Par André Spicer, professeur en comportement organisationnel à la Business School
Il s'agit d'une avancée majeure dans la lutte contre la Covid-19 et les experts espèrent qu'un vaccin sera approuvé d'ici la fin du mois.
Outre le défi monumental que représentent la mise en œuvre et la distribution du vaccin, plusieurs obstacles supplémentaires doivent être surmontés avant de voir la lumière au bout du tunnel.
L'annonce d'un vaccin efficace est un signal clair que les chercheurs font des progrès substantiels pour surmonter les défis scientifiques. Cependant, la promesse d'un vaccin met en évidence cinq nouveaux défis :
La fabrication d’une quantité suffisante du vaccin
Cette fabrication implique une augmentation rapide de la production pour créer des millions de doses de vaccin. Le défi de la capacité de fabrication a été partiellement relevé grâce aux fabricants de vaccins qui se préparent ou qui produisent déjà des vaccins. Toutefois, un défi plus important consistera à apprendre comment produire un vaccin et à partager ces connaissances, afin qu’un nombre important de fabricants puissent rapidement passer à une production à grande échelle.
Les fabricants de vaccins ont tendance à protéger leurs connaissances sur les techniques de production car cela leur donne un avantage concurrentiel, mais le partage de ce savoir-faire entre concurrents sera essentiel afin d’augmenter la production.
La logistique face au « défi du dernier kilomètre »
Les chaînes d'approvisionnement qui permettent de conserver le vaccin à très basse température sont essentielles pour qu'il reste efficace.
Un défi pratique dans la conception de cette chaîne d'approvisionnement implique ce qu'on appelle les "défis du dernier kilomètre", qui nécessitent une réflexion approfondie sur la manière dont un vaccin passe du stockage à l'administration. Il est probable qu'il y ait des obstacles imprévus importants à relever pour garantir qu'un vaccin efficace puisse effectivement atteindre les personnes qui en ont besoin.
L’éthique et le modèle de "priorité équitable"
Au moins dans un premier temps, l'approvisionnement en vaccin sera limité. Cela pose une question éthique délicate : qui recevra le vaccin en premier et comment la décision sera-t-elle prise - les personnes qui en ont le plus besoin ou celles qui peuvent se le permettre ?
Les ministres des gouvernements, les PDG d'entreprises ou les célébrités qui reçoivent un vaccin en avance seront-ils accusés de passer avant tout le monde ?
L'accès inégal au vaccin risque de déclencher des conflits publics. Il est donc nécessaire de mettre en place un cadre clairement défini pour l'attribution du vaccin.
L'un des modèles proposés est le modèle de "priorité équitable", selon lequel les vaccins sont d'abord attribués en fonction de la réduction des dommages immédiats pour la santé, puis de la réduction des privations économiques et sociales, et enfin du retour à un fonctionnement normal de la société.
Le message marketing plus facilement compréhensible
L'influence croissante d'un « sentiment anti-vaccination » de plus en plus marqué dans des populations constitue un obstacle pour l'administration massive d'un vaccin.
Les services de santé devront convaincre les gens qu'il est dans leur intérêt de se faire vacciner, ce qui implique de contester les informations erronées, en fournissant des faits facilement compréhensibles et en menant des campagnes de sensibilisation.
Les méthodes employées jusqu’à présent ne semblent pas convaincre les personnes opposées au vaccin. Ce qui semble fonctionner, c'est de formuler les messages dans des termes attrayants pour les gens - sur la pureté et la liberté - et d'utiliser des personnes de confiance (comme les médecins de famille) pour discuter des vaccins, plutôt que de se contenter d'insister sur les faits.
Apprendre à retenir les erreurs
Le défi de l'apprentissage consiste à retenir bon nombre des leçons qui ont été tirées de la crise.
Lorsqu'une crise passe, il est facile pour les organisations et les gouvernements de revenir à la normale et d'oublier les leçons durement acquises en cours de route et de refaire les mêmes erreurs par la suite.
Il est vital que les erreurs commises par les gouvernements et les organisations pendant la crise soient clairement documentées et codées dans la mémoire organisationnelle.
Si les agences de santé publique sont continuellement restreintes et modifiées, elles risquent de perdre une grande partie de cette mémoire.