Par Pascal Chapelon, Président de la Fédération des syndicats des agents généraux d’assurance.
La COP 26 s’est terminée sur un résultat bien mince. Ce qui rend les initiatives des états et de la société civile d’autant plus importantes. Engagé dans la réforme des régimes CAT NAT et multirisques climatique récolte, le gouvernement va dans le bon sens.
« Ce qui ne nous empêche pas d’essayer de faire évoluer le texte. Si nous voulons garder l’intérêt de l’assuré au centre du sujet, comme cela se profile, il faut que tous les acteurs s’impliquent », souligne Pascal Chapelon.
CAT NAT : dernière ligne droite
Le régime des catastrophes naturelles (CAT NAT) a été instauré en 1982 pour couvrir « les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises ».
Avec l’augmentation du nombre d’épisodes CAT NAT et leur intensification, ce régime a atteint ses limites. Sa réforme, retardée longtemps par la pandémie, est sur le point d’aboutir : après son adoption par l’Assemblée nationale et sa modification par le Sénat, il faut désormais que les deux aréopages s’accordent sur un texte commun en commission mixte paritaire.
Il prévoit notamment :
- Une facilitation et une plus grande transparence de la reconnaissance de l’état de CAT NAT
- La suppression de la modulation des franchises
- La prise en charge des frais de relogement au titre du régime
- L’allongement des délais de déclaration et baisse des délais pour le versement de l’indemnisation
Seul écueil : rien n’est prévu pour modifier le financement du régime, déjà très déficitaire et qui va coûter de plus en plus cher.
De bonne mesures générales et des questions sur le financement, un scénario que nous retrouvons pour la réforme de l’assurance multirisques climatique récolte (MRC).
MRC : une réforme qui va dans le bon sens
Par définition, le monde agricole est soumis aux aléas climatiques mais leur multiplication et leur aggravation changent la donne. Une notion bien prise en compte par le gouvernement dans son projet de loi présenté le 1er décembre afin d’être adopté avant la fin de la mandature.
Prudence néanmoins car si le texte a de fortes chances d’être voté, il faudra être attentif aux décrets et ordonnances qui expliciteront son application.
Un principe de solidarité
Le projet de loi, largement inspiré du rapport du député Frédéric Descrozaille prévoit notamment un système avec 3 niveaux de prise en charge, calculés en pourcentage de perte de la récolte par rapport à l’année N-1 :
- une prise en charge des pertes faibles par l’exploitant ;
- une prise en charge des pertes moyennes par l’assureur privé ;
- une prise en charge des pertes exceptionnelles par la solidarité nationale, modulée en fonction des cultures.
« Sans renier la nature aléatoire des métiers agricoles, ce nouveau régime adapte la couverture du risque au contexte du changement climatique », estime Pascal Chapelon.
Cela est renforcé par l’interdiction qui serait faite de refuser le dossier d’un exploitant et l’application d’une tarification technique commune pour les aléas climatiques couverts.
Toutes ces mesures ont pour but d’améliorer le taux de pénétration de cette assurance dans le monde agricole, encore sous-protégé (on estime à 30% les exploitations couvertes). Des campagnes de sensibilisation seront menées dans les cursus estudiantins et sur le terrain.
Toutes ces mesures sont excellentes mais renvoient nombre de questions aux décrets et ordonnances d’application.
Des questions en suspens
Il en va ainsi du pool de co-réassurance, voulu par le gouvernement, qui sera défini par ordonnance. Toutes les données (économiques, financières, assurantielles…) y seraient mises en commun afin de déterminer ce fameux tarif de base et de mutualiser les risques.
L’évaluation et l’indemnisation des dommages pourraient aussi être gérées par des interlocuteurs, agréés par l’Etat, qui pourront être les assureurs.
Mais le flou demeure sur d’autres points. Comment sera déterminer le tarif de base ? Des surprimes seront-elles applicables par les compagnies ? Si oui, dans quelle mesure ? Sinon quelles sont les compensations possibles ? Quels seront les délais de remboursement pour les agriculteurs ? Quelle place pour la réassurance privée ?
De plus, le financement est à peine esquissé. Le rapport Descrozaille recommandait de doter le régime de 600 à 700 M€. Ce qui représente une forte hausse par rapport au précédent (300 M€). Comment cette augmentation sera-t-elle financée ? Par qui ?
Pour répondre à toutes ces questions, les agents généraux d’assurance et leurs mandantes sont légitimes.
Les agents généraux, des acteurs de terrain
Par leur maillages les agents généraux sont très présents dans les zones rurales campagnes et sont déjà les interlocuteurs de nombreux exploitants pour leur matériel (tracteurs par exemples), leurs bâtiments (entrepôts, hangars, étables, serres…) ou même leur résidence principale.
« Ils connaissent les besoins de leurs clients, qui leur font confiance » affirme Pascal Chapelon. « Ils sont donc incontournables dans la politique de prévention et de proximité portée, à raison par le gouvernement », poursuit-il.
En conclusion, il appelle toutes les compagnies mandantes « et pas seulement les acteurs historiques » à intégrer le pool de gouvernance, qui sera le lieu de l’élaboration d’une part importante de la future politique agricole française.