Entretien avec Benjamin Louvet, gérant matières premières chez OFI Asset Management
Le déploiement d’énergies alternatives est étroitement lié à l’industrie minière. Quels sont les enjeux ?
La transition énergétique ne peut pas attendre. Il faut impérativement décarboner l'économie en s’appuyant sur les sources d'énergie « bas carbone » qui, d’une manière générale, transforment l'énergie du vent ou du soleil en électricité. Cela nécessite une technologie spécifique et des transformateurs qui vont progressivement transformer notre dépendance aux énergies fossiles en dépendance aux métaux. Et comme le démontrent les travaux d’Emmanuel Hache, économiste et prospectiviste à l’IFP Energies Nouvelles, les besoins en métaux sont considérables.
Considérables, à quel point ?
Si on prend l'exemple du cuivre, même avec un taux de recyclage important de l'ordre de 40 % en 2050, 90 % des réserves de cuivre disponibles sur la planète actuellement seront consommées. Le Chili, qui est le plus gros producteur de cuivre au monde, n’a la capacité d’augmenter sa production qu’à hauteur de 2 à 2,5% par an alors que les besoins exigeraient une croissance annuelle de 4 à 4,5 % pour assurer la transition énergétique. Ces nouveaux besoins en métaux vont impliquer un bouleversement de l'ordre géopolitique actuel. Certains acteurs vont émerger aux cotés de la Chine. C’est le cas, par exemple, de la République Démocratique du Congo qui est un grand producteur de cobalt ou du Chili, comme évoqué, pour son cuivre. La Chine produit quant à elle l’essentiel des terres rares. Elle est également très présente dans le processus de raffinage de certains métaux. Elle contrôle ainsi 70 à 80 % des marchés du cobalt et du lithium.
Quels sont les autres métaux concernés ?
Nous anticipons des carences sur les marchés du zinc, de l'aluminium, de l'argent, du nickel, du plomb, du platine ou encore de l’acier. La transition énergétique est donc un sujet important et l'Europe, via sa taxonomie, a un positionnement adéquat en fléchant les solutions « bas carbone ». Cela dit, pour l'heure, il n'est fait mention nulle part de l'industrie minière or celle-ci va se révéler particulièrement critique dans les prochaines années.
Propos recueillis par Thierry Bisaga