Le marché des fusions-acquisitions européen est revenu à des conditions plus favorables aux acquéreurs, en réponse aux incertitudes économiques engendrées par la pandémie de Covid-19. Ainsi, la dernière édition de la CMS European M&A Study fait ressortir notamment une augmentation significative des plafonds de garantie et des périodes de garantie plus longues.
Cette étude pluriannuelle des stipulations juridiques clés dans les contrats de fusion-acquisition est la plus complète en son genre et fondée sur sa propre base de données comprenant plus de 5 000 transactions.
L'étude révèle que le principal moteur des opérations de fusion-acquisition demeure l'entrée sur un nouveau marché (45%), contre 46% en 2019. Près d'un tiers (31%) de toutes les transactions représentait l'acquisition de savoir-faire ou d’activités nouvelles, tandis que 22% des transactions consistaient dans l'acquisition d'un concurrent.
Pour Jean-Robert Bousquet, co-Head du département Corporate/Fusions & Acquisitions de CMS Francis Lefebvre Avocats : « Le premier semestre 2020 a été plus difficile en termes de nombre d’opérations avec des retards, quelques abandons et des renégociations des conditions d’acquisition. Mais cela n’a pas été aussi sombre qu’on pouvait le craindre, et ce en raison d’une forte reprise des opérations à la fin de l’année 2020 et du fait que de nombreuses entreprises ont rapidement su s’adapter à l’incertitude environnante dans le cadre de leurs processus d’acquisitions. La résistance, pour ne pas dire la force, des marchés de capitaux et la résilience du capital-investissement, renforcée par les milliards de capitaux injectés par les banques centrales, permettent d’espérer une augmentation des volumes de transactions en Europe dans les mois à venir.
Outre l’impact sur le volume des opérations, l’étude semble démontrer que le marché des fusions-acquisitions européen jusque-là plutôt favorable aux vendeurs, a connu une nette inflexion en faveur des acquéreurs, se traduisant en particulier par une augmentation des plafonds et des durées de garantie. Cependant, cette inflexion doit être nuancée selon les secteurs, car pour ce qui concerne les secteurs résilients à la crise du Covid-19, comme par exemple les industries de la santé, de la tech, de l’énergie ou encore de certains services financiers, les conditions demeurent favorables aux vendeurs, voire se sont améliorées en leur faveur notamment en matière de valorisation. »
Les tendances plus " favorables aux acquéreurs " comprennent :
- des périodes de garantie plus longues - on observe une augmentation des périodes de garantie de 24 mois ou plus (23% des transactions - en hausse de 4% par rapport à 2019) ;
- une augmentation des plafonds de garantie - le niveau des plafonds de garantie consentie par les vendeurs a augmenté de manière significative en 2020. Il y a eu moins de transactions où le plafond était inférieur à 50% du prix d'acquisition - en baisse à 49% par rapport aux pics de 60% connus en 2017 - et nous avons vu plus de transactions où le plafond de responsabilité était égal au prix d'achat ;
- une diminution progressive des ajustements du prix d'acquisition (PPA for Purchase Price Adjustment) - on note une légère diminution de l'utilisation des PPA dans les contrats de fusions et acquisitions (44% contre 45% pour 2019), ce qui laisse penser que les parties ont recherché plus de certitude quant au montant du prix d'acquisition lors de la signature de la documentation contractuelle relative à la transaction.
Outre ces tendances plus favorables aux acquéreurs, il ressort de cette dernière édition les points importants suivants :
- les compléments de prix (Earn-Out) restent relativement stables - malgré l'anticipation d'un plus grand nombre de compléments de prix en raison du Covid-19, il y a au final eu peu d’évolution du nombre de ces mécaniques, bien qu'ils soient présents dans 21% des transactions recensées. Ce chiffre est supérieur au niveau moyen de la dernière décennie, bien qu'il reste moins populaire qu’aux États-Unis ;
- l’utilisation stable de l'assurance garantie de passif (W&I for Warranty & Indemnification) - la popularité de l'assurance garantie de passif semble avoir légèrement chuté en 2020 de 2% (à 17%), bien qu'elle soit toujours utilisée dans près de la moitié des transactions de plus de 100 M€. Cela s’explique probablement par la légère baisse des grosses opérations en montant qui sont les plus souvent utilisatrices de cette assurance.
Différences régionales
La pandémie de Covid-19 a déclenché une évolution plus favorable aux acquéreurs en Europe, à l'instar des États-Unis où les positions plus " favorables à l'acquéreur " sont courantes. En outre, la pratique du marché européen en matière d’ajustement de prix (PPA) est restée stable, dans la fourchette 44/45%, comme au cours des trois dernières années. Il s'agit d'une différence notable par rapport aux États-Unis, où les clauses d’ajustement de prix figurent dans presque toutes les transactions (95%).
Notre étude continue de révéler des différences marquées en termes de pratiques de marché selon les régions d’Europe concernées :
- le Royaume-Uni a ainsi utilisé des ajustements de prix dans 54% des transactions, loin devant la France (36%) et les pays du Benelux (34%) ;
- les pays d’Europe Centrale et de l’Est, et les pays d'Europe du Sud ont des plafonds de responsabilité plus élevés (67 et 76% des transactions respectivement avaient un plafond de responsabilité de plus de 50% du prix d'achat), comparé à la moyenne européenne de 43% ;
- l’utilisation d’une assurance garantie de passif reste relativement plus faible en France, au Benelux et dans les pays d'Europe du Sud - allant de 5 à 20% - et a chuté de manière significative au Royaume-Uni (de 37% en 2019 à 27% en 2020) ;
- l'utilisation des compléments de prix (Earn-Out) a fortement augmenté dans les pays d’Europe Centrale et de l’Est avec 20% des transactions contre 8% en 2019 - plus conforme à la moyenne européenne de 21% ;
- les délais de mise en jeu de garantie sont beaucoup plus longs dans les pays d’Europe Centrale et de l’Est, en France et dans les pays d'Europe du Sud ;
- l'arbitrage a été utilisé comme mécanisme de résolution des litiges dans un tiers (32%) des transactions. Il est toujours moins populaire dans certaines régions (Royaume-Uni, France et Benelux) que dans d'autres (Europe Centrale et de l’Est, pays germanophones et Europe du Sud).