Une faible performance ESG accroit la probabilité d’être cible par des investisseurs activistes.
Alvarez & Marsal (« A&M »), société internationale de services professionnels, publie les résultats de sa dernière analyse et son baromètre sur l'activisme actionnarial en Europe, l’ « A&M Activist Alert » ou « AAA ».
Après avoir intégré la gouvernance d'entreprise (notamment le critère de diversité au sein des conseils d'administration) dans les facteurs importants de ciblage, le rapport AAA inclut pour la première fois une analyse approfondie de l'importance croissante pour les investisseurs activistes des critères ESG. L’analyse montre que les entreprises se situant dans la moitié inférieure du classement ESG risquent d'attirer nettement plus l'attention des activistes.
L'étude anticipe également que la vague d'activisme à travers l'Europe continentale continuera de s’intensifier en 2020 à mesure que les activistes adapteront leurs stratégies aux différents marchés et secteurs qu’ils visent ; celui de la technologie étant de plus en plus ciblé par les actionnaires activistes. Le Royaume-Uni demeure toutefois le principal marché pour les activistes. Il regroupe 54 des 158 entreprises européennes qui, selon les prévisions, pourraient être concernées par un risque imminent de campagne publique de la part d’activistes.
Depuis la publication du dernier rapport de l'AAA en avril 2019, 33 des cibles identifiées par A&M ont fait l'objet de campagnes activistes publiques.
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A&M Activist Alert
- L’AAA est l'analyse statistique la plus complète en son genre. Le rapport est publié 2 fois par an.
- L’AAA porte sur 1 597 sociétés cotées affichant une capitalisation boursière égale ou supérieure à 200 M$ US, ayant leur siège social au Royaume-Uni, en Allemagne, en France, en Scandinavie, en Suisse, au Benelux, en Italie et en Espagne.
- Le modèle prédictif développé a permis avec succès de prévoir la majorité des cibles visées par les activistes depuis janvier 2015.
- Les entreprises peuvent vérifier leur position sur la « Liste d'Alerte » en contactant A&M directement.
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I - Les critères ESG
En utilisant le système de notation ESG établi par Refinitiv et portant sur environ 1 300 entreprises européennes, A&M a créé un classement divisé en quatre quartiles en fonction de la performance des entreprises européennes en matière d'ESG. Les résultats de l’analyse effectuée par A&M portant sur le nombre d'entreprises de chaque quartile ayant fait l'objet de campagnes activistes depuis 2017 laissent penser que de mauvais scores ESG constituent un signe avant-coureur de pressions de la part d’activistes :
- Depuis 2017, 62% des cibles des activistes en Europe se situent dans les deux quartiles inférieurs du classement ESG - correspondants aux notations ESG les moins élevées.
- La probabilité pour que les entreprises de ces quartiles inférieurs soient confrontées à une campagne activiste augmente de plus de 24% en moyenne.
- En Espagne, on observe que les entreprises des quartiles inférieurs sont 2 fois plus susceptibles d'être confrontées à une approche activiste. En France, la tendance est la même.
- Pour les entreprises britanniques et italiennes, c’est l’inverse : le fait d'être dans le 3equartile supérieur (meilleurs scores ESG) multiplie par deux environ la probabilité d’être ciblées par des activistes.
- Cette divergence peut s'expliquer par les différents degrés d'adoption des pratiques ESG en matière d’investissement en Europe.
Malcolm McKenzie, Directeur général et Directeur des services de transformation des entreprises en Europe chez A&M, déclare à ce propos : « Alors que l’ESG prend une importance croissante pour les investisseurs, et plus généralement pour le public, la performance ESG est désormais clairement dans la ligne de mire des investisseurs activistes. Le lien évident établi entre notations ESG et probabilité de devenir la cible d’activistes devrait déclencher une prise de conscience dans les conseils d'administration en Europe. Ceux qui ont négligé les questions d’ESG risquent de devenir des cibles faciles. »
II - Tendances régionales
- Le Royaume-Uni reste le plus grand marché européen pour les activistes, avec 54 entreprises britanniques ciblées aujourd’hui - contre 52 en avril 2019.
- Toutefois, la domination du Royaume-Uni diminue à mesure que l'activisme s'intensifie en Europe continentale. Cette évolution s’explique principalement par le fait que les activistes affinent leurs approches pour mieux s'aligner sur les dynamiques propres à chaque marché, comme en témoigne le succès de la campagne conduite par Elliott Management contre Pernod-Ricard.
- A partir de 2020, les activistes devraient s’intéresser de plus en plus aux entreprises en France et en Allemagne. Selon les prévisions, 25 entreprises allemandes devraient être ciblées (contre 23 en avril 2019), et 24 entreprises françaises pourraient devenir des cibles (contre 20 en avril 2019).
- Avec l’ancrage grandissant de l'activisme en Europe, les actionnaires ont de plus en plus recours à des tactiques activistes contre les conseils d'administration avec lesquels ils sont en désaccord. Les investisseurs institutionnels traditionnels prennent eux aussi des positions plus fermes.
III - Tendances sectorielles
- Le secteur de l'industrie est le plus visé par l’activisme avec 52 entreprises ciblées (contre 51 en avril 2019). Cette situation s'explique en partie par le fait que bon nombre d’entreprises de ce secteur sont en fait des conglomérats dont certaines divisions non rentables pourraient être cédées.
- Mais d'autres secteurs attirent également l'attention. Les activistes s'intéressent de plus en plus aux entreprises technologiques (ex : campagnes au Royaume-Uni contre JustEat et en Allemagne contre Scout24). Au total, en Europe, 24 entreprises technologiques sont aujourd’hui visées, contre 21 en avril 2019.
- L'intérêt des activistes pour les entreprises technologiques pourrait s’intensifier si les bourses européennes assouplissent les règles sur les doubles classes d’actions – une pratique courante pour les sociétés technologiques cotées aux États-Unis – afin de favoriser les cotations internationales.
- Les demandes de fusions et acquisitions permettant de palier la sous-performance de certaines entreprises, tous secteurs confondus, ne cessent de croître. 18 % des demandes formulées par des activistes en 2019 concernaient de possibles fusions et acquisitions. Ces demandes ne représentaient que 12 % des demandes en 2017 et 2018.
- Autrefois privilégié par les activistes, le secteur de la consommation suscite de moins en moins d’intérêt, avec 32 sociétés ciblées aujourd'hui, contre 35 en avril 2019. Cette situation reflète les défis persistants du secteur du retail et l'impact de la disruption numérique.
Malcolm McKenzie pouruit : « Alors que l'activisme prend de l'ampleur en Europe, les investisseurs activistes repoussent de plus en plus les limites de ce qui constitue une cible traditionnelle. Les entreprises technologiques et les entreprises ayant un actionnariat limité ne sont plus épargnées. Alors que les pionniers de l’activisme commencent à démontrer leur valeur sur de nouveaux marchés, nous pourrions être témoins d’une augmentation des attaques contre ce qui était considéré comme des « refuges » historiques d'ici 2020.
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Focus France
L’activisme monte en particulier en France et en Allemagne
Les activistes s’intéressent de plus en plus à l’Europe continentale. D’après la dernière étude, en 2020, leur cible probable va encore continuer de s’élargir.
La France n’échappe pas à cette tendance d’Europe de l’Ouest : le nombre de cibles potentielles identifiées dans le rapport a considérablement augmenté au cours des derniers mois : de 20 cibles potentielles identifiées en avril 2019, c’est désormais 24 cibles qui pourraient être potentiellement visées en France au cours des 6 à 18 prochains mois.
Les activistes s’adaptent à l’Europe continentale et à la France
Si le UK reste le marché le plus actif, sa domination s’érode à mesure que les activistes adaptent leurs tactiques à l’Europe continentale. Selon l’analyse d’Alvarez & Marsal, les activistes ont désormais adapté leurs méthodes au contexte européen. Cela explique plusieurs de leur succès et notamment celui qu’a connu cette année Elliott Management en France.
Le cas Pernod-Ricard
Cette opération constitue pour Alvarez & Marsal un tournant dans l’activisme en Europe. L’augmentation du cours de l’action Pernod-Ricard - qui a pris jusqu’à 30% - dans les mois qui ont suivi l’annonce d’une prise de participation de 2,5% au capital du groupe de boissons par Elliott, témoigne du soutien du marché à cette tentative de changement, et ce alors même que la cible pouvait apparaître comme difficile.
Les groupes français « à risque »
En France, comme ailleurs en Europe, les cibles potentielles des activistes sont d’abord des groupes technologiques ou des groupes industriels sous-performants.
Sensiblement comme en Espagne, les activistes sont susceptibles de s’intéresser à des entreprises obtenant des scores considérés comme faibles en matière d’ESG. Environ 40% des entreprises visées en France se situent dans le quartile le plus bas en matière de notation ESG. Se situer dans ce 4e quartile double la probabilité d’une approche activiste pour un groupe.
En Europe, encore environ 60% des cibles potentielles en moyenne sont celles qui sont les moins performantes en matière d’ESG. A l’inverse, au Royaume-Uni et en Italie, les activistes sont de plus en plus attirés par des entreprises obtenant de bons scores ESG. Selon Alvarez & Marsal, cela s’explique par le fait que, pour obtenir le soutien des investisseurs institutionnels, très sensibles à ces questions, les activistes s’intéressent avant tout à des groupes situés dans les quartiles supérieurs.
Dans tous les cas, le lien entre activisme et ESG ne va cesser de se renforcer au cours des prochaines années.
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Le modèle AAA
Les listes « rouge » et « orange »
Le modèle AAA calcule pour toutes les entreprises analysées un score qui prédit la probabilité d'une action publique activiste. Les entreprises obtenant un score AAA élevé, et donc une plus grande probabilité de ciblage public, sont classées en rouge ou en orange. Ces classifications sont basées sur le niveau du score AAA et sur son maintien au cours des deux dernières années.
Les entreprises affichant un score AAA élevé sur une période de 2 ans et d’un an sont considérées comme courant un risque élevé court terme (6 à 12 mois) d'action activiste publique et peuvent déjà faire l'objet d'approches non publiques. Ces entreprises à haut risque figurent sur la « liste rouge ». Les entreprises ayant un score AAA élevé sur une période de deux ans ou d'un an sont susceptibles d’être ciblées par des activistes. Elles sont considérées comme présentant un risque moyen mais qui ne fera qu'augmenter si des mesures correctives ne sont pas prises dans un délai de 12 à 18 mois. Ces entreprises présentant un risque moyen figurent sur la « liste orange ».
Actualisation trimestrielle
Le modèle Activist Alert d'A&M est entièrement réévalué et actualisé tous les 3 mois avec une mise à jour de toutes les actions activistes connues.
Il permet ainsi d’observer l’évolution et l’importance des variables clés, des périodes de temps considérées et des facteurs entrant en considération à la fois au niveau des pays et des secteurs. A&M apporte également son analyse sur les entreprises qui sont entrées et celles qui sont sorties des listes « rouge » et « orange ».
Cette analyse de décembre 2019 est accompagnée d'un rapport détaillant la méthodologie, les principales conclusions et les éléments importants à destination des entreprises et de leurs conseils d'administration afin qu’ils puissent s’épargner l’impact potentiel non négligeable - à la fois financiers et « réputationnels » - associés à une campagne activiste publique.