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Défaillances d'entreprises 3e trimestre : un niveau historiquement bas…

… mais 3 procédures sur 4 mènent à la liquidation

Décryptage de Thierry Millon, Directeur des études d’Altares.

Selon l’expert d’entreprise Altares, le nombre des procédures est toujours à la baisse et atteint un niveau jamais vu depuis 1989. Mais la proportion de liquidations judiciaires augmente très nettement et touche désormais 3 entreprises en défaillance sur 4, révélant une fragilisation alarmante du tissu économique.

Thierry Million explique : « Malgré un rebond de 16% au 3e trimestre, le PIB reste 5% en-deçà de son niveau d’avant crise. Et pour autant, a l’instar des données qu’Altares relève depuis le début de l’année, les défaillances d’entreprises sont extraordinairement contenues.
Depuis janvier, les tribunaux ont prononcé 24 000 ouvertures de procédures collectives, soit le plus bas niveau de défaillances depuis plus de 30 ans. L’Etat, qui a très tôt mis en place des mesures de soutien (chômage partiel, PGE, report des cotisations et aménagement des règles de cessation de paiement, etc.) a permis aux entreprises de tenir le choc, jusqu’à maintenant.
Plusieurs signaux nous alertent cependant, en particulier la proportion grandissante de liquidations directes, révélatrice d’entreprises qui ont sans doute trop attendu pour se déclarer en cessation. »


Un niveau de défaillances au plus bas depuis trente ans

Le nombre de défaillances augmente cet été par rapport aux mois précédents avec 6 702 procédures comptabilisées. Un niveau qui reste très en-deçà (-35,4%) de ce qui était observé sur la même période en 2019.

Il faut remonter à plus de 30 ans (1989) pour trouver des données aussi peu élevées sur 12 mois glissés (37 500) à fin septembre.

 

Mais la proportion de liquidations judiciaires augmente

Alors qu’elles représentent traditionnellement un peu plus de 2 procédures sur 3 (68,4% à l’été 2019), les liquidations judiciaires concernent au 3e trimestre 2020 plus de 3 entreprises sur 4 (75, 8% des procédures), soit 5 081 sociétés au total.

Une tendance qui indique qu’à l’heure post Covid, les entreprises se présentent devant le tribunal dans des conditions financières ne permettant plus d’envisager une poursuite d’activité.

_________________________ Focus _________________________

 Une baisse en trompe l’œil des liquidations judiciaires

3e trimestre compte 2000 liquidations judiciaires de moins qu’un an plus tôt mais cela traduit-il vraiment une amélioration aussi forte qu’il y parait ? Probablement pas.

Habituellement 60 à 70% des jugements de redressement ou liquidation judicaires sont prononcés sur déclaration de cessation de paiement, soit à l’issue d’une démarche volontaire, initiée par l’entreprise. 30 à 40% des jugements sont à l’inverse déclenchés à la suite de l’assignation d’un créancier (notamment l’URSSAF). Des situations qui mènent dans la très grande majorité des cas à une liquidation judiciaire.

Or, l’adaptation des textes règlementaires relatifs aux entreprises en difficultés durant l’état d’urgence sanitaire écartait notamment toute assignation par un créancier. Depuis, les moratoires restent fortement encouragés limitant le recours à l’assignation.

Si durant l’été 2019, les assignations avaient été suspendues, 30 à 40% des liquidations auraient potentiellement pu être « oubliées », soit environ 2500 procédures. Sur cette hypothèse, les 5 000 liquidations de ce troisième trimestre 2020 seraient alors à comparer aux 4 600 d’1 an plus tôt, soit une augmentation d’au moins 10%. Un train peut en cacher un autre !

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Les grandes PME et ETI ont mieux résisté au 3ème trimestre

Au cours du 2ème trimestre 2020, les procédures concernant les sociétés de plus de 100 salariés bondissaient de 33% pour atteindre 52 défaillances. Ce n’est plus le cas sur ce troisième trimestre.
On comptabilise sur cet été 27 procédures de PME et ETI contre 31 au 3trimestre 2019. Dans ces conditions, le nombre d’emplois directement menacés par ces défaillances est ramené à 26 000 soit 9 600 de moins qu’un an plus tôt et près de 17 000 de moins qu’il y a 3 mois.

Le commerce devient le secteur le plus touché par les défaillances

Au 3ème trimestre 2020, le secteur du commerce s’avère le plus impacté, avec 1 517 défaillances (en baisse de 35,6% vs. 3e trimestre 2019). La construction, qui concentre traditionnellement le plus grand nombre de défauts, connaît quant à elle un très net recul de 42,3% avec 1 447 procédures.

Viennent ensuite les services aux entreprises (964 ; -29,3%) et l’Hébergement-Restauration-Cafés (965 ; 31,2%). L’industrie enregistre quant à elle 423 défaillances (-41,2%).

Si la vue d’ensemble tend à laisser penser que la baisse des défaillances profite à tous, une observation à la loupe des statistiques confirme de nombreux points de tension.


L’analyse des défaillances sectorielles à la loupe

Construction
Défaillances en très net recul sur l’ensemble du secteur,
qu’il s’agisse du gros œuvre comme la maçonnerie générale (-43%), du second œuvre comme les travaux de peinture (- 46%) ou des travaux publics à l’image des travaux de terrassement (-44%).

 

Commerce
Une baisse moins marquée des niveaux de procédures, comme dans la vente de véhicules automobiles (-19%) ou le détail de prêt-à-porter (-23%). Deux activités présentent une forte hausse des défaillances : les librairies (+67%) et le commerce interentreprises de boissons (+23%).

 

Alimentaire
Les dépôts de bilan d’artisans boulangers sont en recul sensible (-47%).
A noter que la procédure ouverte sur les sociétés des abattoirs Arcadie a multiplié par trois le nombre de défaillances dans la transformation de la viande.

Industrie manufacturière  
Des baisses fortes dans la plupart des activités.
La réparation navale est durement fragilisée.

 

Services informatiques
L’amélioration est soutenue en programmation (44%) ou en conseil (-41%), à l’inverse de l’activité de portail internet qui accuse une augmentation de 55%.
En communication, les procédures sont en forte hausse dans l’édition de livres et l’enregistrement sonore.

 

Transports routiers
Le fret affiche une nette baisse des défauts ce trimestre (-48%), dans l’interurbain comme en transport de proximité.
La situation est tendue en revanche dans le transport de voyageurs.

 

Services aux entreprises
De fortes disparités entre les activités de conseil de gestion (-40%), de relations publiques (-3%) et de design (+14%). Dans les services administratifs, le nombre des défaillances recule dans les activités de nettoyage de bâtiments (-54%) et de sécurité (-44%) mais augmente sur les activités de photocopie et préparation de documents (+17%) et plus encore sur les agences de voyages dont le nombre de procédures a plus que triplé ce 3ème trimestre.

 

Services à la personne
Les coiffeurs enregistrent 19% de défaillances en moins mais l’entretien corporel (sauna, hammam, jacuzzi…) subit à l’inverse une augmentation de 10%.

 

Restauration
La restauration traditionnelle (-32%) ou rapide (-37%) comme les débits de boisson (-31%) affichent des améliorations sensibles sur an. En revanche, la situation se tend dans l’hébergement (+6,6%) notamment en hôtellerie, hébergement touristique et camping.


L’Etat encore en soutien pour éviter l’explosion des défaillances

Conclusion de Thierry Millon : « Ces chiffres traduisent mal l’incertitude qui prévaut en cette fin d’année. Les obstacles à la poursuite des activités n’ont pas disparu mais ils ont été contenus pour permettre aux entreprises de reprendre leur élan.

L’Etat l’a bien compris en prolongeant ou en élargissant l’assiette de certains dispositifs, par exemple le renforcement des soutiens aux entreprises impactées par les nouvelles restrictions sanitaires (fonds de solidarité, activité partielle, report des charges). On a aussi en tête la prolongation de l’indemnisation à 100 % de l’activité partielle pour les secteurs « protégés » comme l’événementiel, la culture, le voyage ou le sport. Ajoutons à cela le plan de relance de 100 milliards d’euros présenté par M. Lemaire début septembre. Ces efforts sont importants et nécessaires pour permettre à nos entreprises d’être au rendez-vous du redémarrage de l’activité en 2021.

Une explosion des défaillances est redoutée par beaucoup dès ce dernier trimestre 2020. Mais en réalité, alors que l’économie n’aura pas encore pansé toutes ses plaies, c’est davantage sur le premier semestre 2021 - à la croisée des chemins de la reprise très gourmande en liquidités, et des premières échéances des Prêts Garantis par l’Etat à rembourser au printemps - que l’heure de vérité pourrait sonner. »

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