Si aujourd’hui, l’industrie se recompose sur les territoires, un goulot d’étranglement s’est créé qui freine sa croissance et sa modernisation : les emplois en tension, voire en pénurie. Ces tensions soulèvent des questions d’attractivité des métiers et des territoires, attractivité qui repose sur des représentations collectives.
Avec ce 3ème volet d’un cycle de travaux engagé en 2017 sur l’industrie du futur, c’est tout le système de l’emploi industriel, et son image aux multiples facettes, qui est questionné dans ce nouveau rapport de l’Académie des technologies. Cette dernière émet plusieurs recommandations clés pour développer l’emploi industriel sur les territoires, notamment grâce à un politique ambitieuse et volontariste de la part de tous les acteurs pour développer la formation professionnelle.
Changer les représentations de l'industrie et de la formation professionnelle
Les jeunes générations (18-34 ans) se forgent une représentation de l’industrie - les secteurs, les métiers - à travers une multitude d’évènements qui mettent en avant ses éléments attractifs : technologies de pointe, innovation, ouverture internationale... Cela ne suffit pas estiment les académiciens, si n’est pas effectué, au préalable, un travail systématique et approfondi sur les éléments répulsifs liés à l’industrie, révélés par des enquêtes auprès des jeunes (pollution, travail à la chaîne et pénibilité, licenciements, etc.) et si ces éléments sont occultés dans les actions de promotion de l’industrie.
La représentation collective de l’industrie commence à se construire au collège, avec l’enseignement de la technologie qui peut être un déclencheur de vocations industrielles. Les lycées professionnels sont une voie essentielle pour accéder à l’industrie. Or, Leur représentation sociale n’est pas à la hauteur des enjeux. L’Académie recommande en particulier d’augmenter le nombre d’apprentis en lycée professionnel et d’améliorer l’attractivité de la fonction de professeur de lycée professionnel.
Enfin, l’image d’une entreprise est indéniablement un facteur d’attractivité souligne l’Académie, qui recommande à cet égard que les entreprises industrielles mettent leur « raison d’être » et leur engagement en cohérence avec les grands enjeux contemporains, la transition écologique en premier lieu.
Développer l’apprentissage dans les entreprises et les lycées professionnels
L’apprentissage, véritable passeport pour l’industrie, est un facteur d’attractivité des formations et des métiers industriels. L’apprentissage commence une remontée dans l’imaginaire collectif. Cela se ressent dans l’évolution des flux d’alternants, pour le moment dans les formations supérieures. Des incertitudes demeurent cependant. Beaucoup d’entreprises industrielles n’accueillent pas encore d’apprentis. Les lycées professionnels s’ouvrent à l’apprentissage, mais lentement. Par ailleurs, à la suite de la promulgation de la loi « Avenir professionnel » du 5 septembre 2018, l’avenir de centres de formation d’apprentis (CFA) paraît aujourd’hui mal assuré. La disparition ou l’affaiblissement de petits CFA à vocation industrielle nuirait à l’attractivité de métiers de l’industrie sur des territoires.
Pour rendre l’enseignement professionnel attractif et adapté, souligne le rapport, le rôle des entreprises industrielles est crucial, leur implication est nécessaire (apports en connaissances, en compétences, en moyens) et ce, dès le collège.
Rapprocher l’enseignement supérieur technologique et industriel des territoires
Les établissements ont diverses responsabilités à cet égard mais, dans le contexte actuel, ils devraient pouvoir proposer aux jeunes et aux actifs des parcours sur-mesure de formation, accompagnés d’un service complet, spécialement pour les jeunes qui sont en mobilité : accueil, logement, encadrement, bourses et services de mobilité…
Les collectivités régionales et locales sont ici en première ligne.
Par ailleurs, l’État et les collectivités territoriales devraient renouer avec une logique d’aménagement du territoire en matière d’enseignement professionnel post-bac (STS, IUT, antennes d’écoles ou d’universités…) et notamment contribuer à implanter, sur les territoires de l’industrie démunis de formation professionnelle supérieure, de nouveaux tiers-lieux connectés de formation, parties intégrantes d’universités, d’écoles ou de communautés universitaires, situées, quant à elles, dans des grandes aires urbaines.
Faire de la mobilité sociale le premier facteur d’attractivité de l’industrie
L’attractivité des emplois industriels est largement fonction de la politique sociale, organisationnelle, managériale, des entreprises. En donnant consistance à la notion de parcours professionnel, l’industrie pourrait faire de la mobilité sociale - qui est une grande faiblesse de la société française - le facteur premier d’attractivité de l’industrie, estiment les académiciens. Et ce, en parallèle avec la montée en compétences, grâce à une politique ambitieuse de formation professionnelle, en particulier pour les jeunes générations, avec la création d’écoles internes, de CFA d’entreprises… Des moyens nouveaux sont nécessaires. La réduction significative annoncée des impôts de production pourrait constituer une ouverture. En y affectant une part des ressources dégagées, l’industrie pourrait faire de la mobilité sociale un moyen de différenciation et d’attractivité. Elle gagnerait ainsi en compétitivité et les collectivités locales, actuelles bénéficiaires d’une part majoritaire des impôts de production, y trouveraient intérêt par la montée en qualification des actifs de leur territoire employés dans l’industrie, avec toutes les retombées induites.
Faire du logement des jeunes une priorité nationale
En matière d’attractivité des territoires, la question du logement des jeunes est déterminante souligne le rapport de l’Académie. Elle recommande d’en faire une priorité nationale, pour les lycéens et les étudiants (internats), pour les apprentis (résidences alternantes) et les jeunes actifs (logements abordables), sur tous les territoires de l’industrie en lançant un vaste plan « territoires de l’industrie et logements des jeunes ».
Et les technologies ?
Le rapport souligne l’importance des technologies numériques qui contribuent, avec un accompagnement humain, à réduire les handicaps des petites et moyennes villes ainsi que des territoires ruraux. Sont cités notamment : le très haut débit, les technologies 4.0, l’émergence d’une économie de services qui joue aussi en faveur des aires non urbaines grâce, par exemple, au commerce en ligne ou à l’échange de services, comme le covoiturage.
Enfin, les technologies liées à l’écologie et au développement durable créent de nouvelles activités dans les zones rurales et les aires périurbaines. Cela les rend plus attractives pour ceux qui trouvent là un sens à leur vie professionnelle, en particulier les jeunes générations.