La propagation de l’épidémie du Covid-19 a plongé la France et le monde entier dans une crise sanitaire et économique sans précédent. Aucun secteur d’activité n’a été épargné y compris l’immobilier. Pour vous aider à y voir plus clair, les experts CBRE vont tenter de répondre chaque semaine aux interrogations soulevées par cette crise dans le secteur immobilier.
Analyse par les experts de CBRE France : Amandine Dumont, Directeur Executif du Conseil aux Utilisateurs et Olivier Cros, Directeur Workplace Strategy
Cette crise a agi comme un révélateur dans de nombreux domaines. En matière d’organisation du travail, elle a prouvé notre capacité à travailler différemment, notamment au travers du télétravail qui génère désormais moins de réticence de la part de certains managers qui en avaient initialement.
Selon Olivier Cros : « Sur cette question, la crise nous a fait gagner 5 à 10 ans. Nous assistons vraisemblablement à une mutation sociétale vers de nouveaux modes de travail significativement hybrides, mariant de manière encore plus accrue le virtuel et le physique, le présentiel et le distanciel. La réflexion sur notre façon d’occuper les locaux et de les aménager en est le corollaire inéluctable, même si elle doit être considérée dans une échelle de temps plus longue, de l’ordre de 12 à 18 mois, avec une période intermédiaire propice aux tests et au prototypage. »
Cette période complexe s’inscrit de fait comme un accélérateur de changements, révélant une grande agilité et adaptabilité des entreprises et de leurs salariés. Si le télétravail a fait ses preuves, le besoin d’échanges, de rencontres et de collaboration, en particulier comme vecteurs de créativité et de cohésion se fait aussi sentir et plaide en faveur du bureau. C’est notamment ce qui ressort des workshops réalisés par les équipes de CBRE auprès d’un échantillon de décideurs immobiliers en avril. Destinés à accompagner les entreprises dans les perspectives et les transformations profondes de l’immobilier au-delà de la crise immédiate provoquée par le confinement, ces workshops ont notamment permis de mettre en avant quelques enseignements durables :
L’humain au cœur du changement
Pour tous les décideurs interrogés, la crise a d’abord été révélatrice de la solidarité et de l’engagement des équipes. Plus que jamais, l’humain est au cœur des réflexions, et la culture d’entreprise un levier clé pour accompagner l’implication et la motivation des équipes.
« Critère essentiel d’attractivité avant la crise, et témoins de la culture d’entreprise, l’immobilier, les espaces et les modes de travail le seront plus encore après, incarnant le lien entre l’entreprise et ses salariés », affirme Amandine Dumont.
Un équilibre entre le bureau physique et le télétravail doit notamment permettre de conserver l’ADN de l’entreprise tout en fidélisant les collaborateurs et en maintenant le lien social. Pour cela, le bureau devra être un véritable lieu d’échanges, flexible et résilient. La RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) qui s’inscrivait hier dans l’équilibre entre vie personnelle et professionnelle prend alors tout son sens aujourd’hui.
Le bureau, a « place to meet » plutôt que « place to work » ?
« Plus que jamais lieu de "socialisation", le lieu de travail doit être repensé. On constate d’ores et déjà un effet de balancier entre la réduction des besoins en termes d’espaces de bureaux classiques compte-tenu de la pérennisation partielle du télétravail escomptée d’un côté, et l’augmentation des besoins liés aux enjeux sanitaires (distanciation) de l’autre », poursuit Amandine Dumont.
Couplé à la question des transports, cet enjeu vient remettre en cause le modèle d’un siège social unique, et plaide, pour certains, en faveur d’une multiplication et d’une dispersion des sites de plus petites surfaces. Les enjeux sanitaires sont, de fait, venus conforter les enjeux environnementaux et il apparait désormais indispensable de repenser la localisation des lieux de travail à proximité des lieux d’habitation et de consommation. Les entreprises vont devoir challenger leurs modèles en tenant compte des nouveaux enjeux.
Quelle transformation pour les espaces de travail ?
« La virtualisation des échanges entre les équipes est en réalité la transformation majeure de la période que nous venons de vivre. Au-delà du seul télétravail, elle remet en cause la temporalité et la géographie du travail, et à moyen ou long terme, implique des bouleversements majeurs pour l’organisation des entreprises. Mais elle ne signifie pas la disparition du bureau physique, bien au contraire. Elle invite les entreprises à véritablement penser les usages et les services nécessaires du travail ‘au bureau », conclut Olivier Cros.
Se dessinent alors de grandes tendances en matière d’aménagement : la nature des espaces change avec moins de bureaux, mais des espaces de créativité, de rencontre et de convivialité, plus attrayants et plus collaboratifs. Et corollaire indispensable, une infrastructure IT et des outils digitaux performants, permettant un télétravail de qualité, la diminution des réunions physiques et des déplacements professionnels non utiles. Reste la question des services en entreprise, qui doivent eux aussi être repensés pour accompagner ces évolutions : Restauration, Conciergerie, ...
Penser le lien entre les usages, les espaces et les services sera indispensable pour appréhender l’avenir et le « new normal ».