A l’occasion de la publication du rapport annuel de l’Autorité des marchés financiers (AMF), son président, Robert Ophèle, souligne la forte mobilisation de l’institution dans le contexte de l’épidémie de coronavirus et les leçons à tirer de cette période et des situations inédites connues en 2020 pour permettre aux marchés financiers de pleinement contribuer au financement de l’économie européenne.
Dans un contexte sanitaire qui a affecté le tissu économique et les marchés financiers, les équipes de l’AMF se sont mobilisées pour réagir dans l’urgence et pour accompagner au mieux les sociétés cotées, les sociétés de gestion et prestataires de services d’investissement et veiller à la protection des épargnants dans un contexte propice aux arnaques. L’édition 2020 du rapport annuel est l’occasion de revenir en détail sur les actions du régulateur durant cette période perturbée, d’évoquer les mesures exceptionnelles prises alors comme l’interdiction temporaire de constituer de nouvelles positions courtes nettes et d’augmenter celles existantes.
Pour Robert Ophèle, président de l’AMF, « les situations inédites connues en 2020, et dans certains cas de crise, ont mis en évidence la nécessité de revisiter en profondeur plusieurs sujets afin que les marchés financiers puissent pleinement contribuer au bon financement de notre économie : mieux accompagner la montée en puissance de l’actionnariat individuel, assurer un meilleur fonctionnement des mécanismes de marché dans un cadre transparent et avec une gouvernance adaptée, mieux structurer le développement de la finance durable, adapter le cadre réglementaire et de supervision de la gestion d’actifs afin de mieux maîtriser les risques associés, développer la souveraineté financière de l’Union européenne après la sortie du Royaume-Uni tout en confortant la place de la France dans cette dynamique ».
Accompagner la montée de l’actionnariat individuel
2020 a vu la montée en puissance des actionnaires individuels dans de nombreux pays, dont la France où l’AMF a recensé environ 60 millions de transactions boursières de particuliers, contre 25 millions les années précédentes. Pour l’AMF, cette montée en puissance, pour être durable, doit se faire sans prises de risques excessifs, que ce soit via des produits à fort effet de levier ou en raison de tarifications qui pourraient apparaitre attractives. Elle doit, par ailleurs, s’accompagner d’un conseil de qualité lorsqu’une recommandation est formulée. L’AMF a illustré les progrès qui restent à accomplir dans la synthèse de ses contrôles courts, dits SPOT, sur le thème de l’adéquation des instruments financiers recommandés à la situation particulière des clients, publiée en mars dernier.
Fonctionnement des marchés et dialogue actionnarial
La confiance dans le bon fonctionnement des marchés est une condition nécessaire à leur attractivité, tout particulièrement pour l’actionnariat individuel. Défendre l’intégrité du marché est donc au cœur des priorités de l’AMF. Cela se traduit par l’accent mis sur une exigence de transparence vis-à-vis des sociétés cotées, que le régulateur a accompagnées au mieux dans la crise sanitaire en rappelant les règles en matière d’information permanente. Cette exigence permet de prévenir les abus de marché. L’AMF s’est également engagée en faveur d’un développement du dialogue actionnarial qui peut permettre d’éviter les conflits inutiles. L’AMF a fait, en avril 2020, des propositions en ce sens et a annoncé, le mois dernier, des modifications de sa doctrine.
Le contexte de la pandémie a, par ailleurs, conduit les sociétés à adapter l’organisation des assemblées générales (AG). L’AMF avait fait un certain nombre de recommandations en amont de la saison des AG 2020. Celles-ci se sont largement tenues à huis clos (110 sur un échantillon de 118 sociétés étudiées par l’AMF dans le cadre de son rapport sur le gouvernement d’entreprise et les rémunérations de dirigeants publié en novembre dernier). Bon nombre d’émetteurs ont offert à leurs actionnaires la possibilité d’assister en direct à l’AG ou de la voir en différé. Cependant, contrairement à certains émetteurs européens, aucun émetteur français n’a donné la possibilité d’exercer ce vote électronique en direct pendant l’AG. En novembre dernier, l’AMF a appelé de ses voeux un travail en commun des différentes parties prenantes dont les établissements centralisateurs, sur les modalités techniques mais aussi les coûts. L’AMF espère vivement que ce vote électronique en séance sera effectif pour la saison des AG 2022, compte tenu des travaux de Place en cours.
Progresser en direction d’une finance plus durable
Malgré le contexte sanitaire, l’AMF a poursuivi ses priorités, à l’exemple de son engagement en faveur d’une finance durable. Dans son rapport annuel, le régulateur revient sur certaines de ses actions durant l’année écoulée, parmi lesquelles la publication d’une première doctrine en matière de commercialisation des produits de gestion collective intégrant des approches extra-financières pour éviter le greenwashing. L’AMF a également contribué au débat européen, en participant aux consultations de la Commission européenne sur sa stratégie renouvelée en matière de finance durable, sur la révision de directive sur l’information extra-financière des émetteurs et en proposant avec son homologue néerlandais un encadrement des fournisseurs de notations et de données extra-financières.
Elle a, par ailleurs, analysé le reporting des dix acteurs financiers français mettant en œuvre les recommandations de la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD), établi avec l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) un premier rapport sur le suivi et l’évaluation des engagements pris par les institutions financières françaises en matière de climat et publié son troisième rapport sur les approches extra-financières dans la gestion collective.
L’effort sera poursuivi, alors que de nouveaux textes européens entrent en application cette année (le règlement SFDR sur l’information en matière de durabilité ou celui sur la taxonomie).
Adapter le cadre réglementaire et de supervision de la gestion d’actifs
L’année 2020 a été une année très contrastée pour le secteur de la gestion d’actifs avec la poursuite des créations de sociétés de gestion, portant à 680 leur nombre en France, avec une recrudescence des risques de liquidité ou de valorisation. L’AMF a renforcé son dispositif de suivi pour collecter au quotidien les éventuelles activations d’outils de gestion de la liquidité et les flux des souscriptions et rachats. Les difficultés de valorisation de certains actifs non cotés ont conduit à la suspension de certains fonds d’épargne salariale et de certains fonds de la société de gestion H20. Dans ce dernier cas, après cantonnement des actifs illiquides à valorisation incertaine en vue de leur liquidation (side-pocket), la partie des actifs liquides de ces fonds transférée dans de nouveaux fonds a été réouverte aux souscriptions et rachats.
Ces tensions ont déclenché de nouvelles réflexions aux niveaux européen et international sur l’adéquation des cadres réglementaires et la possible mobilisation d’outils macro-prudentiels réduisant certains comportements procycliques. L’AMF y participe activement. Elle a aussi publié en mars 2021 ses préconisations pour la prochaine révision de la directive AIFM sur les gestionnaires de fonds alternatifs.
Développer la souveraineté financière de l’Union européenne
Près de 5 ans après l’annonce de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, l’Union des Marchés de Capitaux a peu progressé. La Commission européenne a cependant présenté un plan d’actions très concret en septembre 2020, visant à favoriser l’accès des sociétés au financement par le marché sous forme d’actions, à favoriser l’accès des épargnants européens à des produits de long terme sécurisés et à intégrer plus étroitement les 27 marchés nationaux du marché unique européen. De nombreux chantiers en cours et à venir culmineront ainsi avec la présidence française de l’UE au premier semestre 2022. Si ce plan d’actions a bien pour objectif d’accroître l’efficacité du marché financier de l’Union, l’émergence d’acteurs européens de dimension internationale doit également être favorisée pour conforter son indépendance en matière financière.
Des moyens trop mesurés
Malgré les renforcements accordés ces dernières années et la réorganisation mise en œuvre en décembre 2020 avec un accent mis sur la digitalisation des processus et l’exploitation des données, les moyens de l’AMF restent trop limités et bien inférieurs à ceux de nos homologues à l’étranger. Dans un contexte où les travaux d’harmonisation de la supervision en Europe se sont considérablement alourdis, « cela nous conduit inexorablement à réduire notre participation aux groupes internationaux et à limiter notre ambition pour contribuer à la présidence française de l’Union qui interviendra en 2022 », a regretté Robert Ophèle en préambule du rapport. « Notre influence faiblit alors que les enjeux sont considérables et que les décisions les plus structurantes se prennent au niveau européen. J’appelle donc à un sursaut dans ce domaine afin que le régulateur français dispose de moyens à la hauteur du premier marché financier de l’Union ».