Tribune de Anne-Claire Barberi, Responsable RSE et Innovation chez PERIAL
La crise du Covid-19 amène à tirer des enseignements sur les stratégies d’investissement et à réfléchir encore plus fortement sur leur dimension ESG dont la déclinaison sur le secteur immobilier est particulièrement sensée.
Dans cette période de grande incertitude, l’investissement responsable est-il la réponse appropriée pour retrouver à la fois le chemin de la performance financière et de l’impact positif sur l’environnement et la société ? Malgré le faible recul pour démontrer solidement une corrélation positive entre résilience des fonds lors des crises et fonds engagés dans une démarche ESG, il convient de se pencher sur cette question.
En effet, les fonds ESG semblent mieux se comporter dans les phases de baisse des marchés que les fonds conventionnels, un fait démontré notamment par Morningstar, le spécialiste de la recherche en investissement.
En attendant l’établissement d’un label ISR pour les fonds immobiliers qui devrait être publié prochainement, on peut en effet estimer qu’en matière d’investissement immobilier, les acteurs adoptant une démarche ESG sont mieux armés pour résister face aux crises. L’engagement d’un investisseur en immobilier doit plus que jamais se concentrer sur les caractéristiques du bâtiment, sa capacité d’évolution et son potentiel d’adaptation aux risques (climatiques, sanitaires, sécuritaires etc.). Dès la phase de préacquisition, l’analyse ESG doit être l’occasion non seulement de mieux connaître l’actif considéré, mais également de s’accorder collectivement sur le poids des critères ESG dans la décision d’investissement. Pour cela, l’accès à des données fiables est crucial, et au-delà des informations propres à l’actif (parfois incomplètes), de nombreuses plateformes d’open data sont des sources précieuses d’information qu’il convient d’intégrer dans l’analyse. Des outils comme ceux développés par l’Observatoire de l’Immobilier Durable sont également des références pour le secteur.
Au-delà de la phase de préacquisition, la connaissance des informations liées aux actifs, à leur exploitation et à leur utilisation est nécessaire pour faire évoluer les performances ESG d’un patrimoine. En premier lieu, suivre et analyser les données de consommation d’énergie est un prérequis, qui se renforce d’autant plus avec la publication récente du « Décret Tertiaire », le décret de loi portant sur l'obligation d'amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments tertiaires. Mais un effort important est encore à fournir pour les autres sujets : eau, déchets, biodiversité, empreinte carbone etc. sans parler des thématiques sociales et de gouvernance qui sont pour la plupart encore mal maîtrisées. C’est pourquoi entretenir des relations de confiance avec les locataires et les équipes d’exploitation est nécessaire.
La confiance entre investisseurs et locataires, un élément clé de la résilience
Au-delà de la qualité intrinsèque du bâtiment, la proximité avec les locataires permet de créer des liens précieux dans la durée. Avec la crise actuelle qui frappe durement des pans entiers de l’activité économique et met en difficulté de nombreuses entreprises, connaître ses locataires et leur proposer des solutions sur mesure permet à la fois de les aider à surmonter leurs difficultés et d’envisager une relation post-crise plus sereinement.
Ces liens étroits s’entretiennent tout au long de l’année par une sensibilisation des locataires autour du développement durable, ce que favorisent par exemple les « comités verts », ces réunions organisées dans le cadre de l’annexe environnementale au bail. Un moment privilégié pour anticiper les évolutions réglementaires et partager les bonnes pratiques.
Côté investisseur, l’expertise des équipes à disposition des locataires est également clé pour aligner performance environnementale et performance financière. Identifier des actions efficaces et à fort retour sur investissement, adaptées aux usages des locataires, tout en modulant les conditions d’exploitation et de maintenance des bâtiments est un levier puissant. Mais sa mise en œuvre nécessite un véritable savoir-faire en matière de collecte et d’exploitation des données utiles afin de prendre les décisions d’investissement les plus pertinentes.
Plus globalement, la pandémie en cours peut être aussi l’occasion pour les professionnels du secteur de s’interroger sur ses fondements et d’en tirer quelques enseignements. L’urbanisation grandissante favorisent l’érosion, voire la destruction des habitats naturels et des réserves de biodiversité, sujet aujourd’hui encore mal connu et qui pose de nombreuses questions. Face à ce constat, comment peuvent agir les investisseurs de la sphère immobilière ? Commencer par comprendre, connaître, protéger et améliorer la biodiversité à proximité des sites de son patrimoine.
L’investissement responsable, c’est avant tout une démarche d’humilité : prendre des décisions - en acceptant de ne connaître que partiellement le présent et encore moins le futur - qui visent à réduire les impacts négatifs et à créer puis à augmenter les impacts positifs de l’immobilier sur son écosystème. Il s’agit enfin d’anticiper autant que possible les crises qui ont une probabilité croissante de survenir et d’affecter physiquement et financièrement son patrimoine.