« Les dirigeants d’entreprises face à la neutralité carbone : au-delà de la volonté, quelle réalité ? »
Mazars, groupe international spécialisé dans l’audit, la fiscalité et le conseil, publie les résultats d’une étude exclusive menée fin 2020 en partenariat avec l’IFOP auprès de plus de 400 dirigeants d’entreprises françaises (de la TPE jusqu’au groupe côté) sur leur rapport à la neutralité carbone.
Cette étude permet d’obtenir une photographie de la situation du pays à fin 2020 sous deux angles distincts : un angle sectoriel, permettant d’identifier les secteurs les plus en retard, et une prise en compte des différentes tailles d’entreprises pour appréhender la réalité au niveau local.
L’étude met en avant les réponses de 403 dirigeants dans 7 secteurs d’activité considérés comme les plus émetteurs de CO2 parmi lesquels le transport, l’agriculture, la construction, l’énergie, l’agroalimentaire, les équipements de transport et autres industries du type pharmaceutique, chimique, textile, métallurgie, extraction, informatique et électronique.
Une prise de conscience plus marquée chez les dirigeants d’ETI et de grandes entreprises
Bien qu’à l’échelle de la France, les annonces d’engagement vers la neutralité carbone se multiplient depuis 2015 avec plus de 1 100 entreprises, 450 villes et 22 régions annonçant prendre des engagements « ZEN » (zéro émission nette), seulement 52% des dirigeants déclarent l’objectif de la neutralité carbone comme une priorité pour leur entreprise.
A travers les deux angles étudiés, il apparaît clairement que la neutralité carbone est plus largement évoquée chez les ETI et les grandes entreprises. En effet, seules 16% des entreprises de moins de 500 salariés (TPE et PME essentiellement) ont déjà̀ réalisé un bilan carbone.
L’étude démontre d’autre part que les secteurs du transport et de l’industrie dans son ensemble (pharmaceutique, chimique, textile, métallurgie, extraction, informatique et électronique) se placent plus en retrait sur la question que le secteur de l’énergie, par exemple, qui perçoit l’atteinte de la neutralité carbone comme une chance.
Plus globalement, une faible majorité́ des dirigeants pense que s’engager et atteindre la neutralité́ carbone leur permettra d’avoir un temps d’avance sur leurs concurrents et de maintenir leur performance économique à long terme.
Des problématiques de ressources et de réglementation clairement identifiées par les dirigeants sondés
- Ressources humaines et outils de mesure
58% des dirigeants estiment ne pas avoir les ressources et les compétences humaines pour atteindre la neutralité carbone et 67% confient ne pas connaître suffisamment les outils et les méthodologies qui permettraient de définir, de mesurer et donc d’atteindre une stratégie de neutralité carbone pour leur entreprise.
- Réglementation et risque financier
Considérant que les entreprises de moins de 500 salariés (soit 98% de l’échantillon) n’ont pas l’obligation de réaliser un bilan carbone, seules 16% en ont déjà fait l’expérience volontairement.
Un autre frein reste le risque financier, très souvent mentionné et qui semble être un facteur décisif dans l’engagement des entreprises vers la neutralité́ carbone. En dehors des subventions et des entreprises en capacité d’avoir recours à l’autofinancement, les dirigeants français n’envisagent que très peu l’augmentation de capital ou le prêt bancaire pour financer leurs projets vers la neutralité carbone.
Les dirigeants identifient néanmoins des leviers prioritaires
- Le financement : simplifier l’accès, notamment aux subventions
Le premier levier, évoqué par 60% des dirigeants interrogés, est de simplifier et d’alléger les démarches administratives pour pouvoir accéder aux aides et aux financements et ainsi accélérer la mise en œuvre de leurs projets.
- La fiscalité : envoyer un signal prix pour orienter les comportements et gagner en compétitivité
48% de ces mêmes dirigeants pointent du doigt la mise en place d’une fiscalité plus incitative, notamment via la mise en œuvre d’une taxe carbone aux frontières, afin de rendre leurs produits et services plus compétitifs.
- La chaîne de valeur : agir avec l’ensemble des parties prenantes
Pour 42% d’entre eux, vient ensuite la volonté de mettre en œuvre une démarche sectorielle regroupant tous les acteurs de la chaîne de valeur afin de proposer des solutions efficaces et réalistes.
En conclusion, cette étude, révèle qu’être « ZEN » implique une transformation radicale des modes de production et de consommation des entreprises, que nos dirigeants français se trouvent à la « croisée des chemins », entre prise de conscience des enjeux et réalité de mise en œuvre.
Bien que l’État joue un rôle moteur dans l’orientation et l’incitation de tout un chacun vers la neutralité carbone à travers une accélération législative et réglementaire sans précédent, la construction d’un nouveau monde « Carbon neutral » ne pourra se faire sans une contribution forte et engagée de la part des entreprises et de leurs dirigeants qui, malgré une forte volonté, ont plus que jamais besoin de pouvoir monter en compétences et de visibilité sur les outils de mesure, la méthodologie, les opportunités financières et concurrentielles de la réalité neutralité carbone. Et les dirigeants d’entreprises ont surtout besoin de travailler avec toutes les parties prenantes de leur chaîne de valeur pour pouvoir passer réellement une marche.
Mathieu Mougard, Associé et responsable de la filière Energie & Environnement conclut : « L’étude que nous avons menée fin 2020 met à jour une forme de paradoxe. Tout d’abord, un vrai sprint, initié par les politiques publiques, qu’elles soient européennes ou françaises, cristallisé notamment par le montant des investissements mis sur la table ou encore l’accumulation de projets de lois sur le sujet. Mais également un état d’esprit des chefs d’entreprise sur le sujet qui pourrait s’assimiler à une forme de marathon où tous les dirigeants ne sont pas sur la même ligne de départ à ce stade : moins d’un dirigeant sur deux en a pris le départ, et 16 % ont une longueur d’avance.
Il y a un enjeu capital à ce que ce paradoxe se réduise sensiblement et que les outils se mettent en place afin que les dirigeants d’entreprise, chacun à leur niveau, puisse enclencher ou développer leurs actions en faveur de la neutralité carbone. »