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Il y a du cash dans les caisses des entreprises européennes et françaises,…

…mais est-ce vraiment un signe de bonne santé financière ?

Euler Hermes, acteur mondial de l’assurance-crédit, s’est penché sur l’état de la trésorerie des entreprises européennes et françaises, après une période de confinement qui fut éprouvante pour l’ensemble des agents économiques. Il en ressort que l’épargne nette des entreprises non-financières européennes devrait s’établir à 700 Mds€ à la fin du S1 2020. Une somme qui représente 4,5% du PIB de la zone euro, et qui a doublé par rapport au S2 2019. Pour la France, l’épargne nette des entreprises non-financières est estimée à 75 Mds€ au S1 2020 (après 28 Mds€ au S2 2019). Une somme importante, mais qui reste bien inférieure au niveau constaté en Allemagne (125 Mds€ au S1 2020 après 59 Mds€ au S2 2019).


Fort niveau d’épargne des entreprises n’est pas synonyme de bonne santé financière

Comment expliquer un tel niveau de cash alors que la trésorerie des entreprises semble être plus fragile que jamais ? A chaque crise, les entreprises renflouent leur trésorerie pour faire face à la baisse attendue de la demande. Ce fut le cas en 2009, avec une hausse de l’épargne nette des entreprises européennes de l’ordre de +25%, et cela sera encore le cas en 2020. Pour y parvenir, les entreprises européennes et françaises ont pu cette année compter sur 3 leviers :

- un recours plus fort à l’emprunt, favorisé par la liquidité fournie par les Banques Centrales et par la mise en place de dispositifs étatiques de soutien au crédit bancaire dès de le début de la crise relative au Covid19 ;
- les mesures de soutien public appliquées par les Etats, comme le décalage des taxes ou le recours au chômage partiel ;
- la prudence des entreprises : face à l’incertitude de la situation, celles-ci décalent leurs investissements, réduisent leurs charges fixes, baissent leurs dividendes, et dans certains cas arrêtent de payer leurs fournisseurs.

Ana Boata, Directrice de la recherche macroéconomique chez Euler Hermes, analyse : « Ces trois sources d’épargne pour les entreprises ne sont pas durables. Ces leviers compensent temporairement la baisse de la demande relative à une crise, mais leur effet dans le temps est limité. Les mesures publiques de soutien finiront par s’arrêter et les entreprises vont faire face à une hausse mécanique des charges fixes. De plus, les entreprises pourraient se montrer désormais plus frileuses à contracter davantage de dette, étant donné que leur niveau d’endettement a fortement augmenté depuis 2009 (+40 points du PIB) et que leur croissance et leur rentabilité resteront en-dessous des niveaux d’avant-crise au moins jusque fin 2021. Ainsi, cette hausse de l’épargne nette des entreprises européennes ne doit pas être perçue comme un indicateur de bonne santé financière des entreprises, mais plus comme un pare-feu qu’elles se sont constituées pour résister face à la crise. »


Une prudence grandissante qui laisse entrevoir un accroissement du risque d’impayés

Cette prudence des entreprises témoigne d’une forte incertitude quant aux perspectives de reprise de la demande, et pose une question essentielle : seront-elles enclines à libérer cet excès de cash quand la situation économique européenne sera stabilisée ?

« Nous estimons que l’épargne nette des entreprises européennes devrait réduire au S2 2020, du fait de l’interruption progressive des dispositifs de soutien public et du rebond mécanique des coûts fixes (salaires notamment). Toutefois, le niveau d’épargne nette des entreprises européennes restera élevé cette année : il s’établira à 280 Mds€ fin 2020, soit +100 Mds€ par rapport à la fin de l’année 2019. Les entreprises européennes devraient mettre du temps à retrouver de la confiance, et nous pensons qu’elles continueront de garder un matelas de liquidité destiné à les protéger », prévoit Ana Boata.

C’est en Allemagne (114 Mds€), au Royaume-Uni (109 Mds€), en Espagne (111 Mds€) et en France (66 Mds€), que l’épargne nette des entreprises restera la plus élevée fin 2020.  Pour compenser l’arrêt des mesures publiques de soutien et la hausse des coûts fixes à venir, Euler Hermes craint que les entreprises jouent sur le levier du crédit fournisseur en allongeant leurs délais de paiement, tout en réduisant leurs investissements fixes. Une décision qui serait lourde de conséquences, et qui pourraient engendrer une forte recrudescence des défaillances d’entreprises au regard de la fragilité structurelle de la trésorerie des entreprises en zone euro.

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