Avis de Laurent Kocinski, un expert de la lutte contre la fraude
- Depuis le début de la crise sanitaire, le nombre d'incidents de paiement s'envole.
- Les aides du gouvernement n'ont offert qu'un sursis temporaire aux entreprises.
- Les experts s'attendent à une explosion des faillites et des destructions d'emplois dans les prochains mois.
- Selon la Banque de France, 13 Mds€ de factures sont aujourd'hui en souffrance.
La crise fragilise la situation des ménages et leur capacité à rembourser
Avant le dernier trimestre 2020, l'encours de crédits des particuliers dépassait 1 300 Mrds€ selon la Banque de France, et plus de 80% de cette somme finance des achats immobiliers.
Les ménages, qui ont vu leurs salaires partiellement amputés, leurs contrats rompus du jour au lendemain, un arrêt brutal d'activité pour certains indépendants/entrepreneurs, vont vouloir souscrire à des crédits pour couvrir leurs dépenses mensuelles.
La dernière enquête menée par l'agence Diffusis pour Meelo, fintech spécialisée dans la lutte contre la fraude, a révélé :
- Des difficultés dans le remboursement des emprunts immobiliers ou de paiement des loyers : 30% des propriétaires et 15% des locataires interrogés déclarent être en difficulté pour honorer leur emprunt immobilier ou payer leur loyer en ce début d'année. 20% des propriétaires interrogés comptent demander un report de remboursement et/ou des facilités de remboursement.
- Depuis le début de la crise sanitaire, 27% des personnes interrogées ont souscrit à un crédit à la consommation pour faire face aux difficultés financières, dans la limite de 1000€ dans un peu moins de la moitié des cas : Pour 47% d'entre elles, le crédit à la consommation sert à boucler les fins de mois (factures, nourriture etc.)
- 24% pensent réaliser un regroupement de crédits (conso, immobilier) pour baisser leur charge mensuelle.
12% des personnes interrogées ont perdu leur travail à cause de la crise
- Un risque de surendettement, 8% déclarent penser avoir recours à un dossier de surendettement auprès de la banque de France.
- L'utilisation du paiement fractionné par 80% des personnes interrogées (somme des oui rarement, parfois et souvent). Vs 75%, au dernier baromètre (octobre 2020).
Ce baromètre est dans la lignée du rapport de la Fondation Abbé-Pierre, rendu public début février, et qui alerte sur la hausse des difficultés des ménages à payer leur loyer. Les bailleurs publics enregistraient déjà une augmentation de 65 millions d'euros d'impayés de loyers par rapport au mois de février 2020, selon les chiffres de l'Union sociale pour l'habitat.
Derrière cette approche globale, la situation financière des ménages évolue très différemment
Le risque de défaut de paiement est très faible chez les clients dont les revenus sont globalement stables : salariés en CDI, fonctionnaires, retraités.
Fruit de l'effondrement de la consommation, certains français n'ont jamais autant épargné que pendant la crise sanitaire. En mars dernier, au début de la crise, les ménages ont augmenté leurs dépôts bancaires de 20 Mrds€, selon la Banque de France. Un chiffre spectaculaire : ces trois dernières années, la hausse mensuelle moyenne des dépôts s'élevait à 6 milliards. Le taux d'épargne des Français, déjà l'un des plus élevés d'Europe, pourrait cette année atteindre des niveaux sans précédent, « entre 17 et 20% ».
La situation est, par contre, inquiétante pour les français qui ont un statut précaire (étudiants, CDD, Intérim, intermittents du spectacle mais aussi les demandeurs d'emploi) et ceux qui subissent une baisse significative de leur activité avec la crise et les mesures de restriction (les autoentrepreneurs, les artisans, les commerçants etc). Ces derniers ont de plus en plus d'impayés de loyers et de factures d'énergie. En revanche, ils sont souvent exclus du crédit, compte tenu de leur situation précaire.
Pour Laurent Kocinski, fondateur de Meelo, fintech spécialiste de l'identification des fraudes et la sécurisation des transactions financières : « Le risque majeur n'est pas l'explosion du défaut de crédit des clients actuels, à condition bien sûr que les acteurs possèdent des solutions de prévention et de recouvrement efficaces.
Le risque ce sont les clients qui auront besoin de financements ou de solutions pour surnager, ce qui concerne notamment la nouvelle frange des français précaires. Dans ce cas, la tentation pourrait être grande d'enjoliver son dossier (fausse déclaration, justificatifs frauduleux) ou de se financer chez les acteurs réalisant moins de contrôles ou n'ayant pas de scoring ».
Dans tous les secteurs où l'on ne paye pas comptant (Énergie, Financières, Loueurs, Retailers), l'enjeu est clair : il faut mettre en œuvre des solutions préventives tout en maximisant ses ventes.