Par Emmanuel Stanislas, fondateur de Clémentine, cabinet de recrutement spécialiste du Digital et de l'IT.
En donnant un coup d’accélérateur majeur à la transformation digitale des entreprises, la crise sanitaire souligne aussi la fin des débats et des arbitrages à son sujet. Aujourd'hui « la messe est dite » et il reste aux croyants à exécuter la bonne parole. Sur quels profils managériaux les entreprises s'appuient-elles pour intensifier leur transformation ?
La durée et l'intensité de l'épisode Covid conduit les organisations soit à constater l'urgence des changements restant à entreprendre ; soit à confirmer le bien fondé de leurs choix stratégiques initiaux (la digitalisation accélérée de certains services ayant permis d'affronter les confinements successifs avec succès). Dans les deux cas, le temps des arbitrages est clos et la question du modèle managérial pertinent s'impose avec plus d'urgence. Quels profils pour accélérer ? Quels profils pour parvenir à l'efficacité ?
Manager le « grand déploiement »
Les entreprises avaient besoin de managers pour convaincre, accompagner et négocier leur transformation ; désormais, l'essentiel de leurs attentes peut se résumer à un même mot d'ordre : « que ça marche et produise enfin les résultats attendus». Il n'y a plus de doute ni de débat quant à la validité des stratégies de digitalisation, seuls les défis de mise en place et/ou d'accélération demeurent dans un contexte d'intensification des initiatives de transformation : généralisation des solutions de communication unifiée (notamment dans les PME) ; renforcement des solutions de cybersécurité ; accélération de la migration vers les environnements Cloud, renforcement de la gouvernance data ; externalisation/centralisation-mutualisation des fonctions support, etc. Sont concernés des secteurs aussi différents que celui des soins médicaux (cliniques, laboratoires), de la formation professionnelle, de l'éducation, du retail. Tous poursuivent un même objectif : proposer leurs services à moindre coût grâce à une gestion des opérations améliorées. En termes de recrutement, cela se manifeste par une demande accrue de profils opérationnels, mais aussi de profils purement digitaux là où l'on exigeait encore, il y a quelques mois, une certaine connaissance de l'environnement concerné et de la spécificité de ses métiers.
Un recours accru au servant leadership
En effet, la performance ne consiste plus pour le management à concevoir et arbitrer, mais à mettre en œuvre les décisions prises afin d'obtenir des résultats mesurables. Il s'agit autant de faire disparaître les derniers obstacles et réticences que de lutter contre les phénomènes de découragement qui peuvent apparaître. On attend ainsi des professionnels une énergie et une détermination plus grandes dans un contexte où les maîtres mots sont « delivery » et ROI. Pour autant, il n'est pas question de revenir à un management autoritaire. Le servant leadership s'impose car les équipes, pour être efficaces dans la résolution des problèmes rencontrés ont plus que jamais besoin d'autonomie et de réassurance. En termes de chasse aux talents, l'attention se recentre donc moins sur la connaissance d'un secteur spécifique, que sur la capacité des profils à « faire advenir », à concrétiser les changements et les faire adopter par tous ; c'est-à-dire sur leur capacité à « emmener » une équipe. Les rôles évoluent à mesure qu'on l'on découvre que les outils digitaux ne suffisent pas à eux seuls à assurer une pleine transformation. Faire « comme avant » va à l'encontre de la performance attendue, la culture du résultat appelle à d'autres rapports humains au travail.
Des managers pour « réenchanter la transformation »
Beaucoup d'entreprises réalisent actuellement que la réussite d'une transformation repose en grande partie sur le recrutement de profils sachant être à l'écoute et entraîner avec eux leur équipe, essentiellement grâce à leurs soft-skills ; des personnes capables de combiner une culture du résultat à une culture de la collaboration, c'est-à-dire capables de favoriser le collectif lorsque des décisions sont à prendre. On recherche donc en priorité chez les professionnels une dimension opérationnelle forte qui allie conviction et optimisme. Le manager attendu se révèle une personnalité positive et volontaire, qui s'exprime avec aisance, déploie de l'énergie dans ses contacts, ne craint pas de provoquer les évolutions mais s'attache à ce que ses propositions conviennent aux collaborateurs. Il lui appartient de dissiper les tensions responsables de comportements d'évitement et/ou le report de phases controversées devenus de moins en moins soutenables.
Il semble qu'enfin en 2021, on comprenne mieux ce que représente le mot « transformation » dans l'expression « transformation digitale ». Les entreprises et leur management ont longtemps débattu, négocié et testé avant de déployer les outils nécessaires à la digitalisation des process. Cette dernière ayant fait ses preuves, il s'agit aujourd'hui de donner à ces mêmes process l'efficacité promise. À charge du management de réenchanter la transformation et donner l'élan nécessaire à cette dernière étape, indispensable au succès.