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Obligataire « Event Driven » : une alternative méconnue à un High Yield en haut de cycle

Tribune de Thibaut Sciard, Directeur Général de Delta Alternative Management

Les dettes des entreprises en situation spéciale subissent des décotes d’autant plus excessives, que les créanciers traditionnels n’ont pas la capacité d’appréhender avec suffisamment de discernement l’issue de ce type d’événement. À l’heure où le High Yield est arrivé en haut de cycle, la normalisation de ces excès peut se révéler un moteur de performance autonome bienvenu pour les investisseurs.

Le rally des obligations à haut rendement semble proche de son terme. Profitant d’un recul historique de l’aversion au risque, l’indice iBoxx Crossover a significativement progressé en 2012, reflétant des flux d’investissement d’une ampleur inédite. La situation est bien différente en 2013. Faute d’un potentiel de revalorisation résiduel suffisant, les investisseurs ne peuvent plus compter que sur le rendement des coupons, qui est tombé à des niveaux plus modestes.
Mais voilà. Il est un autre segment du marché obligataire, encore méconnu en France, qui recèle un potentiel de performance à la fois peu exploité et structurellement déconnecté du reste du marché. Ce sont les dettes des entreprises dites en « situation spéciale ».

Explications

La vie d’une entreprise est cyclique. À des périodes paisibles, voire fastes, succèdent des moments plus complexes, qui découlent d’événements perturbateurs tels que la restructuration d’une dette, une procédure collective, voire une cessation de paiement… Si elles sont loin de s’accompagner d’un défaut systématique, ces situations ont un point commun : elles sont difficiles à appréhender pour les créanciers traditionnels. Résultat, l’avènement de ce type de situation amène souvent les créanciers à se désengager coûte que coûte. Soit pour des raisons prudentielles, les dégradations de notation provoquant un alourdissement mécanique de la consommation de fonds propres chez certains institutionnels. Soit pour des raisons purement financières, ces dettes n’entrant plus dans l’univers d’investissement de certains créanciers, tels que les fonds High Yield.

En conséquence, les dettes des entreprises en situation spéciale subissent des décotes d’autant plus fortes que les créanciers n’ont pas la capacité d’appréhender avec suffisamment de discernement l’issue de ce type d’événement et donc, la qualité de crédit réelle de ces émetteurs. D’où un écartement souvent excessif entre le prix courant des titres et leur valeur après la réalisation de l’évènement. Or c’est justement dans cet écartement que réside le moteur de performance des stratégies obligataires « Event Driven ». À une condition, toutefois : la matérialisation de la performance doit impérativement reposer sur une double expertise : une expertise en matière d’analyse crédit et une expertise juridique. La perception des fondamentaux propres à chaque émetteur importe autant que l’anticipation des procédures collectives et des négociations, seuls des investisseurs ou des gérants réellement spécialisés dans cette classe d’actifs sont en effet en mesure de capter, à moindre risque et dans un temps prédéterminé, le rétrécissement de cet écart entre prix de marché et valeur intrinsèque

Pour ces raisons, les obligations en situation spéciale sont une alternative radicalement différente aux obligations à haut rendement. Les secondes cotent proches du pair, quand les premières amènent à se positionner sur des titres très décotés (20 à 70% du pair). Les secondes souffrent d’une qualité de crédit durablement dégradée, quand les premières sont avant tout pénalisées par des facteurs de stress et donc, par une absence de visibilité ponctuelle. L’intérêt des secondes dépend des conditions de marché, quand les premières reposent sur des moteurs de performance autonomes et intrinsèques. Les secondes sont aujourd’hui en haut de cycle, quand les premières sont acycliques. La performance des secondes en 2013 dépendra essentiellement du versement des coupons, quand le potentiel des premières découlera surtout de la compensation de leur décote et donc, de la revalorisation de la valeur faciale (d’autant que les procédures collectives s’accompagnant souvent d’une disparition pure et simple des coupons pendant une période donnée). Or, le risque de hausse des taux va affecter la performance de la catégorie high yield, en raison du spread entre le taux coupon et le taux constaté du benchmark. Dans la mesure où les émissions high yield récentes ont bénéficié d’un taux facial faible, ces obligations sont donc substantiellement plus sensibles à la hausse actuelle.
Les investisseurs exposés aux obligations à haut rendement sont passifs et se contentent de porter leurs positions dans le temps, quand les créanciers des « situations spéciales » s’assoient à la table des négociations et cherchent à peser favorablement dans les décisions vitales. Gage de la bienveillance de cette catégorie d’investisseurs actifs, la forte décote du prix d’entrée donne à ces derniers la possibilité d’accorder les concessions nécessaires, pour projeter la société débitrice sur une trajectoire de croissance rentable et durable.

Ces différences sont fondamentales et permettent à l’obligataire « Event Driven » de pouvoir délivrer une performance réellement déconnectée de la configuration de marché du moment. Moins volatil et plus convexe (du fait d’un prix d’entrée très décoté), ce type de stratégie est aussi désensibilisé des risques de bulle. Si le rétrécissement des écarts de performance tout au long de l’année passée a logiquement profité aux obligations « Event Driven », cet apport s’est finalement révélé marginal. Plus qu’un segment de marché, l’obligataire Event Driven est une classe d’actifs à part entière, mue par ses propres moteurs de performance. Et ils sont nombreux.

 

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