Le commentaire est signé Steeven Zouari, Sales Trader chez CMC Markets France
Après quelques soubresauts (passagers) quant aux intentions de la politique monétaire de la Fed, il y a deux semaines, c’était au tour de la Banque Centrale Européenne de rassurer les marchés. Sans surprise, l’institution européenne conserve une politique accommodante, maintenant son principal taux directeur à un niveau historiquement bas, à 0,75%. Certains acteurs du marché estimaient que Mario Draghi devait faire plus encore, en abaissant davantage les conditions de financement, alors que la zone euro se dirige tout droit vers une année supplémentaire de récession - la Commission Européenne estime le recul du taux de croissance du PIB à -0,3% en 2013 - et des indicateurs avancés pointant vers une détérioration de l’activité.
Mais en dépit d’un environnement macroéconomique poussif en Europe, Mario Draghi a notamment salué le retour de la confiance sur les marchés financiers (en témoigne la vigueur boursière des indices U.S.). Il est vrai que même les incertitudes politiques italiennes, pourtant conséquentes au point d’annihiler toute gouvernabilité à court terme, n’ont pas suffi à déstabiliser les marchés. Preuve que la sensibilité des investisseurs aux aléas politiques ou économiques est bien moindre qu’il y a quelques trimestres. De fait, le président de la BCE reste convaincu que la normalisation du système financier européen est en marche, largement soutenue par les programmes de LTRO qui ont porté leurs fruits. Les liquidités avancées par la BCE aux établissements bancaires pour garantir leur solvabilité sont d’ailleurs en passe d’être remboursées. Deux-cent-vingt milliards ont déjà été remboursés par anticipation, permettant à la BCE de retrouver une taille de bilan plus adéquate.
Objectivement, la politique monétaire non conventionnelle de la BCE, qui coïncide notamment avec l’arrivée de Mario Draghi à sa tête, a sans conteste contribué à l’apaisement des marchés, via une détente significative des taux d’emprunts souverains en Europe. Le dégonflement des courbes de taux en quelques mois a rendu certaines émissions (espagnole, italienne ou portugaise) bien plus fréquentables qu’auparavant sur les marchés obligataires. Toutefois, l’impact sur l’économie réelle (autrement dit la microéconomie et l’activité des ménages) des injections massives de liquidités par les banques centrales, n’est pas tout à fait avéré. La transmission de ces liquidités des établissements bancaires vers les agents économiques est encore enrouée. Ce qui incite donc logiquement Mario Draghi à maintenir des conditions monétaires accommodantes, afin de stimuler le crédit aux entreprises dans les prochains mois.
Conséquences immédiates sur les marchés, un statu quo est prévisible sur le Forex concernant la parité EUR/USD. Dans un contexte de « guerre des changes », la Fed et la BCE viennent toutes deux de prolonger leur dispositif, de nature à affaiblir leurs monnaies respectives. Dès lors on peut s’attendre à ce que l’EUR/USD évolue peu significativement à court terme (autour de 1.31 USD aujourd’hui, l’euro a relativement peu progressé sur les cinq dernières séances / +0,25%).
Sur les marchés actions, le signal envoyé par Mario Draghi aujourd’hui sera nécessairement apprécié des investisseurs. C’est déjà le cas, puisqu’après l’annonce de la BCE, les principaux indices européens confortent leurs gains engrangés depuis une semaine (Cac 40 : +0.42% aujourd’hui, +1.79% depuis une semaine). Les marchés actions ne sont décidément pas encore prêts à s’affranchir de la précieuse perfusion octroyée par les banques centrales !