Après une rencontre avec la Coface et la Société Générale qui pourraient garantir et financer le projet nucléaire de Kaliningrad en Russie via le financement export de turbines d'Alstom, les Amis de la Terre et Greenpeace dénoncent les risques (économiques, corruption, droits humains, gestion des déchets) de ce projet à dimension géopolitique qui fait l'objet d'une forte opposition locale. Ils demandent à l'Etat et à la Société Générale de tirer les leçons de Fukushima et d'abandonner leur double discours en renonçant à ce projet immédiatement, comme l'a déjà fait BNP Paribas.
Annoncé en 2008, le projet de centrale nucléaire de Kaliningrad, situé dans l'enclave russe entre la Pologne et la Lituanie, a été lancé officiellement en 2010 et Rosatom a débuté les travaux sur le site l'an dernier. Présenté comme devant répondre à la demande croissante d'électricité locale, ce projet est en fait d'abord et avant tout géopolitique et destiné à pénétrer le marché de l'énergie européen en revendant sa production aux pays limitrophes. Or, ces pays sont opposés au projet et refusent d'importer cette électricité, mettant en exergue les risques économiques du projet.
Le projet fait également l'objet d'une forte opposition locale, comme l'explique Vladimir Slivyak, de l'association Ecodefense, en visite à Paris cette semaine : « La majorité de la population locale est opposée au projet depuis ses débuts, 67 % selon un sondage réalisé en 2007. Notre opposition avait conduit à un premier abandon du projet avant qu'il ne soit remis sur la table en 2008. Nous sommes totalement mobilisés contre le projet depuis et avons demandé à quatre reprises l'organisation d'un référendum local, en vain. Certains d'entre nous ont même été empêchés de participer aux consultations de l'Etude d'Impact Environnemental (EIE) par les autorités locales et l'entreprise Rosatom en 2009 ». Cette EIE pose par ailleurs de multiples problèmes : elle n'a pas traité sérieusement les alternatives possibles à cette centrale nucléaire, que très partiellement la problématique des déchets nucléaires, et pas du tout la question du démantèlement et des impacts d'un accident nucléaire majeur ; elle n'a enfin pas été soumise aux populations des pays limitrophes pourtant toutes proches (10 kms pour la Lituanie).
C'est pourtant ce projet qu'envisagent aujourd'hui de garantir l'Etat français via la Coface, et de financer la Société Générale, via le financement export de turbines d'Alstom, comme l'explique Sophia Majnoni, chargée de campagne nucléaire pour Greenpeace France : « Quand on ajoute les risques de corruption omniprésents en Russie et le fait que le design de ces réacteurs n'ait pas été analysé par une autorité de sûreté indépendante dans l'Union européenne, on comprend que le gouvernement français pratique un double discours sur les leçons à tirer de Fukushima et promeut une sûreté à deux vitesses pour des raisons politiques. En exportant le risque nucléaire à l'étranger dans un pays qui a déjà connu la catastrophe de Tchernobyl, une garantie de la Coface sur ce projet serait le meilleur symbole de cette incohérence ».
Yann Louvel, référent de la campagne sur la responsabilité des acteurs financiers aux Amis de la Terre, conclut : « Nous avons rencontré la Coface et la Société Générale hier et leur demandons de renoncer à ce projet immédiatement. Le projet ne respecte en effet pas les critères mentionnés dans la politique sectorielle de cette banque sur le nucléaire. Les risques sont tels que d'autres acteurs financiers ont déjà renoncé à ce projet comme BNP Paribas : l'Etat et la Société Générale doivent tirer les leçons de Fukushima et suivre leur exemple. »