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[Tribune] Transformer nos start-up en licornes suppose déjà qu'elles restent françaises

Par Isabelle Saladin, Présidente fondatrice d'I&S Adviser

Le vrai enjeu de la « start-up nation France » est de devenir une « licorne nation ». A condition que les start-ups ne veulent pas toutes devenir américaines ! Pour cela, 3 sujets à travailler : le marketing stratégique, la structuration opérationnelle et la capacité de rebond du fondateur.

Après Doctolib en mars, la levée de fonds de 205 M€ annoncée par Meero le 19 juin donne de bonnes raisons de se réjouir. Mais pour combien d'autres pépites sont passées dans le même temps sous pavillon étranger ?

Au cours des derniers mois, on a vu des investisseurs étrangers prendre la majorité du capital de SeaBubble en avril, Sentrya a annoncé être racheté par Cisco début juin et Kronos Care par Narvar en janvier. AirBnB a mis la main sur Luckey Homes et SAP sur Contextor.

Lors de Vivatech 2019, le Président de la République française a lui-même appelé à éviter la multiplication des rachats de start-up françaises par des étrangers, et a fortiori par des Américains. Les chiffres qui circulent font état de 1 start-up sur 3 qui devient américaine. Quand on sait que 70 à 90% des start-up créées ferment leurs portent avant leur 3 ans, cela réduit considérablement le vivier de potentielles licornes !


Etre racheté par des Américains
 : un indicateur de réussite ?

Or, pour beaucoup de fondateurs de start-up encore, l'ouverture du capital à des fonds américains est vue comme la seule issue pour financer le développement de l'entreprise tout en s'ouvrant un marché plus grand. Il est vrai que les fonds français n'ont pas les mêmes tickets d'investissements que leurs homologues d'outre-Atlantique et que, sans Nasdaq européen, nos start-up manquent d'accès au capital. Mais cela n'explique pas tout. Il y aussi quand même un état d'esprit qui veut que réussir sa start-up, c'est la revendre à des Américains... Une vision assez court-termiste avec laquelle jamais des réussites celles de Free, Blablacar, ou encore Michel & Augustin n'auraient pas existé.

Alors que faire ? La France forme parmi les meilleurs ingénieurs au monde. Nous avons aussi des compétences de pointe en finance. Ce qui nous manque, c'est la culture économique et marketing. Une belle idée, c'est bien ; si elle se transforme en un produit ou service qui se vend, c'est mieux. Et passer ce cap, nous avons les cartes à porter de main.


Le vrai triptyque gagnant
 : marketing stratégique, structuration opérationnelle et capacité de rebond

De mon expérience d'entrepreneur, je vois 3 points à travailler en priorité - en plus de tous les autres et sans prétendre à l'exhaustivité :

- Tout d'abord, la culture marketing : le marketing ne doit pas juste être restreint à une tactique de promotion de l'offre. C'est bien plus que cela : c'est la traduction de la vision portée par la start-up pour les publics visés, c'est raconter la façon dont son innovation va changer le monde. C'est un sujet stratégique sur lequel le fondateur de la start-up doit s'investir. Et c'est ce qui sera au cœur du pitch aux investisseurs. Là-dessus, nos startuppers pêchent encore et doivent apprendre.

- Ensuite, les startuppers français doivent organiser leur start-up pour qu'elle soit en capacité d'exécuter la vision exprimée à moyen/long terme. Il ne suffit pas de vouloir être leader, il faut pouvoir le devenir. L'organisation, les processus de décision, le management, etc. devront être pensés en conséquence. Il s'agit de construire un business model qui porte la vision à 10/15 ans et faire du « business staging ». A ce titre, l'appui d'un entrepreneur l'ayant déjà vécu sera un vrai accélérateur - à l'image de l'impulsion donnée par Sean Parker à Marc Zuckerberg... Les investisseurs français seront très attentifs à ce point, d'autant qu'ils sont culturellement moins joueurs que les Américains dans leurs choix de capitalisation. Toucher du doigt la capacité à mettre en œuvre opérationnellement un projet, validé par un entrepreneur expérimenté, sera un gage de rentabilité qui les incitera à investir.

- Enfin, il faut développer sa capacité à rebondir. La vie d'un entrepreneur n'est pas un long fleuve tranquille. Avoir une idée disruptive et vouloir la rendre concrète à un horizon lointain suppose ne de pas craindre l'échec. Au-delà de l'état d'esprit entrepreneurial, nos startuppers doivent savoir réagir vite, pivoter à temps, adapter et reconstruire au fur et à mesure que l'histoire de leur entreprise s'écrit. Au début, les fondateurs d'AirBnB proposaient juste une nuit sur un matelas pneumatique chez eux en offrant le petit déjeuner ; on voit aujourd'hui comment ils ont fait évoluer leur concept, combien de fois ils ont pivoté et ce que cette entreprise est devenue...

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