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Les quatre enseignements de la crise du Covid-19 pour l’investissement durable et responsable - 4ème  volet

Il n’est plus nécessaire de mentionner à quel point un « simple » virus aura eu un impact majeur aussi bien par son ampleur géographique que par son ampleur entre et au sein des secteurs économiques.

Suite à son importance et la multitude d’activités qu’il touche, des recherches détaillées apparaissent déjà sur des activités et secteurs précis de l’économie mais aussi sur les comportements sociaux et psychologiques. Ces études tentent également de mettre en avant certains scenarios d’après Covid-19. Il y est question des bouleversements opérés alors que d’autres tendent à croire qu’avec la reprise et la relance, tout redeviendra comme avant.

Qu’en est-il pour l’investissement durable et responsable ? Tendance structurelle pour certains ou vent en poupe pour d’autres, déjà avant le confinement. Qu’attendre de son évolution, de son éventuelle adaptation et de sa performance au sens global du terme ?

Via une série d’articles, Ophélie Mortier, responsable de la stratégie ISR chez DPAM, abordera les quatre thèmes suivants :

  1. Le développement durable est un objectif à poursuivre par toutes les entreprises indépendamment des cycles économiques et des marchés financiers. Lire ICI
  2. L’investissement durable et responsable doit reposer sur une approche holistique où l’humain et l’environnement sont au centre des préoccupations. Lire ICI
  3. La reprise économique ne sera durable que si toutes les différentes parties prenantes prennent leur responsabilité et ce pour tous. Lire ICI
  4. Les avancées réglementaires, qui avaient accéléré ces deux dernières années, sont ralenties mais pas nécessairement moins ambitieuses.

Leçon numéro 4 : un ralentissement éventuel des avancées réglementaires pouvant mettre en péril les ambitions internationales

Devons-nous craindre un ralentissement des progrès enregistrés ces dernières années en faveur de l’investissement responsable suite à la publication des nombreux reports de grandes rencontres telles que la COP 26 ? Il faut, en fait, distinguer les progrès réalisés en matière de réglementation de l’investissement durable et responsable des progrès en matière de réglementation verte ou sociale, plutôt destinée aux entreprises et aux pouvoirs publics. De même, qu’il faut distinguer les ambitions européennes des ambitions internationales.

La visibilité actuelle au sujet de la poursuite des efforts internationaux pour la lutte contre le changement climatique n’est pas prometteuse. Comme indiqué dans notre épisode précédent, la Chine a fait marche arrière sur ses avancées environnementales afin de retrouver un rythme de croissance le plus rapidement possible. Les avancées des Etats-Unis dépendront probablement davantage des progrès des Etats fédéraux que des ambitions de leur chef d’Etat. Quant à l’Europe, le constat est mitigé. D’une part les déclarations se sont succédées pour maintenir le Pacte Vert (Green Deal) au cœur de la reprise. D’autre part, le soutien de la BCE et son programme de rachat d’obligations ne semblent pas différer des programmes réalisés sous le mandat du précédent président Mario Draghi. Ces derniers avaient été fortement contestés comme étant à l’encontre des objectifs environnementaux et climatiques de l’Union européenne.

En ce qui concerne la réglementation des investissements durables, la taxonomie de la Commission européenne est toujours bien d’application et la dernière directive sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers aura des impacts importants sur le déploiement de l’intégration des facteurs ESG.


Le Pacte Vert, au cœur de la reprise économique de l’Union Européenne

Le 28 novembre 2019, le Parlement européen a publié sa déclaration sur l’urgence climatique. Cette déclaration a été suivie en décembre 2019 par les conclusions du Conseil européen pour un objectif de neutralité climatique de l’UE d’ici 2050. La Banque Européenne d’Investissement a publié le 14 novembre 2019 sa dernière stratégie d’investissement en s’engageant à aligner ses activités de financement sur les objectifs de l’Accord de Paris et ce dès 2020. Avec notamment la programmation de la fin de ses investissements dans les projets liés aux énergies fossiles dès 2021. Il faudra être attentif afin de s’assurer que le soutien offert par la BCE aux entreprises et à l’économie pour la reprise après Covid n’annule pas les effets poursuivis par la BEI. Avec d’une part une banque d’investissement européenne qui exclut certaines pratiques et activités économiques alors que ses confrères subsidient les mêmes activités au nom d’assurer la reprise économique.

Au niveau de la Commission européenne, le Pacte Vert vise cet objectif de neutralité climatique à 2050 et appelle à une rehausse des ambitions climatiques de l’Union. Liée à cette ambition, la Commission a émis sa stratégie renouvelée en matière de finance durable. Cela s’inscrit en termes de suivi ambitieux des 10 actions du Plan d’Action pour une finance durable de 2018 et l’implémentation partielle de son Pacte Vert.

Aujourd’hui, les détails du Pacte Vert restent encore peu connus mais comme souligné dans notre article de janvier dernier « le Pacte Vert », son impact sera important pour l’ensemble des secteurs économiques. Rappel de ces quatre grands axes :

1/ Fixation d’un prix de carbone pertinent et d’un mécanisme d’ajustement des émissions importées et exportées 2/ L’adoption d’une loi climatique européenne visant la neutralité climatique en 2050 
3/ L’implémentation d’objectifs de décarbonisation plus ambitieux à 2030 (de 40% de réduction des émissions carbone par rapport aux niveaux observés en 1990, la Commission les rehausse à 50/55% minimum) et
4/ La promotion d’une économie circulaire notamment le projet « de la Ferme à la Fourchette » pour le secteur agro-alimentaire.

Les investissements à réaliser pour assurer ces objectifs sont importants et doivent également inclure l’investissement dans le développement des compétences requises. Ceci afin d’assurer la reconversion professionnelle de certains sous-secteurs et activités pour une transition juste. Il est évident que les besoins financiers dépassent la capacité du secteur public à y répondre, et surtout dans le contexte actuel de crise. De plus, ces investissements doivent se faire sur un horizon de 5 à 10 ans maximum sinon le manque d’investissement et le retard cumulé ne feront qu’aggraver la situation et augmenter les financements nécessaires.


Taxonomie et autres réglementations pour plus d’intégration ESG

Les besoins de financement de la transition énergétique sont importants. Parallèlement aux augmentations progressives des ambitions climatiques de l’Union européenne, ces besoins augmenteront également de sorte que le secteur public ne pourra y répondre seul. La crise du Covid-19 a montré l’urgence de la question du climat et de la biodiversité avec des conséquences sociales majeures. Elle a également démontré à quel point l’investissement durable et responsable a plus que jamais besoin d’un langage clair et commun pour supporter sa croissance structurelle.

Tous les acteurs de la place reconnaissent la complexité des approches, le manque de cadres et de standards et dès lors la grande confusion pour les investisseurs, quels qu’ils soient.

Un reporting amélioré des entreprises, incluant des métriques extra-financières pertinentes et cohérentes, est une étape clé dans l’évolution de l’intégration des facteurs ESG. Aujourd’hui, plusieurs initiatives tentent d’y répondre comme le SASB, le GRI ou encore les recommandations TCFD. Si ces initiatives peuvent aider les praticiens de la finance responsable, leur diversité contribue à renforcer la confusion des différents standards et approches pour les investisseurs. La Taxonomie de la Commission européenne peut-elle répondre à cette problématique ?

L’initiative de la Commission Junckers a été fortement critiquée, à juste titre. Bien qu’elle se défende de ne pas vouloir classer ce qui est vert et ce qui ne l’est pas, elle fournit cependant aux entreprises une sorte d’indicateur de référence pour se mesurer vis-à-vis de leur « conformité » d’alignement aux critères verts définis par la Taxonomie. Ainsi, les entreprises vont être poussées à prendre des mesures afin d’optimiser leur score de conformité dans le but de se trouver parmi les

élues des flux d’investissements. Ces flux étant jugés supérieurs pour les entreprises à haut coefficient de conformité taxonomie. Un parallèle peut être établi avec la situation des empreintes carbone des entreprises et des portefeuilles d’investissement. Ainsi, bien que l’unanimité des utilisateurs reconnaisse les faiblesses des mesures quantitatives des émissions carbone des entreprises, la pression de calculer cette empreinte carbone (notamment poussée par des réglementations comme l’article 173 en France) a conduit d’une part aux indices bas carbone, dorénavant également réglementés au niveau européen et d’autre part aux stratégies d’optimisation de décarbonisation des portefeuilles. A l’instar de ces dernières, des approches d’investissement visant à optimiser le score d’éligibilité à la Taxonomie européenne vont voir le jour avec leurs avantages et leurs défauts.

La taxonomie verte n’est pas une réglementation à destination exclusive des produits verts. Tous les produits financiers sont concernés et doivent répondre de leur alignement avec les deux objectifs environnementaux définis : l’adaptation et la mitigation du changement climatique. Mais aussi de leur impact potentiellement négatif vis-à-vis d’autres objectifs environnementaux sur lesquels la Commission travaille au niveau de la taxonomie.

Elle peut même, premièrement, avoir un impact sur la gouvernance des entreprises et leur stratégie par la remise en question de certaines activités du business. D’autre part, elle est susceptible d’affecter le processus- de fusions et acquisitions possibles avec l’acquisition d’activités à haut alignement avec la taxonomie de manière à rapidement améliorer son taux d’alignement par croissance organique.


Cette taxonomie se met également au service de la stratégie renouvelée en matière de finance durable qui vise à :

- Renforcer les fondements de l’investissement durable. C’est-à-dire le doter d’un cadre favorable avec les outils et structures nécessaires à son développement sain ;
- Accroitre les possibilités d’impact positif en mobilisant notamment les financements verts et
- Intégrer et gérer les risques climatiques et environnementaux dans l’écosystème financier.

Renforcée par la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers, cette stratégie impacte fortement toute la chaine de valeur de l’investissement aussi bien au niveau des processus opérationnels que de support.

La réglementation à venir - et dans un avenir proche - vise à réduire le greenwashing et à diriger les flux d’investissements vers les projets durables et verts mais porte également un risque de reporting excessif et de surcharge administrative pour l’ensemble des acteurs. Il sera dès lors pertinent de se pencher cet automne sur les résultats attendus de l’étude de marché lancée par la Commission européenne portant sur une meilleure transparence du marché des outils d’évaluation de la durabilité auprès des fournisseurs et intermédiaires au travail.


Le mot de la fin

Nous l’avons souligné au fil de nos 4 épisodes : la tendance vers l’investissement durable et responsable est structurelle. Amorcée depuis plusieurs années, la réglementation d’une part ainsi que la crise sanitaire ont confirmé sa résilience aux marchés volatils et la durabilité de sa performance. Et d’autre part, elles accélèrent cette transition vers une finance plus durable, une économie appauvrie en carbone, une croissance inclusive où l’humain prend toute sa place dans le respect de son environnement.

Il est grand temps de se doter des moyens à la hauteur de nos ambitions ; des ambitions très faiblement ébranlées par la pandémie et qui restent fortes au niveau européen, du moins.

Le manque de coopération internationale a été épinglé lors de la crise de la pandémie à un moment où les urgences climatiques et sociales la réclament plus que jamais. Cette coopération n’est pas requise au niveau international uniquement mais au niveau de toutes les parties prenantes : les gouvernements, les banques centrales, les entreprises, les investisseurs et les actionnaires.

Les autorités gouvernementales n’ont pas uniquement un devoir de soutien et relance économique mais un devoir de préparer l’avenir. C’est-à-dire la durabilité de la croissance et de l’essor économique mais également l’avenir de la population. Cela commence par un investissement dans l’éducation, s’assurer que le secteur ne soit pas - une fois de plus - la victime des restrictions budgétaires et qu’il réponde également aux enjeux d’aujourd’hui et de demain. Il passe ensuite par l’investissement dans les formations pour assurer la reconversion des hommes et des femmes adaptées à une transition énergétique juste et équitable. C’est bien cela l’investissement durable et responsable. Bien au-delà de rapporter sur une myriade d’indicateurs d’impact, de données métriques au nom de la sacré sainte transparence - même si le besoin d’un langage et de standards communs soit criant -, il s’agit de financer les entreprises, les secteurs et les activités qui ont embrassé le concept de la gouvernance des parties prenantes et ont identifié les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance qui nous entourent comme des risques potentiels et surtout des opportunités certaines.

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