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La reprise d'entreprises, une opportunité pour les ingénieurs

Lors de la Journée de l'Ingénieur le 18 mars dernier, organisée par Ingénieurs et Scientifiques de France (IESF) à Bercy, sous le patronage du ministère du Redressement productif, Pascal Ferron, vice-président de Baker Tilly France et spécialiste de la reprise d'entreprise, entouré d'intervenants ingénieurs et repreneurs, a expliqué, lors d'une table ronde, pourquoi et comment la reprise d'entreprises constituait une opportunité intéressante pour les ingénieurs qui auront su intégrer les données du contexte.

Environ un tiers des personnes physiques qui reprennent une entreprise pour la 1ère fois sont des ingénieurs (source observatoire du CRA). Pour se lancer dans l'aventure, ceux-ci, qui ont la plupart du temps des diplômes assez élevés, doivent avoir avant tout une véritable envie d'entreprendre, se débarrasser des poncifs usuels et surtout ne pas écouter tous les bons amis de leur entourage traditionnel qui sont souvent autant de Cassandre castrateurs. Bien informés et sans préjugés, ils pourront profiter des opportunités qui existent bel et bien.

 

Combien d'entreprises à reprendre chaque année ?

Bien qu'aucun organisme de statistique officiel ne soit à même de les recenser exhaustivement, les différents intervenants s'accordent en général sur le fait qu'en moyenne chaque année 60 000 opérations de cession se concrétisent en France, dont plus de 55 000 avec des entreprises de moins de 10 salariés.

Par ailleurs :

  • si on considère que les deux tiers concernent des cessions de fonds de commerce (magasins ou artisans), et le tiers des cessions de parts/actions de sociétés ;

  • si on observe que, de plus, la moitié environ de ces dernières se transmettent dans le cercle familial ;

  • si on enlève les professions règlementées ou spécifiques qui nécessitent pour le repreneur d'être de la profession (avocats, notaires, pharmaciens, médecins...) ;

  • si on soustrait également les entreprises dont l'activité repose exclusivement sur le cédant ;

    les entreprises susceptibles d'intéresser les ingénieurs primo repreneurs sont finalement assez peu nombreuses, entre 2 et 4 000 par an.

Mettons en regard la période actuelle de crise qui, d'une part met au tapis un certain nombre d'entreprises avant même qu'elle puissent être vendues, et d'autre part donnent des idées de reprise à un plus grand nombre de cadres victimes d'un énième plan de restructuration.

Il apparaît alors évident qu'actuellement la loi de l'offre et de la demande est favorable aux cédants, surtout à ceux disposant d'une belle entreprise, ce qui est encore plus rare bien évidemment. Il existe sur le marché moins de belles entreprises à reprendre que de repreneurs en capacité de reprendre.

La motivation doit être très forte

La plupart du temps, les ingénieurs qui envisagent de reprendre une entreprise travaillent ou ont effectué une bonne partie de leur carrière dans des grands groupes internationaux. Pour certains, cette idée germait dans leur esprit depuis longtemps et n'attendait que le printemps pour éclore. Mais le plus souvent, pour prendre la décision de quitter le « cocon » d'un grand groupe, avec une carrière toute tracée, il faut y être un peu forcé : une fusion, une vente, un licenciement. Dans ce cas, il faut prendre très vite la mesure de ce que signifie « être repreneur ». Pour un ingénieur qui, par essence, est très cartésien, il pourra être difficile de rentrer dans un nouveau monde qui est tout, sauf cartésien.

Un changement complet de style de vie

Finies les belles cartes de visite avec une fonction et un logo valorisants, terminés les voyages en avion (sauf peut-être pour les vacances). On n'existe plus par la fonction et le statut social, mais que par soi-même. Il va également falloir affronter le regard des autres. Les amis notamment, qui, au départ, trouvent votre projet « génial » ! Ils en rêvent eux-mêmes depuis des années ! Puis, au fur et à mesure que le temps passe, ils se mettent à douter de vous, à vous inviter moins souvent, voire à finir par vous considérer comme un looser. Et lorsque le succès sera au rendez-vous, vous aurez peut-être changé d'amis.

Inutile de préciser qu'un projet de reprise doit être un projet familial. A la clé, cela peut signifier un déménagement, avec des changements d'écoles, de lycées...

Car reprendre une entreprise prend du temps, entre un et deux ans en moyenne. Et ses finances personnelles doivent être gérées autrement. Le « pactole » de l'indemnité de licenciement doit être conservé précieusement pour constituer l'apport personnel, les indemnités de chômage et/ou les réserves personnelles diminuent rapidement. Placements risqués en bourse et dans les banques chypriotes à éviter ! Dans cette période, le niveau de vie doit souvent être revu à la baisse.

Se lever de bonne heure et de bonne humeur

Enfin, le plus important sera de se lever chaque jour de bonne heure et de bonne humeur, pour dénicher les entreprises à reprendre, savoir se vendre, convaincre, encore et toujours. Ces démarches ne sont pas toujours innées pour un ingénieur... De sollicité, il faudra devenir solliciteur. De surdiplômé habitué à évoquer son cursus, il faudra envisager un parcours d'humilité et toujours penser à se mettre à la portée de l'interlocuteur. L'inverse ne fonctionnera que rarement. Et, après tout, devenir un ineffable commercial n'est pas si dévalorisant. Parfois certains y prennent goût. Après un parcours initiatique plus ou moins long mais quasi obligé, nécessité fera loi lorsqu'il sera devenu entrepreneur : c'est à lui qu'incombera la responsabilité dans une PME-PMI d'aller chercher les clients et le chiffre d'affaires qui doit aller avec.

Le financement, un faux problème

La plupart des repreneurs se focalisent sur le problème du financement. Les repreneurs ingénieurs n'en finissent pas de faire des calculs, de tordre les macro Excel : « Ai-je suffisamment d'apports ? », « combien puis-je obtenir des banques ? ». Dans la pratique, selon Pascal Ferron : « Le financement d'un bon projet n'est jamais un problème, crise ou pas crise. Par définition, un repreneur est toujours « pauvre » en comparaison avec la boîte de ses rêves ! Or, avec 100 000 euros, on peut déjà faire des miracles et avec un apport trop conséquent par rapport au marché, on se fait souvent abuser. Le vrai problème, c'est de trouver un bon dossier. »

Il est toutefois recommandé d'aller voir de nombreuses banques. Certains repreneurs doivent contacter 10 ou 15 banques avant d'en trouver une ou deux qui accepte d'accorder un prêt. Un ingénieur est peu habitué à cela mais c'est un passage obligé.

Même si tous les experts s'accordent à dire qu'en moyenne, une valorisation de crise correspondant à 4 à 7 fois le résultat net est assez courante, celle-ci peut être extrêmement variable. A vrai dire, il n'y pas de formule toute faite et ce n'est pas cartésien.

L'important, c'est d'avoir envie. Envie de reprendre, envie de changer de vie, envie de se lancer dans l'aventure, envie d'être le seul capitaine à bord. Les repreneurs qui ont vraiment envie finissent toujours par trouver des dossiers qui leur conviennent. Avoir envie et se donner du temps, sans se mettre la pression.

Une aventure humaine avant tout

Le plus important est la relation humaine que le repreneur va réussir à créer avec le cédant. Combien de projets ont échoué à la dernière minute à cause d'une maladresse ! Financièrement, certains cédants peuvent préférer vendre à une entreprise qui souhaite se développer par croissance externe, capable d'investir davantage qu'un entrepreneur en herbe. D'autres en revanche - et il s'avère que c'est la très large majorité, même si le prix conserve toute son importance -  accorderont plus d'importance à la pérennité de leur entreprise, de leur marque, de leur savoir-faire, des emplois de leurs collaborateurs qu'ils connaissent tous, du résultat de nombreuses années d'effort, qu'un repreneur personne physique aura à cœur de consolider.

Reprendre  pour créer, une solution idéale pour les ingénieurs

Les ingénieurs qui ont une idée de produit ou de technologie, et qui veulent la commercialiser, peuvent créer ex nihilo. Dans ce cas, les facteurs temps et financement seront en France les deux grandes difficultés rencontrées.

En revanche, reprendre une entreprise qui fonctionne, qui assure le quotidien, et qui pourra « porter » le projet de création en permettant de mobiliser des ressources existantes, est une solution à envisager lorsqu'on a déjà de solides années d'expérience : le risque d'entreprendre est plus limité, le repreneur a immédiatement les ressources pour vivre et développer, et les chances de succès pour le lancement du nouveau produit ou de la nouvelle technologie sont démultipliées.

Un conseil : faire en sorte que le cédant s'entoure très vite de conseils spécialisés, au moins un expert-comptable et un avocat. Cela lui évitera, entre autres, de découvrir au dernier moment le montant de son imposition sur le prix de vente : « il ne va rester que cela ! ».

Malgré la crise, la période actuelle peut offrir de formidables opportunités aux ingénieurs qui ont envie d'entreprendre, en utilisant leur dynamisme et leur expérience pour donner un nouveau souffle technique et surtout innovant à la génération des entrepreneurs qui ont porté leur entreprise à leur niveau actuel. L'important, in fine, étant d'identifier le potentiel de développement de l'entreprise cible en complète corrélation avec leur valeur personnelle.

 

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