Arrêt des chantiers, fermeture des sites industriels, chute des commandes et appels d’offres… Selon une étude de la profession réalisée avec les partenaires sociaux, le redémarrage sera lent et le retour à la normale n’aura pas lieu avant 2022. Les ingénieristes, qui ont eu massivement recours aux mesures de soutien pour préserver l’emploi, rappellent que leurs ressources sont clé pour la relance économique.
A travers Syntec-Ingénierie https://www.syntec-ingenierie.fr/, leur fédération professionnelle, elles demandent aux pouvoirs publics davantage de souplesse et d’accompagnement dans l’accès aux formations.
Une activité en baisse de 11% pour les ingénieristes
L’ingénierie regroupe 73 000 entreprises en France qui fournissent des prestations intellectuelles à haute valeur ajoutée à leurs clients publics et privés : conception de bâtiments et d’ouvrages, optimisation de chaînes industrielles, contribution à la R&D, innovation numérique, conseils sur l’adaptation au changement climatique… Présentes dans tous les secteurs d’activité, elles sont durement touchées par la crise sanitaire et enregistrent des pertes de 11% de chiffre d’affaires. Selon l’étude, cette chute s’explique en priorité par l’arrêt des projets pendant le confinement et la chute des prises de commandes. C’est particulièrement vrai pour les entreprises des filières industrielles, notamment automobile et aéronautique. Un an après le début de la crise, 41% d’entre elles déclarent encore une baisse de leurs prises de commandes, selon un baromètre Syntec-Ingénierie. Sans surprise, la région Occitanie figure parmi les plus touchées.
En parallèle, 40% des ingénieristes souffrent depuis septembre 2020 de l’allongement des délais de paiement, qui s’échelonnent jusqu’à +60 jours pour 5% d’entre elles. Une situation dégradée qui occasionne des difficultés de trésorerie pour plus d’1/4 des sociétés interrogées.
Parmi les autres difficultés rencontrées, les entreprises pointent le manque de visibilité et les problématiques d’organisation du travail.
« Avec 17% de nos collaborateurs en travail sur le site de l’entreprise - soit moins d’un jour par semaine par collaborateur -, nos entreprises respectent scrupuleusement le protocole sanitaire en vigueur. Nous sommes pleinement mobilisées pour endiguer la pandémie. Nos efforts ne sont néanmoins pas sans conséquence sur l’activité de nos entreprises, dont l’essence est de travailler en équipe sur des projets collaboratifs et innovants. Les mesures de distanciation ralentissent l’avancée des projets que nous menons, sans compter que nous avons aussi à souffrir parfois de désorganisations chez nos clients », constate Pierre Verzat, président de Syntec-Ingénierie.
Préserver l’emploi : une priorité absolue en vue du redémarrage économique
L’étude souligne que malgré les fortes baisses d’activité, les entreprises se mobilisent pour préserver leurs ressources et être prêtes à redémarrer. « La richesse de nos entreprises réside dans nos salariés. C’est pour nos idées, notre matière grise que nos clients font appel à nous. La préoccupation première des ingénieristes est donc de préserver l’emploi », poursuit Pierre Verzat.
Sans surprise, les profils juniors apparaissent comme les plus à risque. L’étude indique que les jeunes diplômés arrivent sur le marché de l’emploi dans un contexte bien plus concurrentiel. De l’autre côté de l’échiquier, les seniors sont fragilisés car perçus comme moins agiles et moins à l’aise avec les nouvelles technologies. Ingénieur ICT (c’est-à-dire du conseil en technologies, intervenant beaucoup dans les filières industrielles automobile et aéronautique) et chef de projet sont identifiés parmi les métiers les plus à risque.
Pour préserver l’emploi, 45% des ingénieristes ont eu recours à l’activité partielle, 31% ont sollicité des prêts garantis par l’État, et 23% se tournent vers les aides au recrutement d’alternants. Côté formation, 1/4 d’entre elles ont mis ou vont mettre en place des parcours spécifiques pour leurs salariés. Avec pour objectifs : monter en expertise sur les métiers et accroitre la polyvalence en même temps que le socle de compétences.
Si les dispositifs de soutien ont largement favorisé le maintien de l’emploi jusqu’à présent, l’étude met en garde contre l’effet retard des pertes d’emplois. Selon les données du Baromètre APEC, les offres d’emplois ont déjà chuté de 32% au cours de l’année 2020. À cela s’ajoutent les 15 000 postes qui étaient créés chaque année avant crise par les entreprises d’ingénierie.
Les ingénieristes appellent à davantage de souplesse et d’accompagnement dans l’accès aux formations
A travers leur fédération professionnelle Syntec-Ingénierie, les entreprises d’ingénierie alertent néanmoins sur l’existence de rigidités dans l’accès aux formations, qui pourraient mettre en risque le maintien de l’emploi sur le long terme. Elles appellent les pouvoirs publics à davantage d’accompagnement, en particulier pour les formations lourdes, mais aussi à davantage de souplesse. Cela concerne notamment l’usage du FNE-formation : les entreprises ayant engagé une négociation en matière de PSE ne sont plus habilitées à y recourir, malgré le fait qu’il puisse s’agir d’entités de travail distinctes. Syntec-Ingénierie rappelle que chaque situation d’entreprise est particulière et qu’il convient de prendre en compte toutes les situations.
« Au-delà de notre profession, il est urgent de comprendre que la préservation des compétences dans l’ingénierie est un enjeu économique global. L’ingénierie est en amont de tous les projets. Ce sont nos professionnels qui inventent les ouvrages, bâtiments, infrastructures et industries de demain. Ils accompagnent les grandes transitions climatique, énergétique ou encore industrielle en concevant de nouvelles solutions technologiques. Perdre nos compétences, c’est mettre en jeu le redémarrage de notre économie toute entière. Il est impératif de préserver les capacités de rebond des entreprises, partout où cela est possible », conclut Pierre Verzat.