Tribune de Jean-Francois Lucq, directeur de l’ingénierie patrimoniale de Banque Richelieu France
Il est fréquent qu’au bout d’un certain nombre d’années, un portefeuille de valeurs mobilières recèle de fortes plus-values latentes, incitant son détenteur à ralentir les arbitrages, pour éviter un frottement fiscal trop élevé.
Diverses stratégies d’optimisation viennent alors à l’esprit.
Ainsi, lorsque le portefeuille constitue un bien personnel d’un des époux, ce qui est le cas dans les régimes de communauté légale pour les portefeuilles reçus des ascendants par donation ou succession, ou ce qui est le droit commun dans les régimes de séparation de biens, il est possible de procéder à une donation des titres au profit de l’autre époux.
En effet, comme pour les donations aux descendants, cette libéralité a pour conséquence de rehausser le prix de revient fiscal, et d’effacer la plus-value latente à due concurrence. Deux remarques doivent toutefois être exprimées à ce stade. D’abord, le patrimoine transmis devient un bien propre de l’époux bénéficiaire. Les réinvestissements postérieurs à la cession de ces titres resteront des investissements personnels de ce seul époux. En effet, s’il utilisait les capitaux pour les dépenses courantes du ménage, une incrimination sur le terrain de l’abus de droit aurait de fortes chances d’aboutir. Par ailleurs, cette stratégie ne concerne que les portefeuilles de taille modeste. En effet, cette donation entre vifs, au-delà d’un abattement de 80 000€, sera taxable aux droits de donation, avec un barème de droits très proche de celui afférent aux donations aux descendants.
En fonction de l’âge des époux, ceux-ci peuvent alors préférer s’orienter vers un legs au conjoint lors de la succession, le conjoint bénéficiant d’une exonération de droits de succession ; cette stratégie est possible à condition que ce legs ne porte pas atteinte à la réserve héréditaire des descendants.
Si cette dernière stratégie est efficiente en matière d’effacement de la plus-value, elle l’est moins en matière de droits de succession. En effet si le conjoint survivant a récupéré les titres en pleine propriété, ceux-ci constitueront un actif de droit commun de la seconde succession.
Dans ce cas, une parade consiste sans doute à apporter les titres reçus par legs à une société civile translucide, l’apport prenant la forme d’un apport à titre onéreux, avec pour contrepartie la création au passif d’un compte courant d’associé. Le capital, symbolique, de la société civile, sera donné aux descendants, avec un coût marginal en termes de droits de donation.
Chaque année, les revenus et gains réalisés par la société civile ne seront pas distribués aux associés, mais serviront à rembourser partiellement le compte courant d’associé, l’ascendant utilisant les capitaux en cause pour assurer le maintien de son train de vie.
Sous la double condition d’une durée de vie conséquente du conjoint, et d’une bonne rentabilité des capitaux investis, les descendants se trouveront à terme propriétaires d’une société patrimoniale largement, voire totalement désendettée, qui ne leur aura rien coûté en termes de droits de donation.