Alors que le marché est déjà impacté par les recommandations du HCSF, l’épidémie de Coronavirus pourrait également avoir un effet. Depuis quelques semaines, le taux d’emprunt d’Etat à 10 ans est de nouveau en territoire négatif, et la baisse des cours boursiers pourrait inciter les investisseurs à privilégier l’immobilier comme valeur refuge. A condition que les banques continuent à prêter pour soutenir le dynamisme du marché, les volumes de crédit étant depuis le début de l’année en forte hausse par rapport à 2019.
Vousfinancer fait l’analyse du contexte actuel et le point sur l’impact potentiel pour les emprunteurs.
Les taux d’emprunt d’Etat au plus bas depuis 5 mois…
C’est l’un des impacts économiques indirects du Coronavirus : depuis le 22 janvier, les taux d’emprunt d’Etat français, comme ceux d’autres pays européens excepté l’Italie, sont retombés en territoire négatif pour atteindre le 2 mars -0,31% pour l’OAT 10 ans, un niveau inédit depuis début octobre 2019. L’explication : dans le contexte actuel d’instabilité boursière et sanitaire, les investisseurs privilégient les placements considérés comme non risqués, tel quel les emprunts d’Etat des pays peu impactés, qui voient ainsi leurs taux diminuer. Par ailleurs, les incertitudes sur les conséquences économiques de l’épidémie devraient inciter la BCE à poursuivre sa politique de taux accommodante et contribuer ainsi au maintien des taux bas.
Si la baisse des taux d’emprunt d’Etat se poursuit, celle-ci pourrait aider à la reconstitution des marges des banques qui pourraient alors répercuter cette diminution, au moins pour les meilleurs profils. Mais il est encore trop tôt pour observer un réel impact sur les taux de crédit. En mars, une grande banque nationale a tout de même baissé ses taux de 0,10% sur toutes les durées, et une banque régionale les a diminués de 0,07%. Globalement, la plupart des banques ont laissé leurs taux stables, bien que certaines les aient remontés, parfois uniquement sur les tranches de revenus les plus modestes, les dossiers sans apport ou sur les durées les plus longues. Pour la première fois une banque propose une décote de 0,10% pour des dossiers de financement de résidence principale avec un taux d’endettement inférieur à 33%, mais sous conditions de revenus.
« Depuis fin janvier, on constate chaque jour l’impact des recommandations du HCSF aussi bien dans les critères des banques que sur les grilles de taux. Les taux restent globalement très attractifs, mais les banques les remontent sur les durées de 25 ans, les revenus les plus faibles ou avec peu d’apport. A l’inverse, les emprunteurs avec 20% d’apport (10% pour financer les frais +10% de la valeur du bien) qui achètent leur résidence principale et qui peuvent rembourser leur crédit sur 20 ans sans dépasser 33% d’endettement obtiennent toujours des taux très avantageux ! Une banque propose même désormais une décote de taux de 0,10% lorsque le critère des 33% est respecté », constate Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer.
Actuellement, les taux moyens sont de 1,15% sur 15 ans, 1,35% sur 20 ans et 1,55% sur 25 ans et les taux les plus bas sont de 0,8% sur 15 ans, 0,9% sur 20 ans et 1% sur 25 ans.
Les investisseurs, premiers impactés par les recommandations...
Comme on le pressentait depuis quelques semaines, les investisseurs sont les premiers impactés par les recommandations du HCSF qui préconise de limiter les durées de prêt à 25 ans et d’emprunter avec un taux d’endettement inférieur à 33%. « Les investisseurs sont inévitablement impactés car, pour maximiser l'effet levier du crédit, ils empruntent avec le moins d'apport personnel possible et sur des durées longues, de telle sorte que le futur loyer couvre la plus grande partie de la mensualité du crédit immobilier. En outre, les investisseurs sont déjà souvent propriétaires de leur résidence principale sur laquelle ils ont un crédit en cours. Leur endettement dépasse donc dans la plupart des cas 33% si on prend en compte leur investissement futur sans prise en compte des loyers futurs. Aujourd’hui, beaucoup de dossiers de ce type sont refusés dans les banques classiques », analyse Jérome Robin, directeur général de Vousfinancer.
On le constate dans les chiffres : 27% des dossiers refusés en janvier-février 2020 sont des dossiers d’investisseurs, contre 22% en 2019 et le nombre de dossiers d’investisseurs refusés a augmenté de 13% alors que les profils présentés aux banques sont excellents en termes de revenus ou de reste à vivre. Récemment une banque a ainsi refusé de financer un couple avec 27 000€ de revenus mensuels et 19 000€ de reste-à-vivre, pour un investissement dans une maison au Pyla car le taux d’endettement atteignait 39%...
En période d’incertitude, l’immobilier comme valeur refuge…
S’il est trop tôt pour mesurer l’impact du Coronavirus sur l’économie, on l’a observé sur les bourses mondiales qui viennent de connaitre une semaine noire. Dans le contexte actuel de baisse des valeurs boursières, l’immobilier apparait comme une valeur refuge et pourrait continuer à attirer de nombreux investisseurs. Pour rappel, les investisseurs ont représenté entre 20 et 25% des acheteurs en 2019, un mouvement qui pourrait se poursuivre, à condition que les banques acceptent de les financer…
La demande de crédit devrait donc rester soutenue comme elle l’est depuis le début de l’année, en dépit des recommandations du HCSF qui ne semblent pas décourager les acheteurs. « La demande de crédit reste soutenue car il y a de jeunes actifs, nouveaux entrants sur le marché, d’autres qui veulent acheter plus grands, des investisseurs mais aussi des emprunteurs qui renégocient encore leur crédit immobilier. Les recommandations du HCSF n’ont pas découragé les acheteurs qui d'ailleurs parfois ne mesurent pas l’impact que cela peut avoir sur l’acceptation ou non de leur dossier. Nous leur conseillons bien en amont de leur projet d’avoir de l’apport, de solder leur crédit en cours afin de maximiser les chances d'accord de crédit… », conclut Sandrine Allonier.
En janvier et février, la production de crédits chez Vousfinancer ressort en hausse de 17% par rapport à janvier-février 2019, mois qui avaient été marqués il est vrai par un fort attentisme lié au mouvement des gilets jaunes.
Coté taux de crédit, la politique accommodante des banques centrales en vue de limiter le ralentissement de l’activité économie devrait contribuer au maintien des taux bas, aidé par le recul des taux d’emprunt d’Etat à 10 ans si l’épidémie devait malheureusement durer dans le temps. En revanche, elle ne devrait pas avoir d’impact sur l’offre de crédit qui devrait rester surtout dictée par les recommandations du HSCF.