L’ensemble des acteurs l’attendait, les résultats le confirment : la chute des investissements en capital-risque en France en cette fin de premier trimestre a bien eu lieu et elle frappe fort.
Retour sur les tendances de la dynamique d’investissement au 1er trimestre 2020 avec le Baromètre In Extenso Innovation Croissance, spécialiste du conseil en management de l’innovation, réalisé en collaboration avec l’Ecole Universitaire de Recherche ELMI de l’Université Côte d’Azur.
Les efforts de janvier mis à mal par le choc du mois de mars en France
Avec seulement 2 semaines de confinement, le mois de mars 2020 a enregistré un recul de 37% du nombre de ses opérations en comparaison à 2019. De sorte que la belle dynamique initiée par un mois de janvier exceptionnel, au cours duquel 625 M€ avaient été levés, soit 52% de plus qu’en 2019, ne suffit à soutenir que de manière très temporaire l’activité du marché.
En effet, les reculs successifs des montants levés au mois de février (-12%) puis mars (-23%) impactent fortement la performance de l’écosystème dont le total des investissements ne prend que 4 points par rapport à 2019, malgré le dynamisme du tout début d’année. A titre de comparaison, le premier trimestre 2019 enregistrait une augmentation de 81% de ses montants levés par rapport au premier trimestre 2018.
Un périmètre d’investissement sécurisé et concentré
Seul indicateur au vert, le ticket moyen des opérations grimpe de 11% sur le trimestre et de 15% au mois de mars. En cause, le recul brutal du nombre d’opérations mais également la forte concentration d’opérations d’envergure auprès d’entreprises matures, présentant des business models solides et en capacité de maintenir le cap de leur feuille de route en temps de crise.
Effet miroir de cette concentration, les jeunes pousses annonçant des tours inférieurs à 1 M€ ont suscité peu d’appétit de la part des fonds en ce début d’année. Le nombre d’opérations inférieures à un millions d’euros a chuté de 14% en comparaison à 2019 avec une accélération au mois de mars (-38%).
La tendance est la même en Europe où seules les opérations de plus de 50 M€ évoluent à la hausse (+20% au premier trimestre) tandis que celles inférieures à un million perdent 52% au mois de mars. Moins de maturité, davantage de signaux faibles face à la crise du marché, plus de risque pour les investisseurs.
La France au ralenti, à quelques exceptions près
Dans un contexte de ralentissement généralisé des investissements au 1er trimestre 2020 (-10% d’opérations sur la période), certaines régions montrent toutefois des signes forts de résilience. Particulièrement dynamique au cours de l’année 2019, la région Auvergne-Rhône-Alpes voit le nombre de ses levées de fonds multiplié par deux en comparaison à 2019. Une performance qui détone face au recul manifeste observé en région Provence-Alpes-Côte-d’Azur qui perd 58% d’opérations en comparaison au premier trimestre 2019. Le poids de la crise se fait toutefois sentir sur la performance du mois de mars au niveau régional : sur 27 levées en région AURA sur la période, seules 5 ont été opérées au mois de mars, soit mois de 20% du total. Idem, en Région PACA, 75% des opérations portent sur les 2 premiers mois de l’année.
Malgré la mobilisation des acteurs de la French Tech dès les prémices de la crise, l’impact sur l’écosystème est instantané et exacerbe les disparités sur le marché en favorisant des phénomènes de concentration. Les stratégies d’investissement au second trimestre devront être scrutées et analysées finement dans les prochaines semaines pour dessiner les nouveaux contours du marché du capital-risque en France.
« La crise sanitaire n’aura pas épargné le marché du capital-risque qui porte les stigmates de la chute brutale des opérations au mois de mars. Si la performance du tout début d’année permet de maintenir une certaine stabilité des montants investis, la concentration des investissements sur des opérations d’envergure et des entreprises matures, accentuée en mars, fait bouger les lignes et vient souligner la posture de prudence des fonds en cette période exceptionnelle. Le trimestre à venir devrait préciser les nouvelles règles du jeu sur le marché du capital-risque en Europe », souligne Patricia Braun, Présidente associée d’In Extenso Innovation Croissance.
« Cette analyse suggère que cette crise risque d’avoir des impacts très différenciés selon les régions et les secteurs d’activité, comme l’attestent déjà les chiffres très contrastés du 1er trimestre », ajoute Patrick Musso, Directeur de l’Ecole Universitaire de Recherche ELMI.