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[Tribune] « Futur de la monnaie »

Fabernovel, expert du conseil en transformation numérique et de la création de produits et de services numériques et Atka, expert en blockchain et cryptomonnaies, publient la nouvelle étude “Futur de la monnaie” sur les cas d’usages de cryptomonnaies locales en réponse à la crise.

« Contrairement à la crise financière de 2008, la crise économique que nous vivons touche l’économie réelle faisant peser des risques particulièrement lourds sur nos petits commerces - elle met en évidence les limites fondamentales de notre système monolithique basé sur les monnaies fiduciaires. Nous voyons dans les monnaies locales portées par les technologies de cryptomonnaies une alternative pour pallier de manière locale les manquements de ce système et recréer de la valeur dans des écosystèmes locaux », annonce Abderrahmane Chaoui, Analyste chez Fabernovel et co-auteur de l’étude.

Vers la fin de la monnaie fiduciaire ?

Les outils de relance économique utilisés par les institutions financières font planer aujourd’hui trois principaux risques sur la population. Un premier risque d’exclusion des populations qui n’ont pas accès aux aides financières : aux Etats-Unis, ce sont le 11 septembre dernier encore 9 millions d’Américains à faible revenu qui n'avaient pas reçu leurs aides (relief check). Le second est le risque d’évaporation des aides, appelé helicopter money, pour rembourser des dettes ou pour épargner : jusqu’à 70% du volume d’aide exceptionnel de la FED aura été détourné de son intention première selon les calculs de The Economist, autant d’argent qui aura été imprimé, distribué, qui devra être remboursé et présage des soucis d’inflation à venir. L’inflation est effectivement, sur le long terme, le troisième risque sur les produits de première nécessité.

Ce problème conjoncturel, qui se présente à chaque grande crise, se caractérise entre autres par la perte de confiance des citoyens envers les Etats et institutions financières. Poussé à l'extrême, cela aboutit à des situations critiques :

  • La différence parfois impressionnante entre le taux de change officiel défini par les institutions publiques et le taux de change du marché noir de la monnaie comme c’était le cas en 2007 au Zimbabwe où les gens étaient prêts à perdre jusqu’à 20x le montant de leur épargne pour essayer d’en sauver une partie.
  • Le refuge que vont trouver certains citoyens dans des économies en détresse comme le Venezuela dont la monnaie (Bolivar) a perdu 98% de sa valeur en 2013 : de nombreux vénézuéliens se sont tournés, pour thésauriser leurs économies, vers les jetons (20 dollars de valeur) du jeu en ligne World of Warcraft.

Cette perte de confiance ne concerne pas uniquement les économies faibles ou les gouvernements corrompus puisque l’on en aperçoit aujourd’hui les premiers signaux faibles dans les sociétés occidentales. Par exemple, la courbe de confiance dans l’administration américaine n’a fait que de chuter depuis 1958 pour atteindre seulement 17% de taux de satisfaction sous D. Trump selon Pew Research. Ces signaux faibles transparaissent aussi dans les choix monétaires des nations. Dans une tentative d'accroître son indépendance politique, la Russie a par exemple décidé de réduire ses réserves de devises étrangères en dollars et de commencer à se retourner vers l’or.

Le rapport Imagine 30 de Deutsche Bank le confirme :
l'inflation peut devenir de plus en plus ancrée dans notre système et qui émet des doutes sur la viabilité de la monnaie fiduciaire.


La monnaie locale comme alternative aux anomalies de la monnaie fiduciaire

Pour pallier ses limites et recentrer le système monétaire sur l’économie réelle, tout un écosystème d’initiatives locales s’est construit en développant notamment des monnaies locales - près de 80 monnaies de ce type existent rien qu’en France majoritairement “low-tech”.

La monnaie Eusko, plus grande monnaie locale d’Europe, a été lancée en 2013 au Pays-Basque pour encourager la population à acheter auprès de vendeurs et producteurs locaux, et renforcer les échanges entre acteurs économiques du territoire. Le sens donné à cette monnaie va encore plus loin puisque les fonds de garantie où les euros sont échangés pour des eusko financent des projets environnementaux et sociaux.

Si certaines monnaies locales existent depuis plus de 10 ans, elles rencontrent encore des problèmes pour se développer à plus grande échelle.

Software is eating money

« Un remarquable écosystème a su se développer ces 10 dernières années autour de la technologie Blockchain. Les cryptomonnaies sont aujourd’hui matures, propices à une utilisation dans l’économie réelle, et peuvent permettre aux monnaies locales de se développer plus largement », analyse Gabriel Rebibo, Co-fondateur de Atka et co-auteur de l’étude.


Le Bitcoin a permis de poser les bases d’une technologie avec 4 caractéristiques fondamentales :

  1. Programmable : l'assurance de pouvoir attribuer les propriétés que l'on désire à une monnaie, pour la rendre particulièrement pertinente à un cas d'usage spécifique. Va de la création de la monnaie, sa circulation et ses restrictions d'usage. Par exemple : une monnaie qui ne servirait qu'à acheter des repas bio auprès de restaurateurs bio.
  2. Décentralisé : l'assurance d'avoir une monnaie résiliente aux chocs systémiques. L'implication renforcée des utilisateurs dans le développement de la monnaie. L'utilisateur joue un rôle actif dans la vérification des transactions, la circulation de la monnaie, etc. Il participe également à sa gouvernance.
  3. Transparence : l'assurance de pouvoir vérifier et suivre l'ensemble des transactions dans une monnaie donnée ainsi que de mesurer et vérifier l'impact de ces transactions. C’est aussi l’assurance que les propriétés de cette monnaie soient respectées (nombre effectif de jetons, conditions d’émission de nouveaux jetons...). Plus de fraude ou de triche possible.
  4. Direct : l'assurance pour les utilisateurs de jouir entièrement de leurs fonds et d'en disposer à leur guise. C’est le retrait du risque d'intermédiation.

Sur ces bases est venue se développer un écosystème de technologies matures avec notamment Ethereum qui a introduit les “contrats intelligents” (“smart contracts”), outils innovants grâce auxquels on peut désormais conditionner un paiement à l'atteinte de certaines conditions prédéfinies, et qui a mis en place des standards permettant de déployer des actifs numériques plus facilement. C’est aussi l’arrivée des blockchains de 3ème génération (Celo,Cosmos, Dfinity…) qui améliorent l’expérience utilisateur et la scalabilité afin d’en démocratiser l’accès.

« Nous avons plus d’une centaine d’entreprises françaises spécialisées dans les actifs numériques avec un écosystème d’ingénieurs de très hauts niveaux pour la création de projets types monnaies locales. L’enjeu aujourd’hui sera surtout de démocratiser ces technologies auprès du grand public », précise Simon Polrot, président de l’Association pour le Développement des Actifs Numériques (ADAN).

En 2017, l’Eusko a lancé une version numérique de sa monnaie qui fonctionne via une application à l’instar des applications bancaires, et dont les transactions se font par un simple QRcode chez les commerçants.

« Le lancement de l'eusko numérique a permis de démultiplier le nombre d’eusko en circulation. De plus, la crise actuelle a renforcé la prise de conscience de l’importance de consommer local, et a fait atteindre de nouveaux records : nous avons franchi la barre des 100,000 eusko de change automatique mensuel (1 eusko = 1 euro). Pour continuer dans cette lancée, il faudra notamment réussir le défi d'ancrer les nouveaux usages numériques dans les réflexes de consommation locale », explique Iban Carricano, responsable communication chez Euskal Moneta lors de la conférence presse organisée par Fabernovel et Atka.

Aujourd’hui, ces actifs numériques donnent la possibilité d’être des instruments d’accompagnement de la relance économique de manière directe et ciblée.

« Une monnaie locale, monnaie dirigée ou crypto monnaie ne saurait à elle-seule relancer une économie globale. Cependant, des mécanismes de monnaies privées destinées à avoir un impact local sur une population cible d'acteurs économiques peuvent s'avérer très pertinents. Et l’utilisation de la blockchain pourrait faciliter leurs processus opérationnels, en supprimant le risque de fraude et de fausse création monétaire par exemple », poursuit Julien Prat, enseignant chercheur au CNRS et à l’ENSAE.

Si nous faisons l’exercice de la fiction, et que nous imaginons le cas où gérants de restaurants et de bars créent un jeton numérique commun. Ce jeton numérique pourrait être acheté en amont par les citoyens pour être utilisé à la réouverture de ces établissements le 20 janvier prochain et ainsi éviter les problèmes de trésorerie qui impactent tout un écosystème pour pouvoir : payer les loyers, maintenir les salaires, payer ses fournisseurs, etc…

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