Entretien avec Laurent Chaudeurge, cogérant du fond BDL Transition et auteur du livre Agir pour notre avenir pour sensibiliser Les Français à l’épargne de long terme en vue de leur retraite
Auteur d’un livre intitulé Agir pour notre avenir, vous avez témoigné de l’urgence d’agir face aux enjeux auxquels sont confrontées nos sociétés, quels sont-ceux qui retiennent particulièrement votre attention et quelles sont les incidences sur vos choix de gestion ?
Nous devons aujourd'hui faire face à plusieurs enjeux majeurs. Sur le front climatique, il y a une urgence particulière et le monde économique doit s'adapter. Les changements réglementaires et les nouvelles orientations de politique économique comme le Green deal vont amener les entreprises à évoluer. Plus spécifiquement, les modèles économiques vont devoir évoluer et une gouvernance clairvoyante doit s'imposer. Les ressources financières nécessaires pour répondre à ces enjeux sont considérables. Il nous faut donc faire évoluer nous pratiques d'investissement et apporter une dimension responsable à l’ensemble de nos actes quotidiens. Le fonds BDL transition a pour objectif d’investir dans les meilleurs acteurs de la transition ESG qui est en cours.
Quels sont les thèmes d’investissement que vous couvrez ?
Les thèmes d'investissement que nous avons retenus sont interreliés et visent à concourir au développement durable de nos sociétés. Le premier thème et celui de la transition énergétique et écologique qui va nous permettre à terme, c'est-à-dire à l'horizon 2050 fixé par les Accords de Paris, d'augmenter la part des énergies renouvelables à plus de 60 % de la consommation mondiale. Ainsi, nous serons capables de réduire considérablement celle des énergies fossiles. Le deuxième thème est celui de la transition digitale. Il est étroitement lié à celui de la transition énergétique dans la mesure où il aura un impact significatif sur la gestion des ressources, sur la manière d'optimiser l'agriculture, sur les transports, ainsi que sur la construction. Le troisième thème est celui de la transition de la mobilité et des infrastructures qui nous permettra de réduire les émissions de CO2. La transition médicale et alimentaire, qui vise à augmenter le bien-être des individus, est notre quatrième thème. Il est suivi par le cinquième et dernier thème qui est celui de la transition économique et des enjeux majeurs qui vont se présenter à nous ces prochaines années : il s’agit de la gestion de la dette et des conséquences du changement climatique telles que les catastrophes naturelles qui ont été multipliées par 4 depuis 1980 et dont l'intensité a également augmenté.
Comment évaluez-vous l’impact des valeurs de votre portefeuille sur les thèmes d'investissement que vous avez retenus ?
Nous utilisons les Objectifs de développement durable des Nations-unies comme référence. Pour chacun des thèmes, nous retenons un objectif primaire et des objectifs secondaires. Nous définissons ensuite une allocation par thème en y intégrant chacune des quelque quarante valeurs sélectionnées pour construire le portefeuille.
Comment définissez-vous votre univers d’investissement ?
Nous nous penchons sur 1 200 sociétés cotées en Europe dont la capitalisation boursière ou le chiffre d'affaires est supérieur à un milliard de euros. Nous excluons systématiquement toutes les entreprises dont le cadre d'activité est lié au tabac, à l'armement, au charbon et celles qui font l'objet de controverses sévères. Nous étudions ensuite la pérennité de chaque entreprise en procédant à une analyse financière stratégique et ESG. L'idée est de répondre à la question : est-ce que l'entreprise sera plus grande et plus forte dans 5 ou 10 ans ?
Quels outils utilisez-vous pour procéder à l'analyse ESG ?
Nous avons recours à un outil développé en interne que nous avons appelé QIRA pour Quality investing responsible analysis. Celui-ci nous permet de noter, d’une part, la transparence de l'entreprise et, d’autre part, la qualité de ses pratiques ESG. Concernant la transparence et pour chaque entreprise analysée, nous répondons à 10 questions relatives à chacun des piliers extra financiers - environnement, social et gouvernance.
Et concernant la qualité des pratiques ?
Nous avons recours à des approches différenciées. Pour l'environnement, nous nous appuyons sur les évaluations réalisées par le CDP (précédemment Carbon Disclosure Project). Pour les aspects sociaux, nous avons retenu 6 questions qui peuvent, le cas échéant, faire l'objet d'un bonus ou d'un malus. De la même manière, nous avons défini 10 questions assorties d'un bonus ou d'un malus pour les aspects de gouvernance. Les réponses obtenues sur ces aspects sont compilées afin d'obtenir une note ESG pour chaque entreprise avec, une pondération de 20 % pour les aspects sociaux, de 40 % pour les aspects environnementaux et de 40 % également pour les aspects de gouvernance.
Et, au-delà des pratiques ESG, comment appréhendez-vous la qualité de l'entreprise ?
Nous nous penchons sur la croissance et sur la rentabilité. Spécifiquement, nous exigeons une croissance organique sur 3 ans qui soit a minima légèrement supérieure à celle du marché et un rendement sur le capital employé (ROCE) pertinent. Actuellement, le ROCE des entreprises de notre portefeuille est supérieur de 42 % à celui du marché. Naturellement, le prix des titres détenus en portefeuille est lui aussi supérieur au marché mais dans une moindre mesure (8 %) ce qui témoigne de la qualité de notre sélection de valeurs. Ces exigences ont pour conséquence que certains titres dont la bonne notation ESG est reconnue par le marché ne peuvent pas figurer dans notre portefeuille compte tenu des interrogations relatives à la qualité de leur business model ou de celles liées à leur valorisation.
Comment s'articule votre politique d’engagement ?
Nous rencontrons plus de 1 000 entreprises par an, participons en moyenne à 16 salons professionnels et avons recours à 135 experts industriels pour éclairer nos choix. Nous nous appuyons sur les travaux du CDP, de la TCFD (Task force on climate-related financial disclosure) et des Science based targets. Nous votons bien entendu aux assemblées générales et, lorsque c'est nécessaire, nous envoyons des courriers aux équipes de management. Ainsi, en combinant cette approche à notre politique d’exclusion, nous accompagnons et influençons les entreprises dans leur transition, conformément à l'objet de notre fonds. Bien sûr, nous travaillons aussi au quotidien pour conforter et améliorer notre approche.
Comment faites-vous évoluer votre exposition au marché ?
Nous nous appuyons sur notre équipe d'analystes qui exploite une méthodologie quantitative développée en interne. Cette méthodologie nous permet de définir si l'économie est en phase de ralentissement où d'expansion. En fonction du résultat, nous faisons évoluer notre exposition globale qui peut dès lors varier entre 85 % et 100 % des actifs investis.
Vous souhaitez également donner une dimension solidaire au fonds. Quelle est-elle ?
Avec le co-gérant du fonds, Jean Duchein, nous souhaitons reverser 20 % des frais de surperformance a une association pour l’enfance que nous déterminerons en 2021. Cette initiative nous tient à cœur car elle conforte un peu plus l’objectif sociétal de BDL Transition qui consiste à contribuer à laisser un monde meilleur aux futures générations.