L'évolution des initiatives politiques élargit les possibilités d'accès au financement pour les PME.
Le point de vue de Fabrizio Pagani, Global Head of Economics and Capital Market Strategy chez Muzinich & Co.
« Les PME européennes ont les produits et leurs marchés. Elles sont capables d’innover dans ce qu’elles produisent et dans la façon dont elles produisent. Elles sont également fortes à l’exportation en s’implantant dans de nouveaux marchés ou en pénétrant plus profondément les marchés déjà existants : en 2017, les PME françaises ont exporté pour plus de 470 Md€.
Cependant, et en dépit de ces atouts, les PME ont souvent du mal à trouver des financements ou à trouver le bon financement.
Traditionnellement, l’économie réelle en Europe a été financée par le crédit bancaire, sous différentes formes. Toutefois, cet outil devient de moins en moins efficace. La réglementation et les autorités de surveillance orientent les banques vers des modèles « asset-light », avec un éventuel « impact négatif sur l’offre de prêts à court ou moyen terme, les banques ajustant leur bilan pour réduire leurs actifs pondérés en fonction du risque.
Nous pensons que cette tendance façonnera probablement les relations entre le secteur financier et l’industrie européenne sur le long terme. Même pendant des périodes où les banques centrales mènent une politique accommodante, il n’est pas toujours facile d’obtenir des crédits long terme pour les PME.
Les conditions ne sont pas uniformes dans la zone euro et peuvent varier considérablement d’un pays à l’autre. Toutefois, la BCE elle-même, dans son enquête « Survey on the Access to Finance of enterprises in the euro area », a récemment souligné que « notamment pour les prêts bancaires, l’un des moyens de financement les plus important pour les PME, le pourcentage net de répondants qui indiquent une amélioration de la disponibilité a diminué pour atteindre 9%.
C’est pourquoi nous croyons en « Finance for Growth » ! Sous ce slogan sont regroupés divers instruments de financement, tel que le capital investissement et la dette privée sous différentes formes, fournissant des offres de financement aux petites et moyennes entreprises par l’intermédiaire des marchés de capitaux.
En Europe, nous pensons que ces modes de financement alternatifs sont apparus et se sont progressivement développés au cours des quinze dernières années. Toutefois, ce n'est que récemment que leur disponibilité s'est étendue dans toute l'Europe, en raison de facteurs incluant actions politiques, tendances du marché et besoins d'épargne.
Des progrès politiques
Les gouvernements sont devenus plus attentifs aux problèmes de financement des PME et ont mis en place des mesures visant à faciliter l'accès aux financements dans des pays clés et au niveau européen.
L’Italie a introduit un ensemble d'outils pour orienter les petites entreprises vers le marché des capitaux, comme la législation sur les mini-bonds (titres émis par des PME), les réformes sur la gouvernance d’entreprise pour faciliter les introductions en Bourse, ainsi que le « Piani Individuali di Risparimo (PIR) », permettant d’investir dans les PME.
De même, en France, l’adoption récente de la Loi Pacte a introduit des mesures pour renforcer et diversifier le financement des entreprises.
Les mêmes objectifs ont été poursuivis au niveau européen par le biais de l’Union des marchés des capitaux (UMC) qui, parmi d’autres mesures, a introduit le « European Long-Term Investment Fund (ELTIF) », fournissant un cadre continental pour collecter l’épargne et la diriger vers les petites et moyennes entreprises.
Un soutien des gestionnaires d’actifs en augmentation
Les gestionnaires d'actifs fournissent davantage de ressources. En Europe, par exemple, au premier trimestre 2019, les prêteurs directs ont accordé 2,5 Md€, soit trois fois plus qu'au 1er trimestre 2018.
Les types de produits d'investissement disponibles ont également augmenté et comprennent désormais une gamme plus large de solutions telles que les fonds de crédit diversifiés, qui peuvent accorder des prêts en parallèle des banques.
Elargir l’accès aux investisseurs privés
Nous constatons également que les épargnants privés ont de plus en plus tendance à investir dans des instruments alternatifs. Les fonds de capital-investissement et de dettes privées ont traditionnellement été le domaine des investisseurs institutionnels et des particuliers fortunés.
Aujourd'hui, les législateurs et les régulateurs sont plus enclins à ouvrir l'accès aux investisseurs particuliers européens, à travers des instruments tels que l'ELTIF ou les fonds de fonds, ainsi qu’à travers des instruments illiquides. Toutefois, l'attrait des rendements à long terme et l'impact social d’une contribution au financement de l'économie locale devront être contrebalancés par le risque d'illiquidité et les exigences réglementaires.
Bien qu'il s'agisse d'un contexte en pleine mutation, nous pensons que cette tendance est durable et que de nouveaux instruments continueront probablement d’émerger en fonction de la capacité d'innovation des gestionnaires d'actifs et des investisseurs.
De notre point de vue, cette vitalité se justifie particulièrement dans une période de taux d'intérêt très bas ou négatifs, où les rendements des instruments plus traditionnels peuvent être comprimés pendant longtemps encore. »