Décryptages de Tim Grange, Directeur zone Asie, groupe Stelliant, et Rajàa Aouina, Directrice des Risques Financiers, Stelliant Expertise Entreprise.
Vitesse de propagation du virus d’un pays à l’autre et au sein des populations, politiques gouvernementales différentes selon les dirigeants, rupture de continuité d’activité des entreprises du fait de la baisse de la demande et d’un manque de main-d’œuvre, échec des négociations sur le prix du pétrole …
Face à l’ensemble de ces constats, la réaction des marchés est sans appel :
- Le CAC 40 perd 1 800 points pour s’élever à 4 230 points le 2 avril, soit une baisse de l’ordre de 40%, avec des disparités fortes selon les valeurs, certaines se révélant plus résistantes que d’autres
- Les bourses européennes ont connu leur plus forte chute depuis plus de 30 ans, oscillant selon les pays entre -10 et -17% au plus bas du cours.
- Les valeurs refuges (immobilier, or) réagissent de manière inhabituelle et très négative à la crise, du fait notamment du confinement gelant les transactions immobilières et affectant la production et le transport du métal jaune.
- Les devises refuges (Franc Suisse, Yen Japonais…) ont connu un pic de valeur face au dollar US aux alentours du 10 mars avant de retrouver un cours plus « stable » mais la volatilité reste élevée.
- Le prix du baril de pétrole a touché son plus bas niveau depuis des décennies sur des marchés qui ne cessent de baisser depuis des semaines, malgré une remontée attendue sur les cours du mois de juin.
L’inquiétude générée par l’incertitude quant à la gravité de la pandémie et son impact sur l’économie a moyen ou long terme devrait conduire à des comportements « de panique » semblables à la réaction constatée lors de la crise des subprimes et plus particulièrement suite à la faillite de Lehman Brother en Septembre 2008. Ce comportement, facteur endémique aux marchés financiers, aggrave les effets des baisses drastiques d‘activité industrielle et de service.
Se pose alors la question de la réaction des épargnants qui n’auraient pas pris les devants en réorientant leur stratégie d’investissement, subissant l’effet amplificateur de la réaction « de panique » des autres investisseurs. Certains de ces épargnants, notamment ceux utilisant des produits dérivés avec effet de levier, vont devoir faire face à des « appels de marge » importants afin de sécuriser leur position sur le marché. Ne pouvant faire face à ces « appels de marge » des épargnants anxieux vont alors couper leur position à un moment particulièrement défavorable et ils seront alors confrontés à des moins-values significatives pouvant aller jusqu’à la perte de leur capital investit en cas de placements non sécurisés. Un scenario similaire à celui de la fin 2008 semble donc très probable.
Les institutions financières, banques / asset managers / courtiers et autres intermédiaires, doivent s’attendre à des réactions démultipliées de leurs clients, alléguant au mieux d’un défaut de conseil pour ne pas avoir alerté sur le risque et préconisé des mesures de prudence, au pire de défaut de gestion dans les investissements réalisés pour le compte de clients qui seraient non conformes à leurs habitudes ou leur profil de risque.
Les assureurs seront alors confrontés à deux problématiques principales :
- Déterminer le bienfondé de ces réclamations, au regard du mode de gestion des comptes des clients et de leur profil de risque, en sachant que certaines valeurs qui avaient pu être jugées comme sécurisées auront pu être impactées par la crise
- Evaluer l’impact en déterminant quelles auraient été les performances financières des portefeuilles clients en l’absence de défaut de conseil ou défaut de gestion, dans un contexte inédit de crise sanitaires transformée en crise financière.
Ainsi, seules l’efficacité des mesures de soutien aux marchés financiers que pourraient mettre en place les gouvernements, ou une sortie de crise rapide du fait de la validation d’un vaccin, pourraient permettent de limiter les impacts.