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[Tribune] Grande Sécu : « Plus de questions que de réponses »

Par Pascal Chapelon, Président d’agéa, Fédération nationale des syndicats d’agents généraux d’assurance

Présentée par Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, l’idée de Grande Sécu serait dommageable pour tous les membres du secteur mais surtout pour tous les Français.

Souvent très critique envers les organismes complémentaires, leurs frais de gestion et leurs hausses tarifaires, Oliver Véran a chargé le HCAAM (Haut Conseil pour l'Avenir de l'Assurance Maladie) d’étudier l’articulation entre assurance maladie obligatoire et assurance maladie complémentaire. Son rapport final est attendu pour début décembre mais un rapport provisoire a déjà été publié.

Quatre scénarios de réforme seraient présentés, et parmi eux celui d’une « Grande Sécu » qui gèrerait seule toutes les prestations santé des Français. Le système serait financé par les cotisations patronales et la CSG.

Il n’en coûterait pas moins de 22,4 Mrds€ par an aux finances publiques avec une économie estimée à 5,4 Mrds€ (frais de gestion actuels des mutuelles santé), qui pourraient être redistribués aux ménages. Pour Benjamin Proux, président adjoint d’agéa en charge des assurances de personnes : « Derrière ces chiffrages se cache une toute autre réalité. »

Les risques économiques et sociaux d’une « Grande sécu »

100 000 emplois sont menacés ! Car la « Grande Sécu » représente une baisse du chiffre d’affaires des complémentaires santé de 70%, soit 27 Mrds€ !

« Les 11 500 agents généraux, qui emploient 26 000 salariés sont donc directement concernés par cette réforme. Qu’en sera-t-il de tous ces emplois ? Quid des coûts que cela engendrera ? Les retombées économiques et sociales risquent d’être conséquentes » s’inquiète Pascal Chapelon.

Un reproche fréquent adressé aux complémentaires santé est la hausse de leurs tarifs. Il semble nécessaire de rappeler qu’il ne s’agit pas là de profits car leurs comptes sont tout juste à l’équilibre : entre le financement de la CMU, la TSA et le 100 % santé, la marge de manœuvre des complémentaires ces dix dernières années s’est avérée quasiment nulle. « La question doit être clairement résolue, et cela sans s’appuyer sur des chiffres sortis de leur contexte », préconise Benjamin Proux.

Enfin, concernant les frais de gestion, est-il utile de rappeler qu’ils sont quasi identiques aux frais engendrés par la Sécurité Sociale ? Là encore, l’argument en faveur d’une « Grande Sécu » peine à convaincre …

Des bénéfices supposés en santé publique, vraiment ?

Pour défendre son projet de « Grande Sécu », le gouvernement met en avant le panier de soins totalement couvert par la Sécurité Sociale, la suppression du double traitement du remboursement, et surtout l’accès à la santé « pour tous » (notamment pour ceux qui ne peuvent bénéficier d’une complémentaire à ce jour). Au-delà de l’effet d’annonce, plusieurs questions de fonds restent en suspens.

Ainsi, la « Grande Sécu » ne règlerait en rien la question des déserts médicaux et de l’accès effectif aux soins : la sous-consommation de soins en zone rurale, par exemple, est de l’ordre de 20% du fait de l’éloignement des établissements de soins, comme le précise très bien le Livre Blanc de la FFA sur le sujet.

Et que penser de la lisibilité des parcours de soins ? L’accès inégal aux soins est en partie dû à la scission entre nos concitoyens qui disposent d’informations adaptées pour orienter leurs parcours de soins et ceux qui en sont démunis.

Enfin, qu’en est-il du reste à charge ? En restera-t-il un ? Probablement. Dès lors, les complémentaires devraient encore intervenir. In fine, le système dual ne disparaitrait donc pas totalement et le risque d’un modèle inégalitaire similaire au modèle anglais est à craindre : un système de santé à deux vitesses, scindé entre les plus démunis qui peinent à avoir un accompagnement de qualité et les plus aisés qui ont recours à des organismes privés hors de prix.

« Quel est alors le véritable intérêt d’une « Grande Sécu » qui pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponse ? », s’interroge Pascal Chapelon. « En somme, si elle ne règle en rien les points énoncés précédemment ses bénéfices supposés en santé publique ne sont rien moins qu’hypothétiques », poursuit-il.

La question fondamentale du rôle de l’état

Où commence et où s’arrête le rôle de l’état ? « Le tout-état et l’intervention croissante des pouvoirs publics via de nombreuses réformes ont prouvé leur inefficacité. Aussi cette étatisation complète du système de santé n’est pas souhaitable », affirme Benjamin Proux.

Il apparaît donc qu’une nationalisation serait dommageable en ce qu’elle créée le risque d’un système de santé à deux vitesses, d’une hausse du prix de la santé pour les contribuables et à terme d’une dégradation de l’accès aux soins.

Enfin, il est à noter que le système dual actuel est le scénario jugé le plus souhaitable par une large majorité des français (63% des chefs d’entreprise restant ainsi attachés au statu quo).

« Pour toutes ces raisons, la Fédération nationale des agents généraux est opposée à ce dispositif et en parfait accord avec les positions prises par la FFA, le FNMF et le CTIP », concluent Pascal Chapelon et Benjamin Proux.

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