d'assainir la filière.
Si les référentiels de contrôle sont encore en cours de concertation fin 2021, ils devraient être prêts pour la mise en œuvre de la cinquième période. Il s'agira toutefois de rester vigilant à ce que les lourdeurs administratives potentiellement associées à ces contrôles ne viennent pas freiner les bonnes volontés du marché.
Transparence accrue et pilotage amélioré du dispositif des CEE
Là aussi, le reproche a été souvent fait à l'encontre du dispositif : l'opacité du marché et l'identification difficile des mandataires et des éventuels délégataires. Une opacité que n'a pas manqué d'épingler le rapport Tracfin publié à l'été 2021. Pour assainir le marché et rendre parfaitement lisible l'ensemble de la chaîne, une publication des mandataires CEE sera désormais obligatoire à partir de 2022.
En parallèle, c'est aussi le pilotage des CEE sur le long terme qui doit être amélioré. Notamment via la réalisation de reporting trimestriel des opérations engagées à transmettre à l'administration. En effet, jusque-là, l'administration avait connaissance des CEE seulement lors des demandes réalisées auprès d'elle, à savoir en fin de cycle. Avec cette communication, l'administration gagne plusieurs mois de visibilité sur le « stock de CEE » par rapport aux objectifs de la période.
Ainsi, le pilotage s'en trouve amélioré et limite les « à-coups », comme c'est le cas de certaines bonifications en cette fin de période. Sans compter que, vis-à-vis de la filière, l'arrêt de ce genre de bonifications est toujours délicat à opérer.
Orientation décarbonation et engagement de performance : des effets de bord constatés
La décarbonation étant un enjeu majeur, la cinquième période des CEE oriente sans surprise ses obligations vers des solutions décarbonées. C'est ainsi, par exemple, que les aides aux chaudières gaz disparaissent au profit de dispositifs de chauffage de type pompe à chaleur ou utilisant la biomasse.
En parallèle, les coups de pouce « rénovation globale » sont maintenus jusqu'en 2025 (malgré un projet de refonte dans les prochains mois). Tandis que le Contrat de Performance Énergétique, s'il est prolongé et accentué pour les bâtiments (tertiaires et résidentiels), est supprimé dans l'industrie. On note aussi une suppression du coefficient carbone pour les sites EU-ETS qui nous semble assez surprenante même si la décarbonation de l'industrie est traitée dans le Plan de Relance.
En d'autres termes, la cinquième période des CEE fait disparaître certaines opportunités, notamment dans l'industrie. Peut-être la révision ou l'encadrement de certaines fiches, en lieu et place d'une coupure de la bonification, aurait permis de limiter les effets d'aubaine sans priver un certain nombre d'industriels d'opportunités de limiter leur empreinte carbone ?
Quoi qu'il en soit, au même titre que les périodes précédentes, la nouvelle période des CEE devra bénéficier rapidement et régulièrement de mises à jour et de réajustements afin de trouver le bon équilibre à la fois vis-à-vis des objectifs à atteindre, de l'ensemble des filières concernées mais également des obligés et des consommateurs, et ainsi d'améliorer constamment la valeur de l'économie d'énergie symbolisé par la valeur du CEE.