Dans ses réflexions publiées dans Le marché du lundi, publication d’Ecofi Investissements, François Lett, directeur du développement éthique et solidaire, revient sur la rémunération des grands patrons. Les dirigeants du Cac 40 gagnent 90 fois plus que leurs salariés !
« Le cabinet de conseil aux actionnaires Proxinvest, fait observer François Lett, révèle que la rémunération des patrons du Cac 40 a progressé en 2018 de 12 % par rapport à l’année précédente, pour atteindre 5,77 millions d’euros, soit 277 fois le Smic ou 152 fois le salaire brut moyen des Français. » C’est par ces considérations que le directeur du développement éthique et solidaire d’Ecofi Investissements débute son exploration des rémunérations des patrons de l’indice phare de la Bourse de Paris.
Les patrons qu’on appellent « grands » gagnent en moyenne 90 fois plus que les salariés des sociétés qu’ils dirigent, contre 73 fois, par exemple, en 2014. Ce « ratio d’équité » est d’autant plus intéressant, souligne le professionnel, que la loi Pacte va imposer aux entreprises la divulgation des écarts d’évolution salariale des dirigeants par rapport à celle de leurs équipes. Dans sa méthodologie, Proxinvest valorise l’ensemble des formes de rémunération des dirigeants : fixe, bonus annuel, jetons, avantages en nature, stock options et actions gratuites de performance (valorisées à leur date d’attribution), intéressement en numéraire et autres formes indirectes de rétribution.
« Une bonne partie de la hausse de la moyenne du Cac 40, explique François Lett, est due à l’intégration dans l’indice en 2018 de Dassault Systèmes, dont le directeur général, Bernard Charlès, a perçu 33,1 millions d’euros. Deuxième patron le mieux rémunéré de France, François-Henri Pinault [président-directeur général de Kering] a perçu 17,3 millions d’euros. Carlos Ghosn, numéro un de Renault-Nissan, avant d’être démis de ses fonctions à la suite de son arrestation au Japon, est parvenu à se hisser à la troisième marche du podium, avec 14,3 millions d’euros, et ce même s’il a été privé d’actions gratuites et de retraite. La rémunération du PDG du groupe parapétrolier franco-américain TechnipFMC, Douglas Pferdehirt, qui arrive quatrième avec 11,7 millions d’euros, est encore plus difficile à justifier, la société affichant des pertes de 1,7 milliard de dollars, une baisse de 16 % de son chiffre d’affaires et de 60 % du cours de Bourse depuis la fusion de 2017. »
Une augmentation trois fois plus forte !
Par ailleurs, Proxinvest constate que, dans les « packages » de rémunération des patrons du Cac 40, la quasi-disparition des stock options (2 % du total) et la prépondérance des actions gratuites (40 % du total). Ces dernières ont la « vertu » d’être assujetties à des conditions de performance de moyen-long terme (en général sur trois ans), mais l’« inconvénient » d’être parfois octroyés dans des volumes « incontrôlés ». En moyenne, la part du salaire fixe ne dépasse pas 20 % du total, quand celle du salaire variable s’élève à 26 %.
Cette année encore, l’étude conclut à une absence de justification de l’ampleur des hausses de rémunération au sein du Cac 40, tant sur le plan de la performance actionnariale que sur le plan de la cohésion sociale. L’an dernier, s’agissant des sociétés de l’indice, les bénéfices nets cumulés ont baissé de 6,2 %, à échantillon constant, avec un recul de 8 % des dividendes réinvestis. La hausse de la rémunération fixe (plus de 3 %) a été plus rapide que celle de l’inflation (1,9 %). Sur cinq ans, la rémunération moyenne des salariés des entreprises du Cac 40 a augmenté de 12,6 %, alors que celle des dirigeants a fait un bond de 37,1 % !
Ce n’est pas tout ! Proxinvest s’est intéressé à l’évolution de la rémunération des directeurs généraux sur la période 2015-2018 à l’aide d’un indice de performance financière des sociétés (chiffre d’affaires, résultat opérationnel, cash flow, bénéfice par action…). « Le résultat, s’étonne François Lett, est édifiant : 59 % des sociétés ayant des performances inférieures à la médiane ont vu la rémunération de leurs dirigeants augmenter… »
Et de conclure : « La transparence des rémunérations des dirigeants est dorénavant quasi-totale et l’approbation de ces dernières par les actionnaires s’est généralisée, mais la tendance demeure immuable. La hausse est décorrélée de la performance. »
M.L.