Tribune d’Emmanuel Stanislas, fondateur de Clémentine, cabinet de recrutement du digital et de l'IT.
La distance imposée à toutes les équipes durant l'épidémie de Covid-19 contraint les managers à réévaluer leurs certitudes et méthodes. Et si le management présentiel n'était pas un modèle indispensable à la performance ? Que nous apprennent deux mois de confinement à ce sujet ?
Seule méthode envisageable durant la pandémie, le management à distance s'est mis en place sans réel accompagnement, renforçant les craintes professionnelles. L'activité pourra-t-elle se poursuivre ? L'équipe va-t-elle rester unie ? Avec quels résultats ? Comment à la fois rassurer, motiver et s'assurer de l'engagement de chacun dans un contexte sans précédent ? Les managers ont été mis à l'épreuve, et particulièrement ceux d'entre-eux ayant à prendre des décisions exceptionnelles tout en coachant leurs équipes déstabilisées.
Une autre image du collaborateur « au travail »
La proximité est un « impensé » du management tant la présence physique des collaborateurs va de soi (puisque même les équipes distantes ont la possibilité de se rencontrer ponctuellement). Les qualités managériales requises en période de distanciation sociale sont-elles les mêmes qu'exercées dans la proximité physique ? Peut-on, par exemple, manifester les mêmes exigences à distance ? Quelles nouvelles réalités surgissent ? C'est ce qu'ont dû découvrir les professionnels dans l'urgence, invités soudainement (en visio) dans l’intimité de leurs collaborateurs et/ou clients ; c'est-à-dire dans leur décor personnel, dans leurs vêtements « civils », pas toujours rasés de frais, et avec parfois les enfants passant en arrière-plan ! La vision quotidienne du collaborateur « au travail » a été subitement bouleversée, mais aussi fortement humanisée.
Un manager-coach plus humain donc plus efficace ?
Il se peut que cette perception nouvelle ait favorisé une meilleure compréhension des difficultés de chacun (isolement familial, solitude, espace restreint, etc.), aidant certains managers à mieux coacher leurs équipes et personnaliser leurs directives. Le management a dû aussi reconnaître l'importance des échanges informels en termes de cohésion : les moments de convivialité et anecdotes privées font désormais partie de la routine en lieu et place d'une recherche d'efficacité optimale dans les échanges. La plus grande surprise pour certains managers étant que... tout fonctionne. On s'attendait au pire et il s'avère que les équipes restent engagées et motivées. Au point qu'une vraie question se pose : y-a-t-il une réelle urgence à se retrouver à nouveau ensemble et/ou selon un même rythme quotidien ?
Et si la distance devenait la norme ?
Il ne faut pas mésestimer l'influence de la crise sanitaire actuelle sur les comportements futurs des professionnels et des entreprises. Sommes-nous à la veille d'une réforme des fonctionnements, intégrant la distance sociale comme un facteur à prendre en compte ? Faudra-t-il former les managers en ce sens ? Les chasseurs de talents devront-ils évaluer plus finement encore la capacité des candidats à créer et maintenir du lien ? En l'absence de certitudes quant à la possibilité d'une seconde vague épidémique, il est prudent d'anticiper. Puisque le management à distance peut être indispensable (bien que vécu différemment selon les profils, les organisations et la nature de l'activité), organiser un retour d'expérience à grande échelle s'avèrerait précieux ; notamment pour les entreprises qui hésitent à faire confiance aux candidats ne souhaitant pas quitter leur région car réticentes au management non présentiel.
Et si ce modèle s'avérait à terme tout aussi performant ?