Par Charles-Emmanuel Berthout, responsable relations investisseurs chez ClubFunding et Julia Calderoli, notaire à Paris
Une succession implique souvent la transmission de biens immobiliers, de contrats d’assurance-vie et de portefeuilles de titres. Quid des investissements en crowdfunding ? Ceux-ci n’étant pas centralisés dans des registres nationaux, c’est au notaire de les identifier pour en assurer la transmission aux héritiers.
Lorsqu’un décès survient, la succession patrimoniale (au-delà de 5.000€) est toujours prise en charge par un notaire. Celui-ci a pour mission de réaliser l’inventaire de l’actif et du passif de la personne décédée de manière à valoriser son patrimoine, calculer les frais de succession et procéder à la transmission des biens aux héritiers.
En ce qui concerne les actifs financiers, le notaire s’appuie notamment sur les informations que peuvent lui fournir les héritiers et sur la consultation des registres nationaux (FICOVI et FICOBA), ces derniers centralisant les contrats d’assurance-vie et les comptes bancaires ouverts au nom du défunt. A ce jour, aucun registre centralisant les investissements en crowdfunding n’existe.
Une révélation possible grâce à l’étude des comptes bancaires
A défaut de registre existant ou de testament mentionnant les investissements, le placement en crowdfunding pourra être révélé dans la succession si le défunt a prévenu, préalablement à son décès, ses héritiers de l’investissement qu’il a effectué. Les héritiers informeront le notaire chargé de la succession, qui prendra alors lui-même contact avec la plateforme de crowdfunding concernée pour d’abord avertir la plate-forme du décès de l’investisseur et lui transmettre l’acte de notoriété mentionnant les héritiers, puis obtenir des informations sur le montant prêté et les intérêts dus au jour de l’ouverture de la succession. Si les héritiers n’ont pas été informés de cet investissement, l’opération pourra le cas échéant être révélée par la consultation du compte bancaire du défunt-bénéficiaire, sur lequel figure la perception des intérêts versés mensuellement.
Une intégration dans le calcul des frais de succession
Les prêts en crowdfunding sont traités dans la succession comme des actifs mobiliers. Les titres obligataires sont un actif de succession. Pour le calcul des frais de succession, ils sont valorisés à leur valeur nominale augmentée des intérêts éventuellement dus au jour du décès, et ce comme le seraient des actifs obligataires classiques détenus sur un compte-titre.
En outre, il convient de préciser qu’une opération de crowdfunding étant un prêt à échéance non liquide, les héritiers ne peuvent pas en demander le remboursement anticipé. Les sommes seront remboursées selon les termes initialement prévus, soit sur le compte dédié à la succession, soit sur les comptes des héritiers. L’attente nécessaire avant le remboursement des titres n’est pas bloquante pour procéder à la liquidation de la succession, qui peut bien sûr être traitée avant que les titres soient remboursés en numéraire et en tout état de cause au plus tard dans les six mois du décès.
Dans le cas où l’investissement aurait été fait sur une plateforme étrangère, le traitement fiscal de la succession dépendra du pays d’établissement de la plateforme de crowdfunding, du dernier domicile du défunt ainsi que de l’existence ou non d’une convention fiscale entre la France et le pays d’établissement de la plateforme.
Un autre cas particulier peut exister si les titres du prêt sont concernés par une opération de démembrement. Cette situation peut survenir si le conjoint survivant opte pour une partie ou pour la totalité de la succession en usufruit, tandis que la nue-propriété a été transférée aux descendants. Dans ce contexte, lors du décès du conjoint survivant, la pleine propriété des titres reviendra aux descendants. L’usufruit s’éteint alors et les nus-propriétaires deviennent pleins propriétaires.
En somme, même si des solutions existent dans chaque situation, la leçon à retenir pour les investisseurs en crowdfunding est de toujours penser à prévenir ses héritiers de l’existence de ces investissements pour simplifier au maximum les démarches des ayants-droits en cas d’imprévu. Il est même possible de désigner nommément un bénéficiaire des investissements via des dispositions testamentaires, même si ce cas de figure est rare du fait que les investissements en crowdfunding constituent des placements de court terme. Mais lorsqu’il est question d’argent, on n’est jamais trop prudent.