Par Augustin Vincent, Responsable de la Recherche ESG chez Mandarine Gestion
Wirecard, Atos, Solutions30… les dernières alertes comptables par les auditeurs ont défrayé la chronique de part et d’autre du Rhin. Fraude comptable à grande échelle pour Wirecard, refus d’approuver les comptes consolidés pour Atos, ou refus d’émettre une opinion sur les comptes pour « anomalie non détectée » pour Solutions30. Si les problématiques sont différentes, elles ont comme source commune un avis de la part de leurs Commissaires aux Comptes.
Il est donc primordial de s’assurer que la gouvernance des sociétés prévoie des mécanismes permettant de juger de l’intégrité des commissaires aux comptes. Parmi les leviers qu’un investisseur averti peut identifier sont la présence et la composition du comité d’audit, la rémunération des auditeurs et l’analyse de l’indépendance des auditeurs (rotation, renouvellement…).
Présence et composition du comité d’audit
Dans la quasi-totalité des sociétés cotées siège un comité d’audit, généralement composé de membres du conseil d’administration en majorité indépendants. Ce comité joue un rôle clé dans le bon déroulement des certifications des comptes et est décisif dans le maintien de l’indépendance des commissaires aux comptes. Le comité d’audit a la charge de proposer des commissaires aux comptes qui seront nommés en assemblée générale. Nous, investisseurs actionnaires, pouvons émettre un vote négatif si le comité d’audit a manqué à ses devoirs vis-à-vis des actionnaires, notamment si un manque de transparence des honoraires des commissaires aux comptes, ou une omission de conventions règlementées contestables sont avérés.
Rémunération des auditeurs
Afin de se prémunir d’éventuels conflits d’intérêts, du fait que ce soit l’entreprise auditée qui rémunère les commissaires aux comptes, nous restons attentifs à la rémunération des différentes missions pour lesquelles ils interviennent. En effet, leurs périmètres d’action varient de la certification des comptes à d’autres missions de conseil (M&A, stratégie). Afin de garantir un maximum d’indépendance et d’intégrité, nous privilégions des auditeurs davantage rémunérés pour des missions de certification des comptes que pour d’autres missions de conseil.
Analyse de l’indépendance (rotation, renouvellement)
Si en Europe il est prévu une rotation tous les 10 ans pour les commissaires aux comptes et tous les 24 ans pour les co-commissariats aux comptes, il existe encore des dérives au sein des entreprises. Par exemple, lors du vote en AG de 2020, les actionnaires d’Atos ont contesté le renouvellement de Grant Thornton, qui n’a obtenu que 78% de voix, contre une moyenne de 95% pour ce genre de résolution. En effet, en place depuis 1990, le renouvellement de six ans lui faisait dépasser le seuil légal de 24 ans. Il s’agit là d’un premier signal qui met à mal la confiance entre l’entreprise et ses actionnaires, le cours de bourse ayant ensuite perdu 15% à l’annonce des publications du Q1 2021.
Finalement, en tant qu’investisseur et actionnaire, nous sommes sensibles aux bonnes pratiques des entreprises vis-à-vis de leurs commissaires aux comptes. Les notions de nomination et de renouvellement des auditeurs externes sont intégrées dans notre politique de vote. Il semble aussi intéressant de prendre en compte la rémunération totale des CAC sur l’ensemble des services fournis à l’entreprise afin d’estimer leur liberté de jugement lors d’une opinion adressée aux actionnaires. Ces analyses sont indispensables pour identifier des signaux faibles et anticiper d’éventuelles déconvenues boursières.