Niall Gallagher, Investment Director, Actions Europe chez GAM, explique les raisons pour lesquelles il est important de gérer les risques factoriels et en quoi les marchés émergents continuent à jouer un rôle majeur.
Quelles sont les opportunités actuelles sur le marché des actions européennes ?
Beaucoup de choses ont changé en 9 mois. Nous suivons depuis longtemps certaines tendances de long terme. Nombre d’entre elles se sont accélérées avec ce qui s’est passé cette année, et nous pensons que cette accélération va se poursuivre. L’un des éléments de contexte qui ont évolué est le transfert de dépenses du monde hors-ligne vers le monde en ligne. Nous pensons que cela va continuer. Nous constatons aussi que l’Asie s’en sort bien mieux face à cette crise que de nombreux pays d’Europe ou que les Etats-Unis. Le vaste transfert de la consommation mondiale vers la classe moyenne asiatique s’est également accéléré. Le phénomène du télétravail dans son ensemble souligne l’importance de la transformation numérique qui, selon nous, s’est-elle aussi accélérée avec les événements de cette année. Nous avons observé des évolutions dans l’utilisation des paiements numériques par rapport aux espèces : la plupart des gens préfèrent aujourd’hui utiliser une carte ou leur téléphone plutôt que de manipuler des espèces. A cela s’ajoute l’enjeu de la décarbonisation, toujours plus présent ; vous avez sans doute entendu parler de la nécessité de « reconstruire en mieux ». Il semble effectivement que les mesures de politique budgétaire des gouvernements reflètent un désir d’augmenter les dépenses en faveur d’initiatives vertes, de décarbonisation. De notre avis, il s’agit là d’éléments qui étaient puissants depuis un certain temps, mais les événements de ces neuf derniers mois les ont propulsés sur le devant de la scène.
Le Royaume-Uni joue-t-il un rôle important et le Brexit est-il toujours un enjeu ?
Je pense qu’après 4 ans, beaucoup en ont assez du Brexit et souhaitent simplement ne plus en entendre parler. Il y a en réalité beaucoup de stratégies et de politiques à ce sujet mais, au bout du compte, nous nous attendons à ce qu’il y ait un accord. Le cadre de l’accord, je crois, est relativement simple, d’autant qu’une sortie sans accord n’est dans l’intérêt de personne. Nous ne pouvons toutefois pas éliminer cette possibilité, qui compliquerait certainement les choses. Pour autant, nous pensons que la plupart des répercussions du Brexit sur l’économie britannique se sont déjà produites. Nous avons constaté une grosse chute de l’investissement des entreprises au Royaume-Uni ; dès lors, après un accord quel qu’il soit, il pourrait y avoir un rebond. Aussi, puisque nous tablons sur un accord, nous sommes relativement optimistes au sujet du Royaume-Uni.
En quoi une approche sans biais de style est-elle intéressante et que sont les risques factoriels ?
En règle générale, nous sommes indifférents au style. Cela signifie que pour construire un portefeuille, nous pouvons choisir nos titres dans les différentes catégories de styles. Il y a donc des moments où nous sélectionnons des titres dans les valeurs de croissance et d’autres où nous les choisissons parmi les actions de valeur, et cela dépend essentiellement de considérations sur les titres eux-mêmes (approche bottom up), plutôt que sur les catégories (approche top-down). Les facteurs sont primordiaux. Nous les jugeons essentiels pour la diversification, mais aussi pour essayer de mettre en avant et d’accentuer nos compétences dans la sélection de titres. Il est crucial de suivre un processus qui vise à minimiser les risques factoriels et d’éviter de se laisser trop influencer par le style, parce qu’il arrive que les marchés changent de structure. Ce qui les influence évolue, et si vous avez un biais de style trop marqué, cela peut très mal tourner pour vous au moment d’une rotation de style.
Vous intéressez-vous toujours aux marchés mondiaux et, en particulier, aux marchés émergents ?
Aujourd’hui, environ 45% des revenus du marché des actions européennes proviennent d’Europe, et 55% de l’extérieur. Dans ces 55%, presque 40% sont issus des marchés émergents, la plus grande part, de loin, étant constituée par l’Asie hors-Japon, en particulier la Chine. Par conséquent, les actions européennes dépendent des marchés émergents autant que de l’Europe elle-même. Beaucoup d’entreprises sont exposées à certaines des principales tendances structurelles que nous observons. D’autres ne sont peut-être pas influencées par ces mêmes tendances structurelles, mais elles sont intéressantes en elles-mêmes tout en affichant des valorisations faibles. A plus long terme, nous gardons un œil sur d’autres domaines - peut-être certaines compagnies aériennes deviendront très intéressantes lorsque les échanges aériens redécolleront. Bref, il y a beaucoup d’éléments intéressants sur le marché des actions européennes.