Missionné en février dernier par le gouvernement, le député MoDem Jean-Luc Lagleize avait pour objectif de tenter de trouver des solutions à l’explosion du coût du foncier dans les opérations de construction.
Objectif : ramener le marché immobilier à la raison !
La proposition de loi est finalement tombée fin novembre. Mais que va-elle concrètement changer ?
Matthieu Cany, co-fondateur chez Sextant France nous éclaire sur cette loi qui peut paraître floue pour bon nombre de propriétaires et futurs acquéreurs en France et nous permet de faire le parallèle avec l'Angleterre qui fonctionne déjà avec ce système depuis de nombreuses années...
Cette loi a pour but de rendre la propriété accessible à tous en dissociant le foncier du bâti. Concrètement cela ne changera rien pour les propriétaires actuels car cette loi ne s’appliquera qu’aux nouveaux projets, destinés à la construction via la création d’organismes de foncier libre (OFL).
Selon Matthieu Cany : « La plupart des français souhaiteront surement rester propriétaire du foncier. Ce projet s’adresse surtout aux populations dont les salaires ne permettent tout simplement pas d’acheter, donc cela vise par exemple le public des logements sociaux qui souhaitent accéder à la propriété avec une solution « entre deux » mais aussi dans des zones tendues comme Paris, ou la classe moyenne ne peut plus acheter depuis de nombreuses années en raison des prix qui flambent. Ces gens n’ont pas d’autres choix que de s’installer en banlieue et de faire des trajets quotidiens maison/travail de 2 à 4h en transport. S’ils peuvent à nouveau habiter à coté de leur lieu de travail cela permettra de réduire les temps de transports quotidiens et donc le trafic et la pollution. Ceci s’inscrit donc dans une démarche éco responsable. »
En France 100% des propriétés comprennent le foncier et le bâti.
Au Royaume Uni, de manière générale les maisons incluent le foncier et les appartements ne comprennent pas ce dernier.
Concernant le foncier il existe des « leases » (baux de location) de 99 ans qu’il faut renouveler plusieurs années avant l’expiration de ce dernier. Cependant depuis plusieurs années, on commence à voir apparaître, dans un souci de simplification, des « leases » de 999 ans ce qui permet de retirer ce stress de renouvellement. Cependant, les anglais n’aiment pas ce système de « leases ».
Matthieu Cany explique : « Très souvent lorsque des anglais nous contactent pour acheter en France ils nous posent la question « Do you have any freehold properties in France » (Avez-vous des propriétés sans bail en France ?). Et ils sont heureux lorsqu’on répond, qu’il n’y a pas de « leasehold properties » dans notre pays. Ce système n’empêchera probablement pas les anglais d’acheter en France, cependant ce système de lease disparait lentement au Royaume Uni et c’est dommage de le créer en France à contre-courant de nos voisins. »
Si nous regardons de plus près l’histoire immobilière du Royaume-Uni avec la politique « The right to buy » de Margaret Thatcher dans les années 1980, permettait aux locataires des biens HLM d’acheter leur résidence principale. Sachant que chaque mairie anglaise (council) possède des HLM (council flats), même dans les quartiers huppés de Londres comme South Kensington, de nombreux locataires ont profité de l’occasion pour devenir propriétaires.
40 ans plus tard nous remarquons qu’il y a moins de places disponibles en HLM pour les personnes qui ont du mal à se loger (surtout à Londres où il y a peu de foncier disponible). Les anciens propriétaires des logements HLM les ont soit vendus avec une belle plus-value soit mis en location, et sont partis vivre à la campagne ou en Europe pour leur retraite.
Selon Matthieu Cany : « En Angleterre, ce fonctionnement a créé de la tension sur le marché locatif HLM, et nous risquons de voir les mêmes conséquences néfastes se produire en France dans quelques dizaines d’années. »
En d’autres termes, l’inconvénient d’une lease peut se comparer aux contrats de voitures électriques ou nous ne sommes pas propriétaire de la batterie et devons justement la louer en plus de l’achat matériel de la voiture. Ce système a rencontré un faible succès auprès des consommateurs par exemple. C’est la même approche pour l’immobilier, si les acheteurs peuvent choisir et même si c’est plus cher, ils favoriseront les propriétés qui comprennent le foncier.
Matthieu Cany termine : « A court terme il n’y aura pas de conséquences sur le marché immobilier français car cela ne concerna que quelques projets qui le plus souvent seront des projets en VEFA ou de la rénovation d’anciens bâtiments HLM. À moyen et long terme, je pense que cela ne représentera pas plus que le parc existant d’HLM qui est de 4,7 millions de logement sur un total de 35,4 millions soit seulement 13,3% du parc immobilier français. »