Par David El Nouchi, cofondateur de ClubFunding.
Cette année sera résolument européenne pour les acteurs de financement participatif avec l’adoption prévue d’un règlement unique. Si le texte peut leur ouvrir les portes du marché européen, il imposera un abaissement du seuil pour les plateformes françaises et une protection accrue du consommateur.
Un accord politique pour le futur règlement unique sur le crowdfunding
Deux ans après la présentation par la Commission européenne du plan d’action consacré aux fintechs, le statut des plateformes de financement participatif semble sur le point d’évoluer. Fin décembre, le Parlement européen et la présidence finlandaise du Conseil sont parvenus à un accord politique sur un futur règlement unique.
Le vice-président de la Commission chargé de l’économie, Valdis Dombrovskis, a salué cet accord et rappelé que le crowdfunding représente « une source importante de financement alternatif pour de nombreux entrepreneurs et start-up européens innovants ». Cette avancée s’inscrit dans la volonté européenne de devenir un centre mondial pour les fintechs. Si le texte est voté (1er semestre 2020), il viendra créer un passeport européen pour les plateformes en facilitant leurs activités transfrontalières. L’ensemble du marché européen leur sera ouvert dès lors qu’elles auront été agréées dans un État membre de l’Union.
Cet accord doit désormais être soumis au Parlement et au Conseil pour une adoption définitive durant le premier trimestre 2020. Si le règlement est adopté, une période de transition de 12 mois s’ouvrira pour les régulateurs nationaux, à la suite de quoi les plateformes auront 6 mois pour se conformer aux nouvelles exigences européennes.
Un abaissement du seuil pour les plateformes françaises… aux conséquences relatives
Une période de transition bienvenue compte-tenu des nouveautés apportées par le texte qui créera le statut d’European crowdfunding service providers (ECSP). Les plateformes françaises devront ainsi adopter ce nouveau régime en lieu et place de leur actuel statut d’Intermédiaire en financement participatif (IFP) ou de Conseiller en investissement participatif (CIP).
La principale conséquence de cette harmonisation pour les plateformes tricolores réside dans l’abaissement du seuil de collecte. Alors que le plafond pour les CIP était de 1 M€ par projet sur 12 mois à sa création en 2014, il a progressivement été relevé jusqu’à 8 M€. Le futur règlement européen devrait pour sa part fixer un seuil de 5 M€ par émetteur (et non pas par projet) sur 12 mois glissants.
L’abaissement de ce seuil représente un recul objectif pour les plateformes françaises. Cependant, l’accord politique signé en décembre dernier a retenu le seuil de 5 M€ contre 1 M€ prévu initialement par la Commission européenne. Cette relative avancée est également à mettre en perspective avec le montant moyen de collecte en France.
Selon le dernier Baromètre du crowdfunding publié par FPF et le cabinet Mazars portant sur 2019, ce montant atteignait pour les obligations 721 852€ et, pour les prêts rémunérés, 403 763€. A titre d’exemple, la plateforme ClubFunding affiche un montant moyen emprunté de 643 801€ début 2020. De quoi laisser une marge de manœuvre aux plateformes françaises.
La protection du consommateur, valeur cardinale du texte
Au-delà de l’abaissement du seuil, c’est bien la protection du consommateur qui est au cœur de cette harmonisation. Le futur règlement opère en ce sens une distinction entre investisseurs sophistiqués et investisseurs « non-sophistiqués » ou « non-aguerris ».
Ces derniers bénéficieront d’un niveau d’information plus élevé. Ils seront soumis à un test de connaissances et davantage alertés sur les risques de pertes encourus. Ils seront avertis en cas d’investissement supérieur à 1 000€ par projet ou 5% de leurs actifs et bénéficieront d’un délai de rétraction de 4 jours.
En outre, les plateformes devront présenter un document d’information 7 jours avant le début de la collecte recensant les risques financiers encourus et les critères de sélection du projet. Rappelons que les plateformes sont déjà familières de ce type de communication et doivent aujourd’hui présenter un Document d’Information Réglementaire Synthétique (DIRS) à chaque ouverture de collecte.
En somme, le règlement unique bénéficiera à la fois aux fintechs du secteur et aux consommateurs.