Par François Lamy, Expert-comptable & Commissaire aux comptes associé de Sadec Akelys
En France, les entreprises libérales représentent plus de 800 000 professionnels (hors micro-entrepreneurs). Malgré ce nombre, un dénominateur commun à tous : la nécessité et le devoir de gérer sa comptabilité. Dans cette optique, le soutien d'un expert-comptable paraît le plus judicieux ; non parce qu'il est un expert du chiffre mais surtout parce qu'il va permettre à son client de gagner un temps précieux qu'il pourra consacrer à son cœur de métier. Outre ces raisons, l'expert-comptable, lui-même professionnel libéral, peut accompagner l'optimisation du régime fiscal de la structure, recommander un transfert le cas échéant, conseiller son client s'il souhaite s'associer, veiller à l'évolution des réglementations, etc.
Le saviez-vous ?
Le secteur des professionnels libéral couvre 3 ensembles de métiers : la santé (médecin, dentiste, infirmier, kinésithérapeute, vétérinaire, psychologue...) ; le droit (avocat, huissier de justice, notaire, commissaire-priseur judiciaire...) et ce qui a trait aux techniques et cadre de vie (architecte, géomètre-expert, agent général d'assurance, styliste, moniteur de ski, traducteur...). Toutes ces professions libérales exercent indépendamment de tout lien de subordination avec leur clientèle. Pourtant, il existe une nuance car le secteur libéral se partage entre les professions qui sont dites « règlementées » et celles qui ne le sont pas.
Professions libérales réglementées, quelles contraintes ?
L'exercice des professions libérales réglementées est soumis à l'obtention de diplômes spécifiques, d'agréments ou d'inscriptions à des Ordres. Dans ce cas de figure, le professionnel n'a de lien de subordination qu'avec son Ordre, dont la mission principale est d'assurer une régulation de la profession et de garantir discipline, qualité et exemplarité des prestations délivrées. L'appartenance à l'Ordre professionnel n'est pas facultative mais obligatoire puisque c'est l'inscription au tableau de l'Ordre qui conditionne l'exercice légal.
Pour quel statut opter lorsqu’on est un professionnel libéral règlementé ?
Historiquement les professions libérales exerçaient en grande majorité en nom propre (au travers d'une entreprise indépendante et individuelle). Ce qui signifie que le professionnel, quel que soit son mode d'exercice, était responsable à titre personnel de ses actes. Il ne pouvait être protégé par la structure dans laquelle il exerçait (clinique, étude, cabinet...).
Plus tard est apparu un nouveau statut : l'exercice sous forme de structure commerciale, qui est autorisé pour certains métiers. Il ne donne pas l'autorisation d'exercer une profession commerciale mais d'utiliser une structure commerciale (l'expert-comptable peut par exemple exercer en SARL). Malheureusement, certaines professions libérales réglementées ne bénéficiaient pas de cette autorisation. La législation s'est ainsi assouplie à la faveur d'un nouveau statut : la société d'exercice libéral (SEL), qui repose sous une forme juridique apparentée au droit de la société commerciale.
Quelle valeur ajoutée de l’Expert-comptable ?
C'est dans l'accompagnement à ce changement de statut, de professionnel « libéral » à « libéral dans une société commerciale » que se niche la valeur ajoutée de l'expert-comptable. L'expert du chiffre est en mesure d'aider à l'évolution du statut, pour passer d'une société indépendante - d'une comptabilité de caisse (« je rentre l'argent, je sors l'argent ») -, à une société commerciale.
Dans un premier temps, il pourra intervenir et conseiller son client sur la structuration de sa rémunération. Rappelons que dans l'exercice libéral, aucune distinction n'est effectuée entre le bénéfice de l'entreprise et la rémunération du professionnel (déclarations fiscales de bénéfices non commerciaux), qu'il l'ait encaissée ou non. Même s'il a des créances clients non réglées, il payera des impôts dessus.
Au contraire, avec le recours à la société commerciale, le professionnel n'est imposé que sur l'argent qu'il a prélevé. Cela fait une très grande différence pour les professionnels qui ont des comptes clients qui restent momentanément impayés ou qui ont la nécessité d'investir dans de l'équipement ou des outils coûteux. Les investissements sont ainsi déduits des revenus sous forme d'amortissement et étalés dans le temps.
Autre avantage notable, la possibilité d'accueillir minoritairement des associés, ce qui est particulièrement intéressant pour qui voudrait nouer un contrat de collaboration, sachant qu'il est interdit de salarier un tiers et que si le professionnel opte pour un collaborateur libéral, les rétrocessions d'honoraires versées par ce dernier, au-delà de 32 000€ annuels, seront soumises à la TVA. Ce qui est très contraignant pour certaines professions, médicales notamment. De plus, le statut social du professionnel libéral est aussi protecteur que celui du salarié, modulo l'assurance de perte d'emploi, auquel on ne peut plus prétendre une fois associé. Mais les atouts sont autres : assurance maladie, gestion individuelle de sa retraite, cotisations sociales moins élevées... Obtenir le statut d'associé minoritaire n'est possible dans aucune autre forme de société.
« Ce qui aide depuis quelques années, c'est que les Ordres professionnels encouragent l'exercice sous forme de société commerciale pour transformer les offices, assurer son patrimoine, limiter sa responsabilité, sécuriser l'exercice professionnel avec le concours d'associés minoritaires... Dans ce transfert de statut, l'accompagnement par l'expert-comptable est clé. Il peut anticiper et répondre à des attentes qui ne sont pas chiffrées ou quantifiées, organiser l'exercice de la profession, mettre en avant des points dont il a connaissance sur le marché dont il s'occupe et qui est bien souvent parcellisé et bien sûr mettre à disposition son savoir-faire et ses connaissances pour la gestion d'un nouveau mode d'exercice. L'expert-comptable est un facilitateur face aux contraintes. Le professionnel libéral peut se reposer sur l'expert du chiffre et ainsi se concentrer à exercer son métier et uniquement son métier car passer d'une entreprise individuelle à une société d'exercice libéral demande de la rigueur et de l'organisation. »