Le groupe Altares - expert historique et référent de l’information sur les entreprises - publie les chiffres des défaillances d’entreprises en France pour le 2ème trimestre 2021.
Avec 6 587 procédures collectives ouvertes, en hausse de 14,2% par rapport au 2ème trimestre 2020, le volume des jugements reste deux fois inférieur au niveau d’avant Covid. Outre les liquidations directes qui restent très fréquentes, des signaux de fragilisation émergent notamment pour les TPE, le secteur du bâtiment et les régions Ile de France et PACA, bien plus durement impactés que la moyenne nationale par un rattrapage des défauts.
Les ETI et PME, davantage épargnées qu’au printemps 2020, pourraient quant à elles voir leur reprise contrariée par l’envolée des prix des matières premières, épuisante pour les trésoreries.
Thierry Millon, directeur des études Altares, rappelle : « Comme attendu, les mois d’avril et mai 2021 se sont logiquement inscrits en très forte hausse (respectivement +54 et +35%) par rapport aux mêmes mois de 2020. Période alors marquée par le premier confinement et le déclenchement du « quoi qu’il en coûte » gouvernemental. Juin est quant à lui à la baisse (-17%) et les audiences sont encore loin d’avoir retrouvé leur rythme d’avant Covid. Mais des signaux sérieux de fragilisation émergent. Le taux des liquidations judiciaires directes (3 sur 4) reste très élevé. Les TPE (+18%) représentent près de 90% des défaillances. En Ile de France, où le nombre de procédures s’envole de 37%, le taux de liquidations directes dépasse 80%. Enfin, le secteur de la construction, paralysé pendant plusieurs mois en 2020, concentre plus du quart des jugements (+44%). »
En hausse de 14,2% sur trois mois, le nombre de défaillances d’entreprises reste paradoxalement bas.
6 587 entreprises sont tombées en défaillance en France au cours du 2e trimestre 2021, soit 14,2% de plus que lors de la même période 2020, dont un mois et demi couvrait le premier confinement.
A la fin juin 2021, en données lissées sur un an, la tendance reste favorable par rapport à juin 2020 (-28%). Mais la dynamique de baisse ralentit sérieusement par rapport à fin mars (-40%).
Le taux de liquidations directes reste très haut mais le nombre d’emplois menacés passe sous le seuil des 20 000.
165 procédures de sauvegardes (+3,1%) ont été ouvertes au cours du 2e trimestre, pour 1 495 entreprises placées en redressement judiciaire (+14,7%) et 4927 liquidations judiciaires directes (+14,5%).
Le taux des liquidations directes (75%) reste très au-dessus de ses valeurs traditionnelles (68%), confirmant que les entreprises qui se présentent au tribunal sont dans une telle situation de fragilité qu’il n’est plus envisageable de leur proposer d’alternative. Signe également d’une sensibilisation insuffisante des dirigeants à l’existence de démarches de préventions.
Le nombre d’emplois menacés recule très sensiblement et tombe sous le seuil des 20 000, alors qu’il était deux fois supérieur il y a 1 an.
Rappelons qu’au 2e trimestre 2020, alors que le nombre de jugements était divisé par deux (5 766 vs. 12 347 au 2e trimestre 2019), le nombre d’emplois menacés passait de 41 000 à plus de 43 000. Phénomène qui s’expliquait par les défaillances de plusieurs grandes enseignes du retail, révélant l’ampleur de la crise à laquelle nos économies se retrouvaient confrontées. L’habillement concentrait plus d’un emploi menacé sur trois.
Un an plus tard, une seule défaillance (hors conciliations) de plus de 1 000 salariés est enregistrée (groupe hôtelier Appart'City). Dans ces conditions, chaque entreprise défaillante menace directement en moyenne moins de 3 emplois contre 7,5 au 2e trimestre 2020 et 3,3 au 2e trimestre 2019.
Les plus petites entreprises concentrent près de 9 défaillances sur 10
Les TPE de moins de 6 salariés rassemblent près de neuf procédures sur dix (89%). Avec 5850 procédures ouvertes au 2ème trimestre, les TPE enregistrent une hausse de 18% par rapport à la même période de 2020. Pour autant, nous sommes encore loin des niveaux de 2019 (10 800 au 2ème trimestre 2019).
Les PME de 10 à 19 salariés sont elles aussi sous tension (+2,7%). En revanche, le nombre de procédures collectives recule pour toutes les autres tailles d’entreprises. La baisse est particulièrement marquée chez les PME de plus de 50 salariés. Aucune liquidation judiciaire directe n’a en effet été prononcée pour des sociétés de plus de 100 salariés.
Les activités à destination du consommateur résistent encore.
Au printemps 2020, l’économie était à l’arrêt et les défaillances d’entreprises affichaient des reculs historiques dans tous les secteurs. Un an plus tard, les restrictions sanitaires se sont desserrées mais les aides se réduisent. Dans toutes les activités, si les défaillances restent très en-dessous de leurs valeurs de 2019, elles repartent à la hausse.
Bâtiment
Le bâtiment enregistre la plus lourde augmentation (+37%). Dans le détail, les tendances sont encore plus marquées pour le gros œuvre (+50%), notamment en construction de maisons individuelles (+88%). Les travaux publics contiennent la hausse à +24% et le second œuvre à +30% en dépit des mauvais chiffres des travaux d'installation électrique (+66%) et de peinture et vitrerie (+47%).
Commerce
Le commerce (+10,2%) présente des évolutions très variables dans les activités de détail. Le commerce de véhicules automobiles accuse une dégradation de +52 % et l’entretien et la réparation de +46%. La situation est également tendue dans les magasins multi-rayons (+74%) c’est-à-dire dans les surfaces d’alimentation générale ou supermarchés. Les tendances sont encore très favorables pour le bricolage & équipement du foyer (-29%), le sport & loisirs (-24%) et mieux encore l’habillement (-31%). Le commerce de gros (+27%) est plus homogène.
Industrie / Manufacture
L’industrie contient également la dégradation (+11,1%) sous la moyenne nationale, notamment grâce à l’agroalimentaire (-0,9%). En manufacture, la fabrication de textile & habillement (-19%), de bois & matériaux de construction (-18%) et l’imprimerie (-22%) restent dans une dynamique de baisse. En revanche, les défaillances d’entreprises augmentent ce trimestre dans les activités énergie-eau-environnement (+26%), métallurgie & mécanique (+47%) et davantage encore en réparation & maintenance (+92%).
Services
Les services aux entreprises présentent une hausse de 21,1% liée aux activités scientifiques et techniques notamment de conseil en communication (+23%) et d'architecture et ingénierie (+55%).
Les services aux particuliers enregistrent une baisse très sensible des défaillances (-18,5%), une performance tirée par les activités de coiffeurs et soins de beauté (-24%).
Transport
Le secteur des transports et de la logistique affiche une hausse des défaillances de 29,9%, liée au transport de marchandises (+23%) en particulier en fret interurbain (+49%) tandis que le fret de proximité résiste encore (-3%).
Le transport routier de voyageurs dérape de plus de 54% tendance essentiellement due aux taxis (+81%).
Restauration
Le recul des défaillances est encore très fort en hôtellerie-restauration. 593 procédures ont été ouvertes (-28%). La tendance est naturellement tenue par la restauration (-27%) en particulier traditionnelle (-33%). La baisse est encore plus marquée pour les débits de boissons (-44%).
Agriculture
Le nombre des procédures a plus que doublé (+114,5%) ce 2e trimestre en comparaison du même trimestre 2020. Dans ces conditions, plusieurs activités agricoles retrouvent déjà leurs valeurs de 2019. C’est ainsi le cas des services de soutien à l'exploitation forestière, activités de soutien aux cultures ou l’élevage de volailles.
Les régions Nord Est restent préservées, l’Ile de France et la PACA enregistrent les plus lourdes hausses
- Deux régions enregistrent une hausse du nombre de défaillances de plus de 35%.
En tête, l’Ile de France (+37,3%), tirée par les chiffres de Paris. A noter que les Yvelines et le Val de Marne résistent encore. Suit la Provence-Alpes-Côte-d’Azur (36,9%), dont l’évolution est alignée sur celle des Bouches-du-Rhône. Le Var contient la hausse mais les Alpes-Maritimes enregistrent une forte dégradation.
- Trois régions affichent une évolution comparable, avoisinant + 17 % :xL’Auvergne-Rhône-Alpes en dépit de dégradations plus fortes dans le Rhône et la Haute-Savoie ; Le Centre Val de Loire où l’Indre-et-Loire et le Loiret basculent dans le rouge ; Les Pays-de-la-Loire où seule la Sarthe reste dans le vert.
- Affichant des volumes moins importants, la Corse enregistre une hausse de 14 %.
- La région Grand-Est (+11%) est sous la moyenne nationale, grâce notamment à des niveaux de défaillances stables dans le Bas-Rhin.
- Trois régions contiennent l’augmentation des niveaux de défaillances sous les 5% : Nouvelle Aquitaine, Occitanie et Bourgogne-Franche-Comté.
- Trois régions se distinguent par un recul encore très sensible du nombre de procédure sur le 2e trimestre. C’est le cas de la Normandie (-24%), la Bretagne (-21%) et les Hauts-de-France (-11%).
La flambée des prix des matières premières gâchera-t-elle la reprise ?
Thierry Millon conclut : « A l’entame du 3ème trimestre 2021, le front des défaillances d’entreprises reste donc encore très calme. Depuis le début de l’année moins de 15 000 jugements ont été prononcés par les tribunaux de commerce et judiciaires, contre 17 000 sur les six premiers mois de 2020 et 28 000 sur la même période en 2019. Le troisième trimestre, allégé par les vacations d’été dans les tribunaux, mais aussi favorisé par une conjoncture favorable, ne devrait pas porter le cumul à neuf mois très au-delà des 20 000 défauts.
Sauf retour d’une épidémie persistante, les perfusions financières devraient être débranchées dans les prochaines semaines. Pour autant, cela ne devrait pas déclencher sur les trois derniers mois de l’année une forte poussée des défaillances et un retour au niveau de 2019. En effet, la médiation et le traitement à l’amiable des retards de paiement devraient être encore privilégiés, limitant d’autant le recouvrement forcé et les assignations.
En revanche, la flambée des prix des matières premières crée une inquiétude nouvelle. Faute de pouvoir être aisément répercutées sur les prix de ventes, ces hausses risquent de mettre les trésoreries sous tension, nécessitant parfois de devoir puiser dans les PGE voire de jouer sur le crédit fournisseur et allonger les délais de paiement. Si elles devaient perdurer sévèrement au-delà de l’été, ces hausses pèseraient alors sur les marges et pourraient contrarier sérieusement la reprise voire compromettre la pérennité des PME et ETI fragiles. »