Il y a un an le marché immobilier était en pleine effervescence mais l’irruption de la pandémie a mis un coup d’arrêt à cette euphorie. Après une année de lutte contre la Covid-19 et deux confinements nationaux, le secteur immobilier inspire confiance aux yeux des Français. Toutefois il n’en sort pas indemne et subit les décisions de nos élus...
L’analyse de Quentin Romet, Président d’Homunity, plateforme spécialisée dans l'investissement immobilier.
Pénurie et hausse des prix de logements neufs
L’ancien Ministre, Julien Denormandie, avait fait la promesse d’accélérer la numérisation des actes d’urbanisme. Son ministère s’était engagé à accompagner les collectivités ayant besoin d’assistance dans le passage à cette numérisation. L’initiative est bonne mais un an après ces annonces et l’arrivée d’Emmanuelle Wargon, rien n’a changé malgré les nombreuses relances et incitations du gouvernement, qui a mis sur la table une enveloppe de 350 millions d’euros pour récompenser les élus construisant au-dessus d’un certain seuil.
Il est vrai que la période pré-élection municipale est toujours délicate, comme le dit l’adage « maire bâtisseur, maire battu », et ces derniers se refusent à construire pour ne pas bouleverser les grands équilibres de leurs communes et ne pas heurter l’opinion publique. Aujourd’hui, les élections sont passées mais les permis de construire sont toujours difficiles à obtenir. Pourquoi ? Sans doute cela tient-il à la dégradation des relations entre l’Etat et les élus. En effet, la suppression de la taxe d’habitation a privé les communes de 34% de leurs ressources. Et le mécanisme de compensation ne convainc pas les maires.
En attendant, les permis de construire non délivrés représentent autant de logements non construits. Les promoteurs ont par conséquent dit à maintes reprises s'attendre à la perte de plus de 35 000 logements neufs en 2021. Cette pénurie, qui vient s’ajouter aux nombreux reports liés à la mise en place des deux confinements et à l’application d’autres mesures restrictives, va mécaniquement créer une baisse de l’offre et par conséquent une augmentation des prix des habitations neuves. Dans certaines régions, les prix continuent d’augmenter, de l’ordre de 2 à 4% suivant les communes, car les opérateurs immobiliers se retrouvent avec un stock commercial qui est passé en dessous des 12 mois.
Le triste jeu de l’offre et la demande prend place et impacte fortement notre société. Il est donc urgent d’agir dans les plus brefs délais car la construction de 2021 et les logements de 2022 dépendent des permis de construire que les opérateurs obtiennent aujourd’hui.
Assouplissement des taux d’endettement pour relancer le marché
En 2020, le nombre de nouveaux prêts immobiliers a reculé de 18,1%, représentant notamment une diminution conséquente des crédits accordés aux ménages percevant de faibles revenus. Afin de permettre à un plus grand nombre d’accéder à la propriété malgré la crise et de soutenir le marché, le Ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a décidé fin décembre d’assouplir les recommandations adressées aux banques. Ainsi, le taux d’endettement est passé de 33 à 35% et la durée d’endettement a augmenté de 2 ans, passant de 25 à 27 ans.
Un exode urbain pas à l’ordre du jour
Le confinement et l’explosion du télétravail rebattent les cartes et les envies des Français. D’après une étude menée par SeLoger, 29% des Franciliens interrogés ont élargi leur périmètre de recherche et prospectent désormais loin des grandes villes. Certaines villes moyennes comme Rennes ou Nantes ont donc vu leurs prix au m² bondir de plus de 10%.
Même si ces chiffres témoignent d’un attrait pour les agglomérations, il n’y a pas de vaste exode des Français hors des grandes villes. Le confinement a donc incontestablement modifié leurs aspirations, mais ils n’ont pas pour autant sauté le pas.
De nouveaux investisseurs dans l’immobilier résidentiel
Les particuliers ne sont pas les seuls à vouloir investir dans l’immobilier résidentiel, les investisseurs institutionnels, qui l’avaient auparavant délaissé pendant plusieurs années en sont aujourd’hui friands. Pour preuve, ils étaient à l’origine de plus de la moitié des acquisitions de logements en bloc en 2020. Selon la Fédération des promoteurs immobiliers, de janvier à juin, les réservations de logements neufs des investisseurs institutionnels ont grimpé de 39%.
Après s’être intéressés aux bureaux, entrepôts et centres commerciaux, certains institutionnels reviennent vers le logement car ils y voient beaucoup d’intérêts pour peu de risques. Tout d’abord, l'obsolescence du bien est limitée, alors qu'au bout de quelques années, un immeuble de bureaux n'est plus au goût du jour. En effet, quand on possède un immeuble de 50 ou 100 logements, l'hypothèse qu'il se vide en une seule fois est faible. De plus, les institutionnels ont bien compris que ce type d’investissement leur garantit une bonne visibilité sur les cash-flows.
Craignant l’impact de la Covid-19 sur la vente de logements aux particuliers, certains promoteurs ont vendu en bloc des immeubles. Par exemple CDC Habitat et Action Logement se sont engagés à acheter 50 000 logements aux promoteurs.
L’arrivée de ces investisseurs est une véritable aubaine pour les projets du gouvernement : la transformation des bureaux en logement sociaux va dans ce sens. En 2020, 468 communes sur 1 035 n’ont pas respecté leurs engagements en matière de logements sociaux. La moitié de ces villes seront d’ailleurs sanctionnées pour la première fois. Témoin de ces nombreux manquements, la Ministre du Logement a logiquement appelé de ses vœux une augmentation du montant des amendes.
2020 a ainsi été une année inédite pour l’économie française, mais également pour le secteur immobilier. Cela aurait pu être une année record si l’on en croit la dynamique des précédentes années mais ce ne fut finalement pas le cas.
La pénurie de production de logements neufs est un véritable fléau pour les prix de l’immobilier neuf, il semble urgent que le gouvernement prenne des décisions exemplaires pour espérer une relance massive de la construction.