Analyse de l’équipe de Recherche et de Stratégie de SPDR
L'année a été difficile pour les investisseurs obligataires, dans un contexte de forte hausse des marchés d‘actifs risqués qui a pesé sur la performance des titres obligataires. Dans l'environnement actuel, nous avons identifié 3 raisons principales pour lesquelles les investisseurs devraient envisager un positionnement plus défensif sur la partie courte de la courbe. Les banques centrales ne sont pas près de remonter les taux : c'est une occasion de réduire le risque de duration, et le récent mouvement de sell-off a permis de rétablir un certain rendement.
Faire face aux défis actuels sur l’univers obligataire
Jusqu'à présent, l'année a été difficile pour les investisseurs obligataires. La hausse d'environ 70 points de base des rendements du Trésor américain sur 10 ans s'est avérée être un frein majeur pour la plupart des actifs obligataires. De plus, il n'est pas du tout évident que le mouvement de sell-off soit effectivement terminé. Au cours des trois premières phases de l'assouplissement quantitatif (QE) américain, il y a eu trois mouvements de sell-offs agressifs sur les obligations qui, en moyenne, ont duré 21 semaines et ont entraîné une hausse de 140 points de base des rendements du Trésor américain à 10 ans.
Les banques centrales étant plus que jamais investies et liées avec les marchés financiers, elles auraient toutes les raisons de tenter de se prémunir contre tout ce qui commence à ressembler à une déroute obligataire. Toutefois, il serait prudent pour les investisseurs de prendre des positions obligataires plus défensives sur la partie la plus courte de la courbe.
Dans l'environnement actuel, nous voyons 3 raisons de privilégier la partie courte de la courbe :
1/ Les banques centrales ne sont pas près de relever les taux
La Réserve fédérale américaine (Fed) a mis 7 ans pour effectuer sa première remontée de taux à la suite de la crise financière mondiale et le processus de resserrement a été très progressif. Pourtant, le marché des swaps indiciels au jour le jour (OIS - Overnight Index Swaps) anticipe actuellement un resserrement de 50 pb dans 2 ans, et de 100 pb dans 3 ans. En résumé, le marché a déjà valorisé un resserrement assez agressif en prenant. Cela devrait limiter la capacité des acteurs positionnés sur la partie courte de la courbe à alimenter un mouvement plus agressif de hausse des taux, en dépit des données économiques robustes. Cela devrait protéger les obligations à court terme.
2/ Réduire le risque de duration
La réduction de la sensibilité d'un portefeuille à la hausse des taux est une stratégie défensive-clé pour les investisseurs obligataires. Les rendements faibles et, jusqu'à récemment, les courbes « plates » ont amené les émetteurs à accroître la maturité dans leur politique d’émission de dette. Ce phénomène, conjugué à la baisse des rendements, a entraîné un allongement de la duration des indices obligataires. Prenons l’exemple de l’indice Euro Aggregate de Bloomberg Barclays Treasury : sa duration s'est allongée de 1,4 an au cours des cinq dernières années.
Au cours de cette période, le rapport entre la sensibilité des prix et l’indice Bloomberg Barclays Euro Aggregate Treasury 1-3 ans (plus court) est passé de 3,8 à 4,5 fois. Porter cette duration supplémentaire peut s’avérer coûteux dans un contexte de hausse des rendements. Cela rend d’autant plus attractives les stratégies qui se positionnent sur la partie la plus courte de la courbe pour réduire l'exposition au risque de duration.
3/ Le mouvement de sell-off a permis de rétablir un certain rendement
L'un des principaux contre-arguments à une prise de position sur la partie courte de la courbe va au-delà du fait que cela “n’offrirait” que de faibles rendements : nous entrons en effet ici dans un environnement dépourvu de rendement. Toutefois, le récent mouvement de sell-off a permis de réinsuffler un peu de valeur sur cette partie courte.
L'un des mouvements les plus extrêmes s'est produit à l’avant de la courbe des taux, alors que le lancement des campagnes de vaccination anti-Covid-19 faisait naître, outre-Manche, l'espoir d'un retour rapide “à la normale”. En réaction, l'indice Bloomberg Barclays UK Gilt 1-5 Year est passé de 10 pb au début de l'année à +15 pb actuellement. Cela n’est certes pas notable en termes absolus, mais représente tout de même une hausse significative par rapport aux 5 points de base proposés par le taux au jour le jour SONIA (Sterling Over Night Index Average).
Passer en mode “défensif” tout en continuant à améliorer son rendement en portefeuille
Les obligations à court terme constituent une stratégie défensive dans le contexte actuel de relance, mais elles peuvent également contribuer à améliorer le rendement d’un portefeuille. Le graphique ci-dessous montre le Yield-to-Worst de certains indices-clés de courte durée, et le rapport qu’il entretient avec le risque de duration.
L'indice Bloomberg Barclays US High Yield 0-5 ans (ex 144A) et l'indice ICE BoA 0-5 Year Emerging Market USD se distinguent par un rendement élevé pour une duration relativement faible. Ces indices présentent évidemment des caractéristiques de risque très différentes de celles des expositions Investment Grade, mais leurs performances plus élevées offrent également une protection contre la hausse des rendements des bons du trésor. Le High Yield américain en particulier, avec une sensibilité aux taux de 1,84 et un rendement de 3,73%, peut supporter une remontée d’environ 200 points de base avant que les pertes de prix des actifs sous-jacents n’entament complètement le portage annuel des coupons.
En effet, le High Yield est l'une des rares stratégies obligataires à avoir affiché des performances positive depuis le début de l'année, en partie grâce à la demande des investisseurs pour la classe d’actifs, mais aussi parce que le contexte économique actuel nourrissant une dynamique de reflation, devrait en fin de compte venir aussi en soutien d’une amélioration de la qualité de crédit des obligations.