L’activité locative est restée bien inférieure à sa moyenne de long terme au 1er trimestre 2021 : « 373 800 m² de bureaux ont été loués ou vendus aux utilisateurs en Ile-de-France, soit une chute de 31% par rapport à la moyenne d’un 1er trimestre depuis dix ans. Un résultat loin d’être surprenant, dans un contexte d’incertitude liée à la situation sanitaire », annonce Renaud Boëssé, Directeur Bureaux Paris chez Knight Frank France.
Cette situation n’est pas propre à l’Ile-de-France. L’activité locative reste limitée dans la plupart des métropoles mondiales, y compris dans les pays où les campagnes de vaccination produisent déjà leurs effets ou dans ceux où le virus a quasiment disparu. De fait, le maintien de règles de distanciation sociale très strictes y freine encore le retour au bureau des salariés, même si de premiers signaux positifs y ont été relevés.
Ce début d’année 2021 marque également une légère amélioration en Ile-de-France. Les commercialisations de bureaux y ont ainsi atteint un niveau supérieur de 95% à celui du 2e trimestre 2020 et de 44% à celui du 3e trimestre. En outre, le résultat du 1er trimestre n’affiche qu’une baisse de 13% par rapport au 4e trimestre, qui est traditionnellement le plus actif et avait de surcroît bénéficié de la finalisation de la location par ENGIE de son nouveau campus de 94 000 m² à La Garenne-Colombes. Enfin, si la chute des commercialisations de bureaux est de 30% par rapport au 1er trimestre 2020, rappelons qu’une prise à bail exceptionnelle, la location par TOTAL des 125 000 m² de « The Link » à La Défense, avait aussi gonflé les volumes placés.
Inflexion de tendance sur le marché des grandes surfaces
Les grandes transactions ont connu un net regain d’activité. 13 opérations de plus de 5 000 m² ont été recensées au 1er trimestre 2021, soit plus qu’à la même période l’an passé (12) et plus que le cumul des trois derniers trimestres (10) ! Cette situation tranche avec le fléchissement du segment des surfaces de taille intermédiaire (1 000 - 5 000 m²), qui connait un recul de près de 40% du nombre de transactions et des volumes placés par rapport au 1er trimestre 2020. Enfin, le segment des plus petites surfaces a fait mieux que résister, avec un nombre de prises à bail en hausse de 13% et un volume équivalent à celui de la même époque l’an dernier.
« Qui dit crise ne dit pas absence de mouvements immobiliers. Certes, le premier confinement a été suivi d’une période de sidération, qui a réduit de façon drastique le nombre de transactions en raison des contraintes sanitaires et de la priorité donnée par les entreprises à la préservation de leur activité. Néanmoins, la prise de décision immobilière s’est récemment accélérée, certains utilisateurs tirant parti d’un contexte de marché plus favorable pour réduire les coûts et améliorer leurs espaces de travail » explique Renaud Boëssé.
Ces opérations de rationalisation ont représenté une part significative des mouvements recensés au 1er trimestre 2021, et seront de toute évidence l’un des moteurs de l’activité locative cette année.
Maintien des grands équilibres géographiques
S’il est encore trop tôt pour mesurer pleinement l’impact de l’épidémie de Covid-19 sur le marché des bureaux, il est probable que celle-ci ne bouleversera pas la hiérarchie des grands pôles tertiaires d’Ile-de-France en raison d’équilibres en place depuis des décennies et de l’importance de l’héritage dans les stratégies d’implantation des entreprises. L’analyse des grandes transactions du 1er trimestre 2021 montre d’ailleurs la part très majoritaire de mouvements endogènes, de même que la concentration de l’activité dans Paris et les différents marchés de l’Ouest.
Lors des trois premiers mois de 2021, le Croissant Ouest et La Défense ont concentré 7 des 13 transactions supérieures à 5 000 m² et 15% du volume placé en Ile-de-France, toutes tranches de surfaces confondues. Cette part est en baisse puisqu’elle était de 27% au 1er trimestre 2020 grâce à la location par TOTAL de « The Link » à La Défense. Hors du quartier d’affaires, la plupart des pôles de l’Ouest voient leur volume augmenter (Boucle Nord, Neuilly-Levallois) ou bien résister (Boucle Sud) grâce notamment à un nombre plus important de grandes transactions que l’an passé (Capgemini dans « M Campus » à Meudon, etc.).
Avec 135 000 m² placés (-28% sur 1 an), Paris a concentré 36% de la demande placée contre 35% à la même époque l’an passé. Si les prises à bail de bureaux de moins de 1 000 m² ont été nombreuses, avec un volume de commercialisations quasi équivalent à celui de l’an passé, celui des bureaux de taille intermédiaire affiche un net recul de 37%. Sur ce segment de marché, la chute des commercialisations a pu, comme en 2020, être amplifiée par l’absorption par les prestataires de flex-office d’une partie de la demande. Enfin, seules 2 transactions de plus de 5 000 m² ont été recensées depuis janvier : l’installation de BPE et de Voodoo sur une surface totale de 15 000 m² environ dans la « Poste du Louvre » (Paris 2e).
Renaud Boëssé constate : « Ces mouvements - ainsi que les prises à bail en cours de finalisation - montrent néanmoins que les entreprises de secteurs d’activité en croissance ou plus résistants à la crise comme la finance, le conseil, le luxe ou les nouvelles technologies alimentent toujours la demande pour des bureaux de qualité et bénéficiant d’une accessibilité optimale. »
Les marchés de 1ère couronne ont quant à eux continué de sous-performer. Après la baisse de 60% sur 1 an constatée sur l’ensemble de 2020, le volume des prises à bail y a chuté de 38% au 1er trimestre 2021 et seules deux grandes transactions y ont été recensées.
Offre disponible : le pic n’est pas encore atteint
Orienté à la hausse depuis la fin de 2019, le volume de l’offre immédiatement disponible en Île-de-France a continué d’enfler, atteignant 3,73 millions de m² au terme du 1er trimestre 2021. L’augmentation est relativement modeste sur un trimestre (+4%), mais assez considérable sur un an (+30%). Le niveau actuel de la demande placée, les nouvelles libérations et l’arrivée sur le marché d’un nombre important d’opérations neuves-restructurées indiquent que la hausse se poursuivra d’ici la fin de 2021 et que le stock devrait progressivement se rapprocher du précédent point haut de 2014 (4,03 millions de m²). « Alimenté par les sous-locations, le marché « gris » contribuera également à cette remontée, ainsi qu’à l’intensification de la concurrence entre offres disponibles en raison de l’excellent rapport qualité-prix et de la flexibilité des baux proposés sur ce type de biens », précise Renaud Boëssé.
Conséquence de cette augmentation de l’offre, le taux de vacance frôle désormais les 7% en Île-de-France contre 5,3% un an auparavant. Dans Paris, il a plus que doublé, passant de 2,1% au 1er trimestre 2020 à 4,6% à fin mars 2021, permettant ainsi d’apporter plus de fluidité au marché. Le constat est identique dans Paris QCA où le taux de vacance atteint 4,5%, niveau encore bien en deçà du pic de 2009 (6,1%). A l’exception de la 2e Couronne, tous les autres secteurs voient leur taux de vacance progresser, avec des hausses particulièrement prononcées dans la 1ère Couronne Nord (+3,5 points en 1 an) et à La Défense (+6,8 points).
Une offre à venir encore abondante
Plus de 2,3 millions de m² de bureaux sont actuellement en chantier dans Paris et sa région, dont 71% étaient encore disponibles à la fin du 1er trimestre 2021. Si près de la moitié des projets à livrer en 2021 ont déjà trouvé preneur, le niveau de pré-commercialisation des offres attendues en 2022 (18%) et 2023 (13%) pose la question de la capacité d’absorption du marché au vu de l’état actuel de la demande des utilisateurs. Notamment motivés par la volonté de certains propriétaires de redimensionner leurs projets et de les adapter aux attentes nées de l’épidémie de Covid-19 (qualité des espaces, bien-être et santé des collaborateurs, etc.), de nouveaux reports pourraient néanmoins permettre de limiter la pression dans les secteurs géographiques les plus offreurs.
La Défense regroupe une part significative de l’offre à venir en Ile-de-France. Six opérations > 10 000 m² y sont actuellement en cours de construction pour une livraison attendue d’ici la fin de 2023. Néanmoins, le quartier d’affaires est bien placé pour tirer son épingle du jeu : les conditions de négociation y sont plus favorables aux preneurs, les offres immédiates et à venir y sont très variées et de qualité, et son accessibilité, déjà excellente, sera bientôt renforcée par l’extension du RER E (« Eole ») ; autant d’atouts propres à fidéliser les entreprises déjà installées à La Défense et à séduire celles originaires de secteurs moins établis et souhaitant s’offrir une adresse plus « haut de gamme ».
Les développements sont également abondants en 1ère couronne. C’est dans ce secteur que les livraisons d’opérations de grand gabarit seront les plus nombreuses, avec 36 chantiers en cours pour un total de 786 700 m² dont 87% encore disponibles. Un volume dont la répartition géographique souligne l’intérêt pour les futurs hubs du Grand Paris Express, avec un stock particulièrement élevé de projets dans quelques communes comme Saint-Ouen ou Bagneux.
Enfin, si Paris concentre près d’un quart des surfaces neuves-restructurées en chantier en Île-de-France, la situation y est plus équilibrée. Ainsi, près de la moitié des m² de bureaux actuellement en chantier ont déjà trouvé preneur, permettant de tabler sur une hausse modérée de la vacance dans la capitale.
Des loyers stables sur un trimestre
Attendu avant même le déclenchement de l’épidémie de Covid-19, le rééquilibrage des relations entre bailleurs et locataires s’est accéléré, comme illustré par l’octroi de mesures d’accompagnement plus généreuses dans les secteurs de marché les plus offreurs. En revanche, l’évolution des rapports de force ne s’est pas traduite par une correction notable des valeurs faciales. Ainsi, le loyer moyen s’établit à 415 €/m²/an et reste stable sur un an.
Quant au loyer prime, il s’établit désormais à 935 €/m²/an soit une très légère baisse de 1% sur un trimestre mais une hausse de 7% par rapport à la même période en 2020. Les prochains trimestres ne devraient pas changer la donne, non seulement parce que les utilisateurs de secteurs d’activité à haute valeur ajoutée restent disposés à payer le prix pour sécuriser les meilleurs actifs du QCA, mais aussi parce la crise sanitaire met plus que jamais l’accent sur la qualité et la centralité des espaces de travail.
« Les bureaux continuent d’occuper une place centrale dans l’organisation des entreprises. Leur importance semble même confortée, dans l’esprit des décideurs comme celui des salariés. De fait, l’alternance particulièrement éprouvante de périodes de relâchement et de resserrement des restrictions a montré les limites d’un télétravail à grande échelle, et le besoin de bureaux favorisant les contacts humains et l’innovation et exprimant les valeurs de l’entreprise », conclut Renaud Boëssé.