Le point avec Stanislas Coûteaux, co-fondateur de Book A Flat.
Légitime sur le papier, le dispositif d’encadrement des loyers à Paris se révèle mal calibré et contre-productif dans la pratique. Même ajustée, cette mesure doit inévitablement s’accompagner d’une sensible augmentation de l’offre de logements au sein même de la capitale, unique solution pour faire baisser les prix sur la durée.
A Paris, le dispositif d’encadrement des loyers, en vigueur depuis le 1er juillet 2019, est assurément louable. Il relève de bonnes intentions, dont nul ne peut s’offusquer : limiter les abus au sein même de la capitale - désertée par 11 000 habitants par an sur la période 2012/2017, selon l’Insee -, et dynamiser le parc locatif. Seulement, force est de constater que cette mesure est aujourd’hui mal calibrée et contre-productive. Certes les loyers ont baissé au cours des derniers trimestres. Comme rarement. Faut-il cependant y voir les seuls effets de ce plafonnement, qui concerne les contrats de location de logements nus ou meublés en résidence principale et qui s’appliquera au moins jusqu’en 2023 ? Non, bien évidemment. Derrière les chiffres se cachent des nuances, liées en partie à une légère chute de la demande et une augmentation de l’offre : ici, les premiers impacts de la crise sanitaire et de la mise sur le marché de biens initialement destinés à la location saisonnière.
Quitte à se répéter, ce plafonnement des loyers, également mis en place à Lille, ne rime pas avec incongruité. Pour autant, difficile, voire impossible, de porter aux nues un dispositif à la mécanique balbutiante, car inadaptée. Aujourd’hui, seuls trois critères d’encadrement, dont la pertinence se discute, sont pris en compte : nombre de pièces, quartier de l’actif et date de sa construction. Inutile de se perdre en palabre : c’est parfois incompréhensible et toujours insuffisant. S’ajoutent, bien sûr, des critères subjectifs, dits exceptionnels, justifiant un dépassement de loyer. Mais, là encore, faute de clarification, le bailleur s’y perd. A l’image d’un marché sens dessus dessous, qui fait état de loyers déconnectés de leur prix réel, parfois inférieur de 40%. Efficace et salvateur dans l’optique de revigorer le parc locatif de la capitale ? Permettez-nous d’en douter.
Un an et demi après l’adoption de ce dispositif, les interrogations remontent, les doutes et autres inquiétudes affluent, notamment côté propriétaires, qui peinent à rembourser les mensualités de leur emprunt. Et sont parfois contraints de vendre leur bien, qui quitte alors le parc locatif pour celui de l’acquisition. Ou comment réduire l’offre de logement. Ou comment exclure plus encore les classes moyennes de la Capitale. Vous avez dit contre-productif ? C’est un fait : le bailleur privilégiera toujours le dossier du candidat locataire le plus solide, celui capable de payer le loyer initial. Logique, il est en quête d’une rentabilité, qui diminue forcément aujourd’hui. Or, qui dit rentabilité en berne, dit marge financière insuffisante, dit rénovation abandonnée ou au rabais, dit vieillissement prématuré du parc locatif.
Voilà pourquoi cette stratégie initialement inclusive, légitime, se doit d’être affinée, ajustée au plus vite pour en faire un outil efficace et non punitif. Il est aujourd’hui primordial pour la mairie de Paris de faire appel aux professionnels du secteur, pour définir de nouveaux critères plus transparents pour les locataires (surface totale, espaces extérieurs, étage, exposition, type de chauffage…), offrant ainsi plus de crédibilité aux prix annoncés par les propriétaires. L’objectif final étant d’obtenir des loyers homogènes et en cohérence avec la réalité du marché.