Par Charles Delingpole, PDG et fondateur de ComplyAdvantage
Personne ne sait à quoi s'attendre dans l'économie post-COVID-19, mais les secteurs de la fintech et de la regtech semblent bien partis pour s'en sortir grâce à une stratégie fondée sur le « numérique avant tout ».
Avant que le COVID-19 ne mette l'économie mondiale à l'arrêt ou presque, les marchés connaissaient une période de croissance depuis 11 ans. C'est au moment de la crise financière mondiale de 2007 que les entreprises de la fintech ont commencé à voir le jour et à connaître une croissance exponentielle à l'ère des start-ups.
Personne ne s'attendait à ce que la pandémie punisse aussi sévèrement l'économie, du moins pas au début. Mais malheureusement, une économie paralysée affaiblit la trésorerie et affecte gravement les entreprises, surtout lorsqu'elles fonctionnent avec une marge d'erreur ou de retard réduite au minimum.
Certaines entreprises de la fintech se sortent relativement bien de la crise et les fournisseurs de paiements et de transferts de fonds profitent tout particulièrement d’une économie socialement distante où les liquidités ne sont plus utilisées, même si l'argent liquide fait toujours partie intégrante du tissu de l'économie souterraine.
Les fintechs restent en mesure de proposer leur éventail complet de services à distance. Avant la pandémie, elles n'avaient que des coûts d'exploitation légers et pas de locaux à assumer. Ce confinement a joué en leur faveur si bien que beaucoup sont parvenues à s'en sortir.
Cependant, toutes les fintechs ne peuvent pas en dire autant, loin de là. En effet, la valorisation de certaines d'entre elles a diminué tandis que d'autres ont dû licencier massivement. Cela concerne principalement les entreprises au contact direct des clients à l'instar des banques traditionnelles. Malgré cela, elles se portent toujours relativement bien par rapport à d'autres catégories d'entreprise.
Fintechs et regtechs sont plus efficaces en termes de résilience et de planification de la continuité de l'activité que la plupart de leurs concurrents fonctionnant de manière traditionnelle. Il leur est d'ailleurs beaucoup plus facile de poursuivre leur activité grâce à leurs collaborateurs qui travaillent depuis chez eux. Certaines entreprises se demandent même s'il est nécessaire de dépenser autant d'argent dans des bureaux, même s'il est probable que beaucoup d'entre elles conserveront tout de même un environnement physique avec un siège social.
Pour les start-ups et les entreprises de plus grande envergure qui optent massivement pour le travail à distance, cela démontrera leur créativité au marché, même s’il est légitime de se demander comment fonctionnera concrètement la collecte de fonds à distance si tous les acteurs-clés participant à ces conversations seront physiquement distants.
Il est probable que le développement de l’activité des fintechs se poursuive pendant encore un certain temps. Quelle que soit la forme de la reprise économique, une reprise en V est idéale et il serait bon pour toutes les entreprises que l'économie puisse rebondir rapidement. Cependant, une reprise en U est plus probable étant donné les commentaires de dirigeants économiques et politiques comme le ministre britannique des finances et du trésor Rishi Sunak.
Le pire scénario serait une reprise en W, où un retour rapide à la « normale » serait compromis par de nouveaux confinements liés à une deuxième vague de la pandémie. On ne sait pas encore si les entreprises ont la capacité de résister à ce genre de choc économique.
Quelle que soit la manière dont la reprise économique se fera, il sera intéressant de voir si les fintechs parviendront ou pas à conserver leurs nouveaux clients une fois que les confinements et quarantaines auront pris fin et que les services physiques seront à nouveaux disponibles.
Les investisseurs sont un facteur qui explique largement pourquoi les fintechs et les regtechs réussissent dans cet environnement. De nombreuses start-ups et scale-ups sont conçues pour fonctionner à perte. Elles perdent de l'argent au profit d'une croissance écrasante. Et les investisseurs soutiennent autant que possible ces entreprises.
En effet, nombreux sont les capital-risqueurs à avoir compris que les fintechs et les regtechs constituent le bon choix sur le long terme. Ces entreprises sont confrontées à leur première crise, mais elles sont également florissantes pour la plupart d'entre elles et elles restent en mesure de servir leurs clients. Elles sont le choix à long terme et elles se révèlent, dans une certaine mesure, imperméables à la crise.
Malheureusement, les nouvelles ne sont pas toutes bonnes. Les fusions et les acquisitions, les introductions en bourse et les levées de fonds sont les moyens traditionnels de sortir du statut de start-up et d'obtenir des investissements. Il est peu probable que cela se produise dans un avenir proche, l'activité de fusions-acquisitions ayant déjà ralenti depuis avril 2020 tandis que les introductions en bourse seront probablement reportées à 2021 dans la mesure où la fenêtre pour 2020 est en train de se refermer. Même s'il y aura probablement encore quelques introductions en bourse majeures concernant des entreprises plus établies et dans le cadre d'enjeux régionaux, il est probable que seules quelques rares sociétés feront leur entrée sur le marché japonais dans un avenir proche, pour ne prendre que l'exemple de l'Empire du Soleil levant.
Si bien que les entreprises qui cherchaient à fusionner ou à entrer en bourse auront tout le temps d'améliorer leur produit avant de pouvoir changer de peau. Mais si leurs investisseurs les soutiennent, ces entreprises pourront alors se maintenir à flot jusqu'à la prochaine fenêtre d'introduction en bourse raisonnable.
Les entreprises de la regtech ont un avenir prometteur. Les prestataires de services traditionnels font l'objet de critiques plus sévères de la part des professionnels qui opèrent de longue date sur le secteur de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. En effet, comme le marché donne de plus en plus la priorité à la vitesse, à la souplesse et à la configurabilité des plateformes de filtrage et de supervision des transactions notamment, les regtechs plus petites et plus innovantes sont avantagées dans ce domaine.
La seule chose qu’une regtech doit éviter est de se faire racheter par une entreprise plus grosse qu’elle. Cela s'est produit à plusieurs reprises ces dernières années, mais comme évoqué plus haut, il est peu probable qu'il y ait beaucoup d'autres acquisitions cette année, hormis quelques rachats qui feront les gros titres.
L'impact réel de la récession qui se profile est largement fonction de la durée, de l'intensité et de l'ampleur du ralentissement. La plupart des entreprises qui ont quelques années d'activité à leur actif, des liquidités en banque et des investisseurs compréhensifs pourront probablement survivre à un choc court et brutal.
Les investisseurs ne se retireront peut-être pas des projets en cours, mais ils y réfléchiront à deux fois avant de s'engager dans de nouveaux projets. Il est donc probable que certaines des plus jeunes entreprises soient pénalisées au cours des 18 prochains mois. Cependant, la tendance est toujours à l'investissement dans la croissance, avec 27,4 milliards de dollars investis d'ici mai 2020 alors que 80,6 milliards de dollars ont été investis en 2019 contre seulement 33,1 milliards de dollars investis en 2017 dans des entreprises offrant des opportunités de croissance à l'échelle mondiale.
Alors que l'année 2020 est plus qu'à moitié écoulée et que les investisseurs sont impatients d'augmenter leurs bénéfices, des investissements surprenants vont probablement se produire sur des marchés comme la regtech où les entreprises ont l'obligation réglementaire de se procurer des services appropriés.
La lutte contre le blanchiment d'argent et contre la fraude ainsi que l'identité numérique sont autant de domaines clés pour les investisseurs. En raison de l’accélération de la numérisation, en partie due à la pandémie mondiale, les marchés vont rechercher et exiger des produits axés sur le numérique pour lutter contre la criminalité financière. Cette situation ne fera que se confirmer avec toujours plus de transactions effectuées en ligne.
Plus la récession sera longue, intense, étendue et volatile, plus elle risque de faire disparaître toutes sortes d'entreprises plus anciennes et traditionnelles. Nous n'avons aucun moyen de savoir à quoi ressemblera la récession, ni si, au Royaume-Uni et en Europe par exemple, elle sera impactée par d'autres événements, tels qu'un Brexit sous la forme d'un retrait sans accord d'ici la fin de l'année. Mais nous entrons là dans le domaine des prévisions météorologiques à long terme, un exercice ô combien difficile.
Cependant, une chose est sûre. Malgré les bouleversements, les fintechs et les regtechs qui auront su démontrer à leurs clients à quel point il est devenu incontournable d'utiliser les nouvelles technologies s'imposeront et sortiront de la récession en se positionnant devant leurs concurrents.