Quelles conséquences pour les emprunteurs/prêteurs et les produits dérivés de taux d'intérêts ?
Par Solal Huard, Analyste chez Kerius France, Sébastien Rouzaire, CEO de Kerius France, Louis Thuillez, Head of Private Debt Execution chez Aether Financial Services et Anna Skvarchynska, Agency Associate chez Aether Financial Services
Les institutions financières et les professionnels de la finance vont être confrontés dans les prochains mois à la réforme cruciale des principaux indices interbancaires visant à éviter de nouvelles manipulations frauduleuses. Les taux « IBOR » sont à ce jour la référence des taux interbancaires. Ces taux déclaratifs sont calculés sur la moyenne des réponses des banques de premier rang (Citigroup, JP Morgan, BNP, UBS etc.) à la question : « à quel taux pensez-vous pouvoir refinancer vos activités auprès d’autres banques ? ».
L’abolition de la publication du LIBOR était prévue pour 2020, mais la réforme a été repoussée à fin 2021 face au manque de préparation du système financier international.
En Europe, L’EURIBOR a commencé sa mutation technique il y a plusieurs années et constitue désormais un indice hybride bénéficiant d’un cadre réglementaire fort qui pourra perdurer après 2021. Aucun changement majeur n’est à prévoir du côté des financements ni du côté des dérivés associés. Les différents acteurs devront simplement mettre à jour leur documentation des additifs techniques liés à la nouvelle clause obligatoire de substitution.
En revanche, les autres taux IBOR actuels doivent être remplacés fin 2021 par des nouveaux Risk Free Rates (RFR) plus sécurisés : le SOFR aux Etats-Unis, le SARON en Suisse par exemple.
Du point de vue pratique, pour chaque nouveau RFR, une seule courbe à terme sera disponible quelle que soit la périodicité des intérêts. Ce changement majeur modifiera la valorisation des dérivés. A cela s’ajoutera la nécessité d’harmoniser les anciens et nouveaux indices grâce à une variable d’ajustement, dite « spread », afin d’éviter des transferts économiques inéquitables entre les parties. De plus, les contreparties pourraient rencontrer des problèmes opérationnels importants puisqu’il ne sera possible de connaitre le montant des intérêts à payer que 5 jours ouvrés avant la fin de période, au lieu de le connaître en début de période comme actuellement.
Malgré ces contraintes techniques qui nécessiteront une adaptation des procédures et systèmes, l’expérience du passage à l’Euro et l’Euribor il y a 20 ans permet malgré tout d’être optimiste sur la transition. Toutefois les conditions de continuité des contrats n’étant pas encore définies par les autorités, les banques prévoient dans les contrats de financements et de produits dérivés des clauses plus ou moins favorables à leurs clients pour permettre un ajustement (voire une résiliation) des contrats le moment venu. Il faut donc être, dès à présent, très attentif à ces clauses qui nous paraissent parfois abusives et se préparer à la transition sur les aspects techniques et éventuels ajustements.