« L’absence de contreparties écologiques ferait courir un risque économique et financier majeur à notre société, et pas seulement au climat ! », explique Alain Grandjean, économiste et président de la Fondation Nicolas Hulot (FNH). Cette dernière appelle en effet le gouvernement et les députés à demander des contreparties écologiques aux entreprises bénéficiaires des 20 Mds€ qui seront votés lors du PLFR.
Une telle dépense publique est nécessaire pour éviter une casse sociale majeure, mais celle-ci doit permettre d'entamer une redirection majeure dans les activités des entreprises concernées. Elle doit aussi rester cohérente avec les engagements climatiques et énergétiques de la France, qui sont inscrits dans la loi et donc contraignants.
La FNH appelle les parlementaires à voter deux amendements :
- L’amendement N° 361, présenté par Matthieu Orphelin et 41 autres parlementaires qui obligerait les entreprises recevant une partie des 20 Mds€ de soutien à mettre en place, un bilan carbone sur les scopes 1,2 et 3, de prendre une trajectoire de réduction de gaz à effet compatible avec la SNCB et de mettre en place dans les 12 mois une stratégie interne de réduction de leur empreinte écologique.
- L’amendement N° 248, présenté par Delphine Batho qui chargerait le Haut Conseil pour le climat d’émettre des recommandations via l’Etat actionnaire sur la mise en conformité des stratégies des entreprises soutenues avec les objectifs climatiques et environnementaux de l’Accord de Paris.
A l’inverse l’amendement porté par Bérangère Abba (N° 443) soutenu par le gouvernement et la majorité, ne permet pas d’apporter les garanties suffisantes puisqu’il se limite à des engagements en matière de RSE.
Pas d’argent public sans contrepartie
Si la préservation de ces entreprises contre tout risque de faillite ou de rachat agressif est nécessaire, l’absence de contreparties et de conditions environnementales, en plus d’accélérer la crise climatique, fait peser un risque économique et financier supplémentaire sur ces entreprises, leurs salariés et l’ensemble de la société. Il est indispensable par exemple que les entreprises concernées adoptent explicitement des plans d’investissement et des perspectives compatibles avec nos engagements climatiques. En ne faisant pas coïncider les stratégies de développement des entreprises avec la réalité des risques de ce siècle - pandémie, changement climatique, guerre pétrolière - on augmente la probabilité et l’amplitude d’une perte de valeur brutale de ces entreprises.
Selon Alain Grandjean, économiste, membre du Haut Conseil pour le climat et président de la Fondation Nicolas Hulot : « les dépenses publiques majeures que nous allons engager maintenant doivent impérativement rendre nos économies plus solides : ne pas demander aux entreprises de faire évoluer leur modèle, c’est s’exposer à des crises bien plus lourdes de conséquences économiques et sociales que celles que nous vivons aujourd’hui. »
Le transport aérien : LE cas emblématique
Le cas d’Air France est emblématique. Si l’après Covid-19 est construit une fois de plus sur l’objectif d’un doublement du nombre de passagers en quelques années, alors, nous n'aurons pas tiré les enseignements de cette crise. En cas de nouvelle pandémie, de tensions sur le prix du baril ou de choix politique - ou sociétale comme en Suède - de limiter au nom du climat l’usage de l’avion, les investissements réalisés ne seront pas rentabilisés et par conséquent les investisseurs, attirés par la promesse initiale, tourneront le dos à l’entreprise.
En science économique, on parle d’actifs échoués. En souvenir de la crise financière de 2008, on pourrait parler d’actifs pourris. Pourris par manque d’anticipation, de lucidité, de volonté de regarder la réalité en face. Les salariés de ces secteurs méritent des perspectives réalistes qui placent leur industrie au cœur des enjeux de ce siècle.